Chaque samedi, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et fait quelques conseils d'investissement. Cette semaine, François Magny de RDA Capital, à Montréal.

Quel a été l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Les premiers craquements de l'expérimentation monétaire japonaise. L'extrême volatilité récente sur le marché des obligations et celui des actions au Japon démontre que les interventions des banques centrales ont leurs limites et qu'elles peuvent agiter les marchés à l'extrême. La stratégie de la banque centrale du Japon de provoquer artificiellement de l'inflation a eu des répercussions graves et multiples sur les marchés financiers: fortes chutes des prix et pertes de capitaux sur les obligations japonaises qui sont détenues par les banques et les caisses de retraite japonaises et augmentation du coût du financement de la dette nationale.

Il semble que le Japon entre dans une phase expérimentale très dangereuse. Les marchés étant plus intégrés que jamais, les risques de contagion demeurent très élevés.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement?

Étant un gestionnaire de type «global macro», nous suivons les grandes classes d'actifs, leurs niveaux de corrélation et leur volatilité. En particulier, nous suivons le S&P 500 et le VIX. Le VIX est souvent appelé l'indice de la peur, celui qui représente la volatilité du marché des actions du S&P 500.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

J'achèterais de la protection de portefeuille sous forme de volatilité. C'est sans aucun doute de loin l'actif le moins cher et notre fonds en détient une bonne partie. Investir dans la volatilité est semblable à contracter de l'assurance: tant qu'il n'y a pas de dommage, nous payons une prime annuelle sans en retirer les bénéfices.

Mais le jour où un ennui survient, nous devons non seulement avoir une assurance, mais avoir la bonne couverture. En ce moment, tous les actifs risqués sont surévalués et nous croyons que le moment est opportun pour acheter une protection adéquate puisque cette catégorie d'actifs est nettement sous-évaluée. Je précise par contre que la gestion d'une exposition au VIX n'est cependant pas nécessairement pour tout le monde.

Ce n'est pas comme une police d'assurance qu'on signe au début de l'année et qu'on laisse dans un tiroir. Il faut agir de façon dynamique. Généralement, c'est quelque chose qui est davantage utilisé par des investisseurs professionnels.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Un fonds commun équilibré canadien de type 60/40 (actions/obligations). Ces fonds investissent majoritairement dans des obligations et des actions canadiennes, deux classes d'actifs qui, selon nous, sous-performeront dans les prochaines années. D'un côté, lorsque les taux d'intérêt finiront par monter, les obligations subiront des pertes en capital.

De l'autre côté, le marché des actions canadiennes étant dominé par le secteur bancaire et les matières premières, il n'a que peu de chances d'être performant dans un environnent macro qui prône un ralentissement de l'économie, une baisse du prix des matières premières et des métaux précieux ainsi qu'un ralentissement, voire une correction, du secteur immobilier.

De plus, les frais de gestion d'un tel produit sont élevés par rapport aux espérances de rendement pour les années à venir. Finalement, nous croyons qu'un portefeuille doit être diversifié au-delà des actions et des obligations et qu'il doit offrir une protection contre les marchés baissiers.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus?

Les risques associés aux interventions des banques centrales. Leurs politiques de taux à zéro soutiennent de façon artificielle et sans précédent les actifs traditionnels comme les actions et les obligations. Elles poussent les investisseurs à prendre des risques mal rémunérés et les probabilités qu'ils se soient réfugiés dans une voie sans issue ne cessent d'augmenter. Les sommes déployées dans ces interventions coordonnées deviennent de plus en plus grandes, voire mirobolantes; un jour, nos enfants devront payer nos dettes ou faire faillite!

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François Magny a fondé RDA Capital il y a trois ans. Il en est le président et est responsable de la gestion et des activités de cette firme qui compte 25 millions de dollars d'actifs sous gestion. Dix ans avant de lancer RDA Capital, il avait cofondé Starmark Holdings, firme d'échanges boursiers et de gestion de fonds d'investissement de Londres, en Angleterre. Il donne par ailleurs un cours sur l'investissement alternatif à l'Université McGill.