Chaque samedi, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement.Cette semaine, Vincent Delisle, directeur des stratégies de placement à la Banque Scotia.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Ce sont les taux obligataires américains à échéance de 10 ans qui ont brièvement touché 3% à la suite de la publication de statistiques très robustes dans les secteurs manufacturiers et des services aux États-Unis.

À notre avis, les conditions semblent propices pour que la Réserve fédérale américaine réduise son programme d'achat mensuel d'obligations (QE) d'ici la fin de l'année. Le changement de cap de la politique monétaire américaine devrait maintenir la pression à la hausse sur les taux obligataires, ce qui aura des répercussions importantes sur le comportement des marchés.

Par ailleurs, la situation en Syrie retient également - et malheureusement! - l'attention, mais il demeure difficile de quantifier l'impact soutenable sur les marchés.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

L'emploi aux États-Unis demeure notre principal repère et guide notre décision d'allocation d'actif. Certes, les chiffres sur la création d'emplois au mois d'août [divulgués hier] ont été inférieurs aux attentes. Mais la tendance demeure positive aux États-Unis, notamment du côté des demandes d'assurance emploi qui sont redescendues aux niveaux antérieurs à la récession.

Tant que l'emploi s'améliore, nous resterons plus favorables aux actions, surtout dans les secteurs cycliques, par rapport aux obligations et aux actions dans les secteurs défensifs.

Le rebond des données économiques en Europe et en Chine depuis juillet retient également notre attention. Une croissance mondiale plus généralisée pourrait se matérialiser en 2014 si l'Europe et la Chine reprennent du tonus.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

Nous avons réduit l'allocation en actions et rehaussé la portion d'encaisse au début du mois septembre en raison des incertitudes à court terme. Notamment: la politique monétaire américaine, la hausse des taux obligataires, la saisonnalité peu clémente - septembre et octobre sont historiquement difficiles en Bourse - et les tensions au Moyen-Orient.

Il s'agit d'un changement tactique destiné à calibrer à la baisse notre surpondération en actions. Notre répartition d'actifs recommandée s'établit comme suit: 63% en actions, 32% en obligations et 5% d'encaisse.

Sur le plan mondial, les marchés développés (États-Unis, Europe, Japon, Canada) demeurent plus attrayants que les marchés émergents. Aussi, les secteurs cycliques sont à privilégier, comme l'énergie, les métaux de base et l'industrie, les technologies et les assureurs.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

La prudence reste de mise envers les actifs sensibles à une hausse des taux obligataires et à un raffermissement du dollar américain.

Par conséquent, nous recommandons une sous-pondération dans les secteurs des services publics et des télécommunications, des pipelines, des fiducies immobilières, ainsi que l'or et les autres métaux précieux.

De plus, les indices boursiers et les devises des pays émergents restent vulnérables à un retour vers des conditions monétaires [taux obligataires] plus normales aux États-Unis.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement?

À court terme, les marchés pourraient surestimer les risques associés au changement de cap de la Réserve fédérale, ce qui freinerait l'élan de l'indice boursier S&P 500.

À moyen terme, toutefois, nous croyons que les investisseurs sous-estiment les conditions économiques favorables aux États-Unis qui justifieront une plus faible dose de stimulus de la part de la Fed. Nous serions donc acheteurs dans des moments de faiblesse boursière.

Aussi, les investisseurs sous-estiment le fait que l'indice canadien S&P/TSX a traîné en queue de peloton depuis près de trois ans. Or, de meilleurs signaux économiques en Europe et en Chine pourraient redorer le blason du TSX, qui supplante d'ailleurs les indices mondiaux depuis le début du troisième trimestre.

La surperformance de l'indice américain S&P 500 a atteint des niveaux extrêmes récemment. Mais l'écart de performance avec le TSX devrait s'atténuer au cours des prochains mois, et ce, malgré le repli anticipé du huard.