La crise financière de 2008 a modifié en profondeur le paysage du placement auprès de ceux qui doivent investir pour financer leur retraite et faire croître leur capital. Que peut-on espérer pour l'avenir des tirelires?

Il n'existe plus de certificats de dépôt ou des obligations qui versent des intérêts de 6, 7, voire 8 %. Pour la plupart des obligations garanties par un ordre de gouvernement, les intérêts gagnés après impôts ne les protègent même plus contre l'inflation.

Et ce n'est pas demain que cela va changer. En effet, les banques centrales ont fait baisser les taux d'intérêt et les gardent aussi bas afin de relancer l'économie. Cela permet aussi aux gouvernements lourdement endettés d'assainir leur situation financière. Et elles promettent de le faire pendant encore quelques années.

Quant aux Bourses, après l'effondrement d'il y a cinq ans, elles sont pour la plupart revenues au niveau d'avant la crise. Même que les Bourses les plus prisées des investisseurs, comme la Bourse américaine, battent de nouveaux records. Compte tenu de la reprise économique qui demeure fragile et des déficits gouvernementaux récurrents, plusieurs croient que ces niveaux pourraient bien être insoutenables, et que nous pourrions assister sous peu à un nouveau recul des marchés.

Faut-il modifier sa répartition d'actifs?

Tous ont appris qu'il fallait répartir ses placements en investissant, par exemple, 60 % en actions et 40 % en obligations et ne pas en déroger. Mais est-ce que cette proposition tient toujours maintenant que les taux d'intérêt sont anémiques et que les marchés boursiers semblent de nouveau très risqués ? Le moment est-il venu d'adopter une approche différente ?

Selon les experts, les règles d'investissement ne doivent pas changer en raison de la situation actuelle, du moins pas de façon draconienne. « Il faut demeurer conscient de ses besoins, de ses objectifs et de sa tolérance au risque », résume Serge Pépin, directeur général, Investissements, BMO Gestion mondiale d'actifs.

Malgré tous les bouleversements sur les marchés, le profil de l'investisseur ne change pas, explique Guy Côté, gestionnaire de portefeuilles à la Financière Banque Nationale. « L'investisseur conservateur et prudent demeure un investisseur conservateur et prudent », dit-il. En principe, la répartition d'actifs doit donc demeurer la même.

Le défi : les taux d'intérêt

Le niveau très bas des taux d'intérêt fait en sorte que le rendement sans risque, c'est-à-dire celui de l'obligation du gouvernement du Canada, est maintenant négligeable. L'obligation échéant dans cinq ans rapporte à peine 1,4 %. Même qu'après l'impôt et l'inflation, ce placement vous aura probablement appauvri.

Pour un individu à la retraite à qui l'on suggère généralement une répartition de 35 % en actions et 65 % en obligations, atteindre ses objectifs de rendement est devenu un problème de taille avec la baisse des taux.

Un élément de solution consisterait à modifier quelque peu la répartition. La ramener par exemple à 45-55 %. Mais l'opération doit se faire soigneusement, explique Jean-René Ouellet, analyste principal au Groupe conseil chez Desjardins. « Les fonds transférés vers les actions doivent être investis dans des titres défensifs, c'est-à-dire ces entreprises qui travaillent dans des secteurs à l'abri des aléas du cycle économique, et qui versent un bon dividende », dit-il.

Cette façon de faire s'applique également aux plus jeunes dont la répartition d'actifs comporte déjà un pourcentage en actions plus élevé, par exemple 60-40 % : ils peuvent passer à 70-40 %.

Être plus sophistiqué

Pour ceux qui préfèrent conserver la même répartition d'actifs, il est possible d'augmenter le rendement en ajoutant une dose de sophistication quant aux véhicules de placement que l'on utilisera, explique Guy Côté. Par exemple, en investissant dans un fonds d'obligations où l'on applique un style de gestion tactique. Pour le gestionnaire, cela consiste à modifier fréquemment l'échéance moyenne du portefeuille afin de profiter des variations de prix. Mais comme ces opérations comportent certains risques, il importe de choisir un bon gestionnaire.

L'ingénierie financière est aussi très active dans la création de nouveaux produits qui permettent d'obtenir de meilleurs rendements tout en minimisant le risque. Par exemple, à la Banque Nationale, on offre un Billet de retour en capital. Il s'agit d'un billet boursier d'une échéance de 5,5 ans qui calque le rendement de l'indice TSX 60.

Les billets boursiers ont connu de mauvais moments durant la crise. Dans plusieurs cas, les rendements ont été nuls.

Mais ce Billet de retour en capital garantit un rendement annuel de 4 % à condition que l'indice boursier ne chute pas de plus de 35 % durant la vie du billet. De plus, le revenu de 4 % est traité avantageusement aux fins d'impôts en tant que gain en capital. « Il s'agit là d'un véhicule intéressant pour l'investisseur qui veut remplacer un peu d'obligations par un titre offrant un meilleur rendement », dit Guy Côté.

Le moment est-il propice ?

Vous êtes tenté de flirter avec le risque pour bonifier le rendement, mais est-ce bien le bon moment ? Serge Pépin croit que oui. « L'année 2012 a été fertile en problèmes de toutes sortes, mais nous nous en sommes bien sortis », dit-il.

Certes, les problèmes en Europe ne sont pas résolus, mais ils sont moins menaçants. Aux États-Unis, bien que l'impact total ne soit pas encore connu, il semble que l'économie pourra absorber assez bien les réductions de dépenses causées par le séquestre.

Le moment semble donc propice à surpondérer les actions. « Mais doucement, et avec prudence », insiste Serge Pépin. Chez BMO, on suggère à l'investisseur qui détiendrait normalement 50 % de son portefeuille en actions de hausser ce pourcentage à 56 %. Mais prudemment, en achetant des titres défensifs. Il faut s'assurer que ce ne soit pas en achetant des titres dans des secteurs et des régions risqués, selon le gestionnaire de la BMO.

La notion du risque

Il est universellement reconnu que le rendement d'un placement est proportionnel au risque que l'on est prêt à assumer. Il existe trois catégories de risque, explique Jean-René Ouellet. Celui que l'on souhaite, celui que l'on veut et celui que l'on doit prendre.

Le risque que l'on souhaite prendre est en principe nul. En effet, quoi de mieux que de ne prendre aucun risque. Mais le rendement sera forcément très faible.

Le risque que l'on veut prendre, c'est celui qui correspond à sa tolérance. Celui qui vous permet de bien dormir la nuit. Mais sera-t-il suffisant pour permettre l'atteinte de vos objectifs de rendement ?

Et enfin, le risque que l'on doit prendre. C'est celui qui vous permettra d'atteindre vos objectifs de rendement. Évidemment, plus l'objectif est élevé, plus le risque sera important. Il ne vous reste qu'à trouver votre équilibre entre le risque et le rendement.