Au cours des derniers mois, plusieurs épargnants ont eu la désagréable surprise en recevant leur relevé de compte de constater que la valeur de leur portefeuille avait baissé, et ce, même s'il était principalement composé d'obligations.

En effet, si vous détenez des obligations dont les échéances sont à moyen et à long terme, il est probable que votre portefeuille ait perdu de la valeur. Pourquoi? Parce que les taux des obligations ont monté.

Comme pour les actions, les prix des obligations fluctuent. En fait, ils fluctuent inversement aux taux d'intérêt. Si les taux d'intérêt montent, les prix des obligations baissent, et lorsque les taux baissent, les prix montent.

Pourquoi en est-il ainsi? Simplement pour que les obligations existantes demeurent concurrentielles en s'ajustant au taux des nouvelles obligations.

Par exemple, imaginez que vous détenez des obligations du gouvernement du Québec payées 100 $ venant à échéance dans 10 ans et qui vous rapportent 3 % d'intérêt par année. Or, pour différentes raisons de conjonctures économique et financière, le gouvernement émet maintenant des obligations à 4 %. Vous aimeriez sûrement alors échanger vos obligations à 3 % pour celles à 4 %.

Mais qui voudra acheter vos obligations à 3 % alors qu'il est possible d'en acheter à 4 % ? Personne. Pour les vendre, il vous faudra baisser le prix. Disons à 90 $. Comme l'acheteur touchera 100 $ à l'échéance dans 10 ans, il sera indemnisé pour le manque à gagner de 1 % en intérêt qu'il aura subi durant ces années.

Or, c'est exactement ce qui se produit actuellement. Durant la période du 2 mai au 21 août, les obligations du Québec 3 % échéant le 1er septembre 2023 se sont dépréciées de près de 9 $, indique Guy Liébart, président de Gestion Sodagep. Le taux de rendement de ces obligations était de 2,71 % le 2 mai. Le 21 août, il avait grimpé jusqu'à 3,72 %. Quant au prix, il a chuté de 102,61 $ à 93,94 $.

Ce fut pire encore pour les obligations à long terme Québec 4,25 % échéant le 1er décembre 2043. Le taux de rendement est passé de 3,49 % à 4,32 %. Comme l'échéance plus longue amplifie l'impact, le prix de l'obligation est passé de 114,19 $ à 98,76 $, une perte de plus de 15 $.

À qui la faute? La Réserve fédérale américaine (Fed), répond Guy Liébart. Pour combattre les effets de la crise financière, elle achète chaque mois de grandes quantités d'obligations, ce qui soutient les prix. Mais aujourd'hui, elle s'apprête à diminuer l'ampleur de ses achats.

Depuis quelques années, les analystes financiers ne cessent de répéter qu'il faut se méfier d'une hausse des taux. Il semble que le moment soit venu.

Comment se protéger de la hausse des taux

Daniel Chartier, chez Valeurs mobilières Desjardins, dirige une équipe de six personnes qui gère des portefeuilles totalisant plus de 300 millions, dont une partie importante en obligations. Voici ce qu'il suggère.

D'abord, une mise en garde. Il faut continuer de respecter sa répartition d'actifs à long terme, et ce, malgré les conditions difficiles actuelles. Cela signifie que si vous avez évalué que votre besoin d'obligations était à la hauteur de 50 % du total de votre portefeuille, vous devez vous en tenir à cet objectif.

Toutefois, il faut s'adapter à la conjoncture. Devant les risques de hausse de taux d'intérêt, il faut raccourcir l'échéance moyenne du portefeuille, c'est-à-dire détenir plus de titres à court et moins de titres à long terme. Cela réduira l'impact négatif de la hausse des taux sur le prix de vos obligations.

Tout en favorisant les titres à court terme, il faut aussi maintenir l'étalement des échéances, c'est-à-dire éviter que toutes les obligations viennent à échéance au même moment. Assurez-vous également de conserver des liquidités pour profiter des occasions lorsque les taux monteront.

Soyez également très prudents et surtout très critiques envers les titres et produits qui vous seront offerts, ajoute M. Chartier. Par exemple, avant d'acheter un fonds d'obligations, géré ou indiciel, assurez-vous de bien mesurer le risque de baisse qu'il comporte, ainsi que les frais. Les taux d'intérêt étant bas, les frais peuvent gruger rapidement une bonne partie du rendement du fonds. «Une façon de contourner le problème est de détenir vos propres obligations plutôt que des fonds d'obligations indiciels», dit le gestionnaire.

Enfin, opter pour la meilleure qualité de crédit. Ce sont les obligations de gouvernements, fédéral, provincial ou municipal. Les taux bas ont incité les gens à se diriger vers les titres de sociétés qui offraient un meilleur taux. Ils occupent chez plusieurs une grande partie du portefeuille, ce qui ajoute au risque. «Beaucoup de gens ont baissé leur garde, mais le temps est venu de rétablir la qualité du crédit», dit Daniel Chartier.