Chaque samedi, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Martin Roberge, stratège de portefeuille et analyste quantitatif chez Canaccord Genuity.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

L'incapacité de Washington à en venir à un accord sur le budget. L'affrontement n'est pas seulement entre démocrates et républicains. De fortes tensions existent à l'intérieur même du Parti républicain où la minorité conservatrice semble viscéralement déterminée à vouloir obtenir des concessions sur la réforme de la santé d'Obama.

Encore une fois, les investisseurs demeureront otages des politiciens américains pour un bout de temps. En l'absence d'une entente à court terme sur le budget, il serait souhaitable que les négociations se tournent vers le plafond de la dette américaine. Un éventuel défaut et une décote seraient très dommageables. Les répercussions seraient ressenties à l'échelle mondiale sur les marchés financiers.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

Notre approche quantitative chez Canaccord Genuity nous amène à suivre non pas un, mais plusieurs indicateurs.

Sur le plan économique, nous suivons les indices d'achat des fabricants qui semblent suggérer une accélération synchronisée de l'économie mondiale.

Aussi, l'emploi est un facteur-clé que nous suivons parce que l'accélération anticipée pourrait être de courte durée.

Sur les marchés financiers, notre attention se porte plutôt sur des facteurs de stress tels que les écarts de crédit sur les obligations de société, les écarts de taux entre les obligations américaines et allemandes, ainsi que l'indice de volatilité en Bourse.

Une certaine détérioration, observée dernièrement, nous incite à la prudence à court terme. En contrepartie, notre optimisme envers l'économie mondiale nous incite à considérer toute faiblesse des actions comme une occasion d'achat.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

Bien que le marché boursier se dirige vers la cinquième année consécutive de gains en 2013, ce type d'actifs demeure attrayant par rapport aux obligations, aux matières premières et aux placements immobiliers.

Quant aux secteurs boursiers, le cycle avancé nécessite une plus grande discrimination sur le plan de la sélection. Notre stratégie mise sur des secteurs cycliques qui profiteront d'un rebond de l'économie mondiale.

Quatre secteurs que nous privilégions sont les technologies et les industrielles aux États-Unis, les sociétés d'énergie au Canada et les titres des métaux de base. Enfin, pour atténuer la volatilité du portefeuille, nous apprécions le secteur des équipementiers en soins de santé aux États-Unis, qui est plus défensif.

Quels placements évitez-vous à tout prix?

Les obligations et les titres les plus sensibles aux variations de taux d'intérêt, tels que les pipelines, les services publics, les télécommunications et les fiducies immobilières. Bien que ces titres aient reculé cette année, ils demeurent dispendieux sur une base d'évaluation historique.

Aussi, l'or est peu attrayant. Même si 2013 est la première année depuis 1997 où l'or baisse de plus de 10%, l'histoire montre que ce prix ne rebondit pas l'année suivante. Ceux qui anticipent un retour du marché haussier de l'or en 2014 resteront sans doute sur leur appétit.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement?

La longévité éventuelle du cycle boursier actuel. Ce n'est pas parce que le marché monte depuis cinq ans, sans correction de plus de 20%, qu'un sommet se pointe nécessairement à l'horizon.

Un marché haussier ne meurt pas de vieillesse, mais d'erreurs souvent causées par les politiques monétaires et fiscales des gouvernements. Même si on ne peut rien garantir de ce côté, il semble que les banques centrales soient disposées à prendre un certain risque d'inflation, ce qui n'impliquerait pas de hausse de taux d'intérêt prévisible à court terme.

Sur le plan fiscal, l'austérité budgétaire est de mise et les souvenirs de la crise de la dette souveraine en Europe sont encore trop frais dans la mémoire des gouvernements pour permettre un dérapage. Souhaitons maintenant que les politiciens à Washington n'aient pas perdu leur mémoire et qu'ils arrivent à des compromis.