Séparée depuis trois ans, Évelyne, 44 ans, est mère de deux enfants âgés de 16 ans et 13 ans. En janvier 2012, elle a quitté un emploi de cadre dans un hôpital de Montréal pour un poste similaire dans une entreprise privée, située près de son domicile. Elle évite ainsi deux heures de trajet par jour.

«J'ai contribué pendant 24 ans à un régime de retraite fort intéressant, la CARRA (Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances). En quittant avant d'avoir complété 35 ans de service, je recevrai moins de 50 % de mon salaire.»

Dans son nouveau poste, Évelyne conserve son revenu de 70 000 $, mais n'a aucun fonds de pension. «Mon nouvel employeur, précise-t-elle, me verse 9,5 % de mon salaire dans un REER.»

Avouant avoir une mentalité d'écureuil, Évelyne trouve important de n'acheter strictement que ce dont elle a besoin. Avec son remboursement d'impôt, cet été, elle se paie «une folie», un voyage en Islande.

Elle rêve de prendre sa retraite à 55 ans. «Je m'inquiète sachant que je vivrai sans doute seule. Comment trouver un équilibre entre profiter de la vie et économiser? Dans 11 ans, mes enfants auront respectivement 24 et 27 ans et pourront voler de leurs propres ailes. Que me conseillez-vous?»

Portrait

Évelyne, 44 ans, directrice du service à la clientèle

Revenus:

70 000 $

REER

52 915$

350 $ en contribution mensuelle.

CELI

10 417 $

Pension alimentaire

16 000 $ par année pour subvenir aux besoins des enfants de 13 et 16 ans.

Placements

72 817 $

Fonds équilibrés (61 000 $)

Fonds à intérêts garantis (11 817 $)

REEE

9019$ pour sa fille, versements de 35 $ mensuellement.

REEE

7880 $ pour son fils, versements de 25 $ mensuellement.

260 000 $

Valeur approximative de la maison achetée il y a 3 ans

Hypothèque de 167 000$. Versements: 1000$ mensuellement.

Aucune dette

Auto 2009 déjà payée

Coussin d'épargne : 1604 $ (en cas d'imprévu)

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Solution

Si elle veut jouir d'une retraite qui lui permettra de vivre à l'aise financièrement, Évelyne devra travailler cinq années supplémentaires. «La retraite à 55 ans m'apparaît prématurée dans un scénario réaliste. Elle pourrait même manquer de liquidités entre 2030 et 2035. Elle sera âgée de seulement 61 ans», estime Gaétan Veillette, planificateur financier chez Investors.

À 55 ans, Évelyne n'aura pas terminé de payer son hypothèque. «De plus, la quadragénaire n'a pas assez d'économies et risque d'épuiser son patrimoine avant son décès», ajoute M. Veillette.

Le spécialiste lui recommande de dynamiser son portefeuille de placements qui devraient rapporter davantage que 1,25%.

Le président de la firme ConFor Financiers, Martin Dupras, a effectué des calculs révélateurs. En quittant son emploi après 24 ans de service, Évelyne recevra à 55 ans, seulement 38 % de son salaire de 70 000 $, soit 26 900 $.

M. Dupras évalue qu'à partir de 60 ans, elle obtiendra environ 53 000 $ de ses REER et du RREGOP (Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics), comparativement à 38 000 $ si elle prenait sa retraite à 55 ans.

À 60 ans, elle aurait droit à une prestation de 7800 $ de la Régie des rentes du Québec. Puis, à 65 ans, elle sera admissible à la pension de 6500 $ provenant de la Sécurité de la vieillesse.

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Perspective

De l'avis des spécialistes en planification financière, la retraite à 55 ans s'avère un énorme défi. «Pour plusieurs, c'est un rêve irréaliste: les gens doivent travailler plus longtemps et épargner davantage», affirme Gaétan Veillette, planificateur financier chez Investors.

À l'heure actuelle, 2 millions de Québécois n'ont pas accès à un régime de retraite de leur employeur. Ces travailleurs devront faire preuve d'une grande discipline sur le plan financier s'ils veulent dire «bye bye boss» à l'âge de 55 ans.

M. Veillette a déjà calculé qu'un employé avec un revenu net après impôt de 27 548 $ doit épargner 800 $ par mois et ce, dès l'âge de 25 ans. Son épargne lui rapporterait 650 000 $ à 55 ans. Difficile d'atteindre une telle somme lorsqu'on a des enfants, une voiture, un logement à payer et des imprévus.

Au Québec, les fonctionnaires, employés et cadres du réseau de la santé et de l'éducation sont particulièrement choyés quant à la générosité de leur régime de retraite. Toutefois, il est préférable de travailler aussi longtemps que possible pour obtenir le maximum de la rente.

Le planificateur Martin Dupras suggère de considérer sérieusement le projet de quitter un emploi avec un fonds de pension. «À salaire égal ou ambiance équivalente, je recommande de conserver votre poste à moins de vous y ennuyer profondément.»

Pénalité

En quittant son emploi de cadre dans un hôpital montréalais, après 24 ans de service, Évelyne se trouve grandement désavantagée au plan financier. Si elle avait travaillé l'équivalent de 35 années, elle aurait eu droit à 70 % de son salaire de $70 000 $, soit 49 000 $.

De plus, en cas de départ avant 60 ans, la rente du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP) est réduite. «Il faut retrancher 4 % pour chaque année manquante. Au total, sa rente est coupée de 20 %», explique Martin Dupras, président de la firme ConFor Financiers.

À 55 ans, Évelyne n'aurait droit qu'à seulement 26 900 $ provenant de la rente viagère de son ancien employeur.

Le spécialiste de la retraite Martin Dupras envisage une autre solution pour Évelyne. «Dans quatre ou cinq ans, elle pourrait travailler de nouveau pour le gouvernement. À ce moment-là, si son salaire était plus élevé que 70 000 $, en participant au RREGOP, toute la rente, incluant celle pour sa participation passée, serait calculée avec ce salaire plus élevé.»

Sa priorité

Chaque mois, Évelyne verse 350 $ dans un REER. Le planificateur d'Investors Gaétan Veillette conseille de suspendre cette somme et de la verser dans le Régime enregistré d'épargne-études (REEE) pour ses adolescents, âgés de 13 et 16 ans. «L'épargne-études doit être une priorité pour elle. Je lui recommande de verser 5000 $ par enfant chaque année afin de profiter au maximum des subventions gouvernementales.»

Une année universitaire coûte entre 5000 $ et 10 000 $, selon M. Veillette.

M. Dupras suggère de retirer l'argent - sauf son coussin de sécurité - de ses placements qui rapportent environ 1,25 % en intérêt afin de cotiser au maximum au REEE de ses enfants, augmentant ainsi les subventions.