Chaque samedi, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Dan Bastasic, de la firme de fonds d'investissement IA Clarington.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

R C'est tout le débat sur le plafond de la dette nationale à Washington qui, même avec un accord politique intérimaire, continuera d'embêter les marchés pour des mois encore.

Parce que si un défaut de paiement devait survenir au gouvernement américain, même dans quelques mois, ce serait l'équivalent d'un trou noir pour les marchés financiers internationaux.

Entre-temps, avec cet accord intérimaire au Congrès, il y aura sans doute un sentiment haussier sur les marchés boursiers. La suite dépendra de l'état de l'économie.

Or, il faut souligner qu'en dépit du tumulte à Washington, les principales données économiques ont continué de se renforcer. Aux États-Unis surtout, mais aussi dans les principaux pays d'Europe.

C'est passé un peu inaperçu récemment, mais c'est de bon augure en Bourse pour le moyen terme.

Quel indicateur économique suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

R Il s'agit surtout des indicateurs liés à l'économie du secteur privé, plutôt que les gouvernements et les banques centrales.

Pourquoi? Parce qu'ils sont les plus pertinents pour percevoir les défis auxquels font face les entreprises où nous investissons. Et, par conséquent, pour mieux gérer le risque de nos portefeuilles.

Aux États-Unis surtout, nous suivons les données du secteur manufacturier et des services d'affaires, les niveaux de stock, ainsi que le niveau d'activité de l'industrie pétrochimique parce qu'elle est à la base de l'économie des entreprises. Récemment, nous suivons davantage les données de l'emploi et de la rémunération, qui s'améliorent d'ailleurs.

En Europe, aussi, les indicateurs économiques en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne s'améliorent.

En Asie, cependant, nous nous méfions de la durabilité de la relance au Japon. En Chine, les défis financiers et industriels à moyen terme continuent de s'additionner.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

R Dans une perspective à long terme, je privilégierais les fonds gérés d'actions de haute qualité, c'est-à-dire les entreprises où les résultats sont moins volatils, sur le plan des fonds générés et des bénéfices surtout.

Chez IA Clarington, nos fonds d'actions sont composés à 70% environ de titres de grande capitalisation et le reste de titres de petite et de moyenne capitalisation.

À plus court terme, avant que les taux d'intérêt se normalisent [NDLR: remontent], nous préconisons une surpondération en actions plutôt qu'en titres obligataires à revenu fixe.

Et dans cette portion obligataire, nous préférons les obligations à taux plus élevé produites par des entreprises de qualité, plutôt que les obligations gouvernementales à faible taux d'intérêt.

Pourquoi? Parce que ces dernières risquent de perdre beaucoup de valeur (marchande) lorsque les taux remonteront à une normale historique.

Quant à la portion en actions, notre allocation est à plus du tiers (38%) hors du Canada. Et dans cette portion internationale, nous préférons les entreprises qui obtiennent la majorité de leurs flux financiers en Europe et aux États-Unis. Ce sont les grandes économies où nous anticipons le plus de croissance au cours des prochaines années.

Nos secteurs préférés? Les services financiers, les grandes industries, les télécommunications.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

R Les obligations gouvernementales négociables à faible taux d'intérêt. Il faut se méfier aussi des fonds dont c'est l'orientation dominante.

Parce que si notre lecture de la conjoncture économique se confirme, il est pratiquement certain que les taux d'intérêt remonteront bientôt.

Dans ce cas, les obligations à faible taux d'intérêt, comme celles des gouvernements, risquent d'être très dévaluées.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement?

R Je crois que c'est le potentiel d'un long cycle positif de placement, aux États-Unis surtout. Parce qu'au-delà du brouhaha politique et budgétaire à Washington, les données de l'économie réelle s'améliorent considérablement.

De plus, les États-Unis vivent une révolution énergétique (pétrole et gaz de schiste) qui s'annonce très favorable pour la productivité de l'économie américaine.

Même les finances publiques (déficit fédéral) pourraient en profiter fortement.

À mon avis, un contexte aussi favorable aux États-Unis, s'il est bien géré évidemment, pourrait soutenir une décennie de marché haussier sur les marchés boursiers nord-américains.

Dan Bastasic est gestionnaire principal de portefeuille et analyste d'un actif sous gestion de 2 milliards à la firme de fonds d'investissement IA Clarington. Cette firme établie à Toronto est une filiale du groupe financier québécois Industrielle Alliance.