La petite Julianne a vu le jour en septembre dernier. Depuis ce temps, ses parents, Marie-Ève et Antoine, rêvent d'acquérir un petit nid bien à eux. Ils adorent leur quartier - Rosemont - mais commencent à se sentir à l'étroit dans leur 4 .

Comme plusieurs jeunes ménages, ils ont cependant le vertige en constatant le prix des maisons. «Dans notre quartier, c'est beaucoup trop cher pour nous!» se désole Marie-Ève. Dans Rosemont/Villeray, le prix médian d'une maison unifamiliale est de 355 500$ et celui d'un plex, de 454 000$, selon les données de la Chambre immobilière du Grand Montréal (CIGM). Même avec des revenus au-dessus de la moyenne, ils n'ont pas les moyens de payer de telles sommes.

La hausse des prix de l'immobilier dans la région de Montréal a rendu les propriétés inaccessibles pour bien des jeunes couples. Lorsqu'ils veulent acheter - souvent à l'arrivée des enfants -, plusieurs envisagent de déménager en banlieue, où les maisons sont plus grandes et moins chères. Mais ce qu'ils économisent en frais de logement, ils doivent souvent le dépenser en transport. Le CAA-Québec évalue à 9500$ par année les coûts reliés à l'utilisation d'une voiture compacte (dépréciation, entretien, essence, assurances et autres frais). Or, les banlieusards ont souvent besoin de deux voitures. Si les coûts reliés à la deuxième voiture étaient plutôt utilisés pour payer une hypothèque plus élevée, une famille pourrait payer 165 000$ de plus pour une propriété (à 3,1% d'intérêt, pour un prêt amorti sur 25 ans).

D'autres choisissent plutôt d'acheter un plex pour rester en ville: les revenus des loyers aident à payer une hypothèque plus importante et des taxes municipales plus élevées. Pour un logement de deux chambres à coucher, le loyer moyen est de 711$.

Choisir son mode de vie

Mais la décision du lieu de résidence ne se limite pas à une colonne de chiffres. «Plus qu'une question de finances, c'est une question de qualité de vie», fait remarquer Martin Provencher, auteur du livre Acheter une propriété - Les réponses à vos questions. Le mode de vie n'est pas le même dans un duplex d'un quartier densément peuplé qu'en banlieue. «En achetant une propriété, on achète aussi un quartier. Il faut s'y sentir bien», renchérit Josée Dion, urbaniste, conseillère pour la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).

Si certains urbains craignent de devenir trop dépendants de leur voiture en migrant vers la périphérie, Mme Dion note qu'il existe en banlieue des secteurs bien desservis par le transport en commun, où l'on trouve plus de parcs, de commerces de proximité. «La banlieue a changé depuis quelques années», ajoute Paul Lewis, directeur de l'Observatoire SITQ du développement urbain et immobilier de l'Université de Montréal. «Plusieurs secteurs sont multiethniques et multiâges, pas trop homogènes. On y trouve des artères commerciales intéressantes près des quartiers résidentiels, des restos, des salles de spectacle et de plus en plus d'emplois.»

La congestion et le temps perdu aux heures de pointe sont toujours problématiques pour ceux qui travaillent en ville, convient-il. «Certains ne mesurent pas l'impact que ça va avoir dans leur vie, note-t-il. Mais on peut contourner le problème en modifiant son horaire de travail, en optant pour le télétravail, en prenant le transport en commun ou en se trouvant carrément un emploi en banlieue.»

Gérer des locataires: pensez-y bien

En achetant un plex, les revenus de location peuvent rendre l'achat en ville plus abordable. Mais ce mode de vie ne convient pas nécessairement à tous. «Ça demande de la gestion, et il faut accepter de vivre avec un locataire au-dessus de sa tête, souligne Martin Provencher. Il faut répondre aux locataires quand ils ont un problème, collecter les loyers chaque mois, composer avec des défauts de paiement.»

Le spécialiste souligne que les loyers au Québec n'ont pas augmenté autant que le prix des maisons dans les dernières années, ce qui rend les édifices à logements moins rentables pour les nouveaux propriétaires.

