Chaque samedi, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Philippe Hynes, de Tonus Capital.

Quel est l'événement le plus significatif des derniers jours ?

Je regarde surtout les résultats des sociétés et les décisions prises par les gestionnaires. Cette semaine, la firme Dealogic rapporte que le premier trimestre est celui durant lequel les fonds d'investissement privés ont vendu le plus de leurs positions dans des entreprises en Bourse. Un total de 20,5 milliards de dollars sur 50 transactions. Les fonds privés n'ont pas toujours raison, mais chose certaine, avec leurs positions importantes, ils siègent aux conseils et sont au courant des développements internes (c'est pourquoi ils doivent soumettre des documents réglementaires quand ils vendent). Ces ventes significatives, combinées avec des données similaires quant au ratio vente/achat de titres de la part des dirigeants des sociétés durant le premier trimestre, montrent que ces initiés sont plus vendeurs qu'acheteurs.

Quel indicateur suivez-vous le plus ?

L'évaluation des entreprises. Je regarde le multiple des profits du S&P 500 qui donne une bonne indication pour savoir si le marché est cher ou non. Au cours des 10 dernières années, la moyenne du multiple cours/bénéfices prévus du S&P 500 est de 14,5.

L'été dernier, ce ratio était à 12 et il y avait plusieurs aubaines. Nous sommes à 14,7, le marché n'est pas extrêmement surévalué, mais il y a moins d'aubaines. Je suivrai donc les révisions de profits au cours des prochaines semaines, alors que les entreprises rapporteront leurs résultats du premier trimestre et les prévisions mises à jour pour 2013. Actuellement, les profits anticipés pour le S&P 500 sont de 108 $. Il y a neuf mois, ces mêmes prévisions étaient de 112 $. En comparaison, la moyenne du multiple cours/bénéfices prévus du S&P/TSX est de 14 et nous sommes à 14,2, donc une légère surévaluation similaire aux marchés américains.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars ?

J'investirais la majorité dans des actions, principalement parce qu'à long terme, le rendement sur les actions est meilleur et aussi parce que les taux offerts par les obligations ne justifient pas le risque couru. Il est possible de perdre de l'argent avec des obligations.

Le marché étant raisonnablement évalué, il faut être sélectif et choisir des titres mal compris par le marché.

Shawcor, par exemple, car son environnement concurrentiel a changé depuis cinq ans, après que l'entreprise a acheté le deuxième acteur mondial.

PHI Helicopters est aussi mal suivie vu son faible volume de transactions, mais elle exploite des hélicoptères dans le golfe du Mexique et elle tire profit du nombre croissant de plateformes de forage dans le Golfe (de 25 à la fin de 2011, le nombre passera à 46 l'an prochain). D'ailleurs, le PDG vient d'acheter pour 15 millions de dollars d'actions.

Quel placement évitez-vous ?

Les matières premières. Il est difficile d'y trouver des sociétés qui génèrent à long terme un bon rendement sur les capitaux investis. En particulier pour les sociétés qui cherchent de l'or, les rendements de ces composants importants du TSX 60 sont, au mieux, près de 10 %, et ce, dans les bonnes années et avec un prix de l'or à 1500 $.

Les entreprises qui versent un dividende sont hautement surévaluées. On devrait plutôt regarder le ratio de la valeur totale de la société sur le flux de trésorerie libre. Certains de ces flux seront versés en dividende et d'autres seront réinvestis dans l'entreprise pour créer de la valeur.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus ?

L'évaluation des entreprises et les anticipations élevées incluses dans le prix des titres.

L'économie américaine est correcte. L'économie canadienne a ralenti, mais elle est toujours en croissance. Et nous pouvons être persuadés que les politiques monétaires demeureront très favorables pour empêcher une récession. Mais je pense que c'est déjà reflété, ce qui limite le potentiel de gains. Le momentum a été bon dans les derniers mois, mais je crois qu'il faut être sélectif, quitte à patienter quelque peu ou à avoir une opinion un peu contraire. Je trouve encore des occasions, mais je reste patient. Plusieurs personnes sous-estiment que nous puissions avoir une correction de plus ou moins 10 % avant que les investisseurs de valeur fassent un retour en force. Pour que je décide d'augmenter mes positions ou faire de nouveaux achats, les prix devront baisser, car je veux m'assurer d'acheter lorsque la marge de sécurité est grande.

Depuis 2007, Philippe Hynes est gestionnaire de portefeuille et président de Tonus Capital. Auparavant, il a travaillé cinq ans chez Van Berkom. L'actif sous gestion chez Tonus s'élève à 25 millions de dollars.