Chaque samedi, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Jeffrey Tory, du bureau de Pembroke à Montréal.

Quel a été l'événement le plus significatif des derniers jours en Bourse?

L'événement récent le plus marquant à mes yeux reste ce que la Fed a annoncé il y a deux semaines. Ça ne m'a pas affecté personnellement, mais la réaction de surprise de plusieurs investisseurs a montré comment les gens tentent d'anticiper des choses difficiles à prévoir. C'est un peu devenu comme un gigantesque jeu de devinettes sur les marchés. Beaucoup de gens se sont fâchés, car ils soutiennent que la Fed leur avait laissé entendre une chose et en a fait une autre. Nous préférons investir en nous fiant aux éléments fondamentaux des entreprises.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement?

Nous ne sommes pas des investisseurs de type «macro». Cependant, pour le bien de la société dans laquelle nous vivons, c'est certainement le taux de chômage qui est le plus important. Si les gens travaillent, ils vont dépenser. Ils vont investir. Ils vont acheter une maison. Et ces jours-ci, je garde également un oeil sur la direction prise par les taux d'intérêt parce qu'ils influencent le comportement des consommateurs.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

Détenir seulement des actions est trop risqué dans un portefeuille, mais si vous cherchez des suggestions de titres, en voici trois.

Je propose Redknee Solutions, dont le symbole est RKN à Toronto. C'est une entreprise qui vend des logiciels dans le secteur des télécoms. La société est dirigée par un entrepreneur et une transaction significative a récemment été réalisée avec Nokia. Bien que l'action s'est appréciée cette année, il y a encore beaucoup de potentiel et le titre reste relativement bon marché.

Je suggère aussi DHX Media, dont le symbole est DHX à Toronto. C'est un important producteur indépendant d'émissions pour enfants. C'est cette entreprise qui a acheté les actifs de Cinar (Cailloux notamment) l'an passé. L'entreprise bénéficiera de la révolution observée dans la distribution numérique par l'entremise de Netflix et de YouTube. Le contenu de DHX a beaucoup de valeur. Ultimement, il y aura de la consolidation par les grands studios.

J'aime également ICG Group, dont le symbole est ICGE au NASDAQ. Il s'agit d'une entreprise dont les services informatiques d'affaires connaissent une rapide croissance. La société est grandement sous-évaluée par rapport aux comparables dans son secteur. L'entreprise est en transition d'un stade de développement vers une période de rapide croissance de ses bénéfices.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Les obligations à long terme. Je préciserais ma réponse en ajoutant de ne pas simplement éviter cette catégorie d'actifs, mais plutôt de faire preuve de prudence avec la durée ou l'échéance des obligations parce que c'est important d'en avoir pour les gens qui ont un portefeuille équilibré. Nous conseillons cependant à nos clients de se tourner vers le secteur des entreprises où les «spreads» sont intéressants.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus?

Vu tout ce qui se passe dans le secteur de l'énergie en Amérique du Nord (avec l'extraction par fracturation, par exemple), le marché américain pourrait devenir autosuffisant en énergie. Il y aura des impacts sur les entreprises et les consommateurs. Il y a aussi beaucoup d'argent qui quitte le pays pour financer l'approvisionnement en pétrole. Si cet argent reste ici, ça peut beaucoup influencer l'avenir de l'économie américaine. Au cours des cinq prochaines années, il est possible que les États-Unis atteignent leur objectif de devenir autosuffisant. Cet élément n'est pas bien compris et ça pourrait être très « bullish » pour les États-Unis. Il y aura aussi un impact sur le Canada, car les États-Unis sont notre plus grand partenaire commercial.

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Jeffrey Tory est président du conseil de Gestion privée de placement Pembroke, à Montréal, où il agit également à titre d'associé et de gestionnaire de portefeuille. L'actif sous gestion s'élève à 2,4 milliards. La philosophie de gestion repose sur une recherche de titres de croissance principalement chez les entreprises de petite et de moyenne taille. Avant de se joindre à Pembroke il y a 26 ans, il travaillait chez Burns Fry.