Comme de nombreux Québécois, Jacinthe et Sébastien, profitant du faible taux d'intérêt, ont investi dans l'immobilier. Plusieurs experts s'inquiètent de l'endettement de ces investisseurs, et surtout, de l'éventualité d'une hausse des taux.

Daniel Laverdière, planificateur financier à la Banque Nationale Gestion privée 1859, se dit un peu inquiet du niveau d'endettement de Jacinthe et Sébastien. Il a calculé que les dettes du couple s'élèvent à 1,2 million. «Si les taux d'intérêt augmentent de 2 %, ils se retrouvent à payer 24 000 $ de plus. Seront-ils capables de garder leurs immeubles?», se demande-t-il.

«Le couple ne pourra pas nécessairement augmenter le prix des logements et il sera peut-être obligé de vendre en catastrophe, ce que je ne souhaite pas.»

Dans son bureau, M. Laverdière voit de nombreux clients qui n'ont pratiquement aucune marge financière. Leur taux d'endettement est élevé et ils ont peu d'économies pour leur retraite. «Il y a beaucoup de gens comme Sébastien et Jacinthe au Québec qui ont des investissements immobiliers, mais peu de liquidités.»

Même son de cloche du côté de Josée Laframboise, planificatrice financière à la BMO de Montréal, qui a analysé le cas du couple. «Un taux à 2,25 %, c'est du jamais vu depuis 40 ans. Si les taux augmentent, un ralentissement est à prévoir dans le domaine immobilier. Certains immeubles seront plus difficiles à vendre.»

Vendre ou non? 

En septembre, le couple veut emménager dans l'immeuble no3 qu'il loue présentement. Il désire y entreprendre des travaux évalués à 125 000 $. M. Laverdière suggère de vendre l'immeuble no1, d'une valeur de 700 000 $.

Cela lui permettra de se servir de l'argent pour entreprendre les rénovations. De plus, une partie de la vente servira à rembourser l'hypothèque de l'immeuble no2, acheté en 2012, qui s'élève à 457 000 $. Quant à Sébastien, il pourra enfin se prévaloir d'un coussin financier.

M. Laverdière recommande une chose importante avant d'entreprendre les travaux de rénovation : le couple doit en évaluer leur impact fiscal auprès d'un comptable. «Si Jacinthe et Sébastien entreprennent des travaux dans leur propre logement, ces dépenses ne seront pas déductibles d'impôt», note-t-il

Augmentation de l'hypothèque 

L'autre solution envisagée par la planificatrice Josée Laframboise de la BMO est d'augmenter l'hypothèque de l'immeuble no1, le faisant passer de 295 000 $ à 420 000 $. «Cela lui coûtera environ 500 $ de plus par mois. Il ne faut pas oublier que si le couple tient à payer 800 $ de loyer dans l'immeuble no3, il y a aura un manque à gagner de 350 $ par mois».

«En contrepartie, je suggère au couple de continuer à payer la même somme que l'ancien locataire soit 1150 $.»

Cependant, la planificatrice se demande si le couple aura la capacité de supporter des frais de 850 $ de plus par mois. Cette somme comprend la hausse de l'hypothèque no1 et le remplacement de la somme versée par l'ancien locataire.

Devant une réponse négative, Mme Laframboise envisagerait de vendre l'immeuble no2, situé dans Hochelaga-Maisonneuve, et qui rapporte un revenu net d'à peine 200 $ mois.

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LE PORTRAIT

Jacinthe et Sébastien

Jacinthe, 37 ans, enseignante

Salaire : 62 000 $

REER : 52 000 $

Placements en fonds communs de placement : 34 000 $

Actions en Bourse : 30 000 $

CELI : 25 000 $

Sébastien, 37 ans, dessinateur

Salaire : 50 000 $

REER : 7000 $

REER-RAP (Régime d'accession à la propriété) : 7000 $

Prêt auto : 288 $ par mois payé par les deux

Marge de 4 % de 35 000 $ avec un solde de 3 000 $

Biens immobiliers

Immeuble no1 : 

En 2004, le couple est devenu copropriétaire d'un quadruplex d'une valeur de 700 000 $. Il reste un solde hypothécaire de 295 000 $.