Donc, ville ou banlieue? «Il faut bien soupeser les avantages et les inconvénients de chaque option, répond Martin Provencher. Et se demander à quoi on accorde le plus de valeur.»

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Nombre de voitures par ménage

Centre de l'île de Montréal: 0,8

Laval: 1,45

Couronne nord: 1,63

Couronne sud: 1,64

Source: Agence métropolitaine de transport

Gazon ou Bixi?

LE PORTRAIT

Marie-Ève, 37 ans, fonctionnaire

Salaire: 63 000$

REER: 10 000$

CELI: 10 000$

Obligations d'épargne du Canada: 5000$

Antoine, 27 ans, technicien

Salaire: 37 000$

REER: 10 000$

Ont un bébé de 6 mois (Marie-Ève est en congé parental).

Paient 810$/mois pour leur 4 ½ dans le quartier Rosemont.

LE PROBLÈME

Marie-Ève et Antoine n'ont pas les moyens d'acheter une maison unifamiliale en ville. Ils se rabattent donc sur deux options possibles: un duplex à Verdun ou une maison unifamiliale à Saint-Bruno, au sud de Montréal.

En banlieue, ils magasineraient pour une maison de 275 000$; le prix médian des unifamiliales dans Boucherville/Saint-Bruno est de 338 500$. Ils savent qu'en s'éloignant, ils passeraient plus de temps à faire la navette jusqu'à leurs emplois au centre-ville. Et il leur faudrait deux voitures, dont l'une serait utilisée par Antoine pour se rendre au travail, tandis que Marie-Ève opterait pour le train de banlieue en achetant une carte mensuelle TRAM de 151$.

S'ils demeurent en ville, ils voudraient trouver un duplex d'environ 420 000$ dans le secteur Sud-Ouest de Montréal, le prix médian des plex est de 395 000$. Une petite recherche leur a permis d'estimer les revenus potentiels d'un loyer à 675$ par mois.

Si ce n'était des contraintes financières, ils choisiraient la ville. «On aime beaucoup Montréal, explique Marie-Ève. On aime la vie de quartier, faire nos courses à pied, fréquenter les petits commerces, les marchés. Et on est des adeptes du Bixi. La grande cour et le gazon, ce n'est pas essentiel pour nous, s'il y a des parcs à proximité.»

LA SOLUTION

En comparant les deux options, on constate que le duplex en ville serait plus abordable pour Marie-Ève et Antoine: 8640$ de moins par année (voir tableau à gauche)!

Voilà pour la comparaison des coûts. Mais le couple est-il prêt à assumer le rôle de propriétaire occupant, avec les responsabilités qui s'y rattachent? «De toute façon, le choix du lieu de résidence n'est pas toujours une décision rationnelle», souligne Fabien Major, conseiller en sécurité financière et président de Major Gestion privée.

Le spécialiste note que c'est une bonne idée d'analyser toutes les options. Le couple a pris une sage décision, il y a quelques mois, en s'efforçant de mettre de côté 700$ par mois, à la fois pour accumuler plus d'argent pour la mise de fonds et pour tester sa capacité à absorber des dépenses de logement plus importantes. Mais Fabien Major note qu'il leur faudrait augmenter leurs efforts d'épargne de 200$ par mois. En effet, notre tableau comparatif ne contient pas toutes les dépenses liées à une propriété: frais de chauffage, d'électricité et d'assurance plus élevés, entretien, rénovations, etc. De plus, le couple doit prévoir une éventuelle hausse des taux d'intérêt. M. Major ajoute que, si ce n'est déjà fait, ils devraient aussi contracter une assurance vie couvrant le solde de l'hypothèque, en cas de décès de l'un ou l'autre des conjoints.

Autre recommandation: ne pas se presser pour acheter. «Il est possible que les prix baissent dans les prochains mois, fait remarquer Fabien Major. S'ils attendent, ils auront aussi une mise de fonds plus importante, ce qui leur permettra de réduire le poids de leur dette.»