Bravo à Amélie et Olivier, qui ont réussi un beau coup avec leur première acquisition. Mais ce serait peut-être trop étirer leur chance que de tenter de le répéter.

« À la base, je suis peut-être trop conventionnelle, trop prudente, mais ça fait partie de mon métier, observe la notaire Denise Archambault. Je les trouve un peu justes dans leurs calculs. Ce ne sont pas de gros salariés. »

Avec un second immeuble, le jeune couple sera plus vulnérable aux imprévus, dont la probabilité augmentera - réparations urgentes, vacance de logement, mauvais payeurs...

S'il y avait une rupture (du couple, pas de la tuyauterie), « ils ne seront pas capables, avec le revenu de chacun, de conserver ce deuxième immeuble, estime la notaire. Que feront-ils alors ? Faire une vente de feu, payer des pénalités pour remboursement ? »

Le couple ne veut pas d'enfant. Amélie et Oliver auront-ils donc un peu plus de latitude de ce côté ? « Il peut arriver tellement de choses... », rétorque Me Archambault, qui a vu tous les scénarios dans son cabinet.

Leur voiture est payée ? « Je n'en connais pas d'éternelle. »

Pour sa retraite, Amélie devrait plutôt diversifier ses investissements avec des placements plus conventionnels. « Il faut qu'elle se constitue un REER, résume Denise Archambault. Ça lui permettra d'économiser de l'impôt. »

Olivier a un bon régime de retraite, mais rien ne garantit qu'il conservera toujours le même emploi. Lui aussi devrait remplumer son REER.

« Des jeunes capables aujourd'hui d'avoir une maison et de faire des économies, je les laisserais poursuivre avec cette feuille de route », soutient la notaire.

Entre-temps, il y a plus inquiétant...

Prévoir le prévisible

Amélie et Olivier n'ont signé aucun document qui reconnaît la part d'Olivier dans la mise de fonds.

« L'amour fusion, est-ce assez beau ! », ironise Me Archambault, avant d'expliquer : « Il est essentiel qu'il y ait une convention. Pas seulement pour la question de la mise de fonds, mais pour tout ce qui pourrait arriver. Par exemple, que fait-on en cas de rupture ? »

Bonne question. Bien sûr, elle a des réponses.

« Ce qu'on veut, c'est une convention qui va établir les règles du jeu lors d'une revente ou d'un décès, pour que tout soit clair. Ça lie les parties, leurs ayants droit, leurs héritiers, etc. »

Ce document établirait la part de chacun dans la propriété de l'immeuble et préciserait la mise de fonds que chacun y a apportée. « Il peut y avoir des quotes-parts de 50-50 même si la mise de fonds est inégale, parce que par la suite ils vont payer à parts égales », indique la notaire.

En deuxième lieu, on énumère les règles de gestion. Qui s'occupe du paiement des mensualités ou de la perception des loyers ? L'hypothèque sera-t-elle payée à partir d'un compte conjoint spécifique, auquel les deux conjoints contribuent également par versements automatiques ? Combien faut-il de signatures ?

On fixe également les conditions de la revente de l'immeuble. « On indique qu'avant partage, chacun va reprendre sa mise de fonds, avec ou sans plus-value », explique Me Archambault. Elle donne l'exemple d'un héritage de 50 000 $ qu'un des deux conjoints aurait appliqué en mise de fonds. « S'il trouve que ce n'est pas équitable parce que ça ne rapporte rien - bien que ce soit un projet de vie à deux -, je leur proposerai une comparaison avec un dépôt à terme. Vous avez une hypothèque depuis cinq ans avec la banque X ? Votre 50 000 $ vous aura rapporté le même rendement que celui qu'un dépôt à terme de cinq ans de la même banque aurait versé durant la même période. »

S'il y a peu d'écart entre les mises de fonds, la notaire ne tiendra habituellement pas compte du rendement qui leur est attribuable.

En cas de décès, les clauses de l'entente correspondront aux souhaits des deux conjoints. « Habituellement, on va inscrire une préférence de rachat accordée au survivant, moyennant des conditions qui varient d'un couple à l'autre. »

Enfin, avise la notaire, le couple devrait souscrire une assurance vie.

« Il faut que le conjoint survivant ait l'assurance de ne pas devoir sortir rapidement de l'immeuble ou de vivre avec des gens avec lesquels il ne s'entend pas. »