Mensuellement, l'immeuble rapporte 3329 $ en revenus. Après les dépenses d'hypothèque, de taxes et d'assurances, il reste 1700 $ par mois.

Ils ont une hypothèque à un taux variable de 2,25 % sur 35 ans. Il reste trois ans au prêt.

Immeuble no2 : 

Le frère de Jacinthe est propriétaire dans une proportion de 50 % d'un quadruplex d'une valeur de 520 000 $. Le couple a des parts dans l'immeuble dans une proportion de 25 %, chacun.

Le solde hypothécaire s'élève à 457 000 $. Chaque mois, la propriété rapporte 2772 $. Une fois les dépenses payées, il reste seulement 200 $ par mois.

Immeuble no3 : 

Le couple forme un trio avec le père de Sébastien. Chacun a l'équivalent de 33,33 % de parts dans un triplex d'une valeur de 600 000 $. Le solde hypothécaire est de 452 000 $. À l'heure actuelle, l'immeuble rapporte 2650 $ par mois. Il subsiste environ 500 $ mensuellement une fois les dépenses payées.

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LE PROBLÈME


En septembre, le couple déménagera dans son triplex no3 d'une valeur de 600 000 $. «Nous voulons entreprendre des travaux d'envergure afin que nous puissions s'installer de façon confortable et pour longtemps», explique Jacinthe, enseignante et maman de deux enfants de 3 et 5 ans.

Ces travaux, d'une valeur de 125 000 $, comprendront la rénovation des planchers, de la salle de bain et de la cuisine de leur logement. À l'extérieur, le couple veut redonner une beauté à l'allée de stationnement et éventuellement y construire une terrasse. «Nous ne savons pas où trouver l'argent. De plus, en emménageant dans cet immeuble, nous perdons un revenu de 1150 $ puisqu'un locataire nous cède son logement.»

«Nous ne voulons pas payer plus de 800 $ par mois de loyer afin de conserver le même train de vie.»

Questions: Est-il mieux de vendre l'immeuble no1 et utiliser les profits pour leur projet? Toutefois, ce quadruplex rapporte des revenus de l'ordre de 3329 $ par mois. Sébastien n'a pas de fonds de pension. Cet immeuble pourrait l'aider à subvenir à ses besoins lors de sa retraite.

Jacinthe devrait-elle puiser dans ses économies, soit ses REER, placements et actions en Bourse?

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LA SOLUTION


Daniel Laverdière, directeur principal, planification financière à la Banque Nationale Gestion privée 1859 estime que le couple a beaucoup d'acquisitions au plan immobilier. Un risque, selon lui. «Jacinthe et Sébastien ont peut-être trop mis leurs oeufs dans le même panier. Ils pourraient vendre l'immeuble no1 qui est le moins endetté des deux.»

«Avec la vente de ce quadruplex d'une valeur de 700 000 $, le couple pourrait rembourser la dette du second immeuble et diversifier davantage ses placements. Sébastien pourrait maximiser son REER, son CELI et rembourser son RAP (Régime d'accession à la propriété).»

De son côté, Josée Laframboise, planificatrice financière à la BMO, s'inquiète du budget des jeunes parents, en apparence serré. «La banque pourrait leur octroyer le montant de 125 000 $ sans qu'ils aient besoin de vendre un de leurs biens immobiliers.»

«Cela signifie qu'on leur prête 65 % de la valeur marchande de l'immeuble de 700 000 $. En réalité, ils prendront une nouvelle hypothèque qui s'élèvera à 420 000 $», explique-t-elle.

Jacinthe et Sébastien pourraient se permettre de réaliser leur projet de rénovation à la condition d'augmenter le paiement hypothécaire de l'immeuble no1 qui passerait de 1065 $ à 1550 $ par mois, soit une somme de 485 $.