Est-ce que Scrooge existe encore? «La réponse est oui», lance la psychologue Diana Colby en riant. «C'est une dépendance!»

Elle est engagée auprès d'un groupe d'acheteurs compulsifs qui souffrent d'une dépendance à l'égard de l'argent. Les Débiteurs anonymes, groupe affilié à l'organisation américaine Debtors anonymous, reprend le programme en 12 étapes des Alcooliques anonymes.

«Nous avons aussi des gens qui viennent parce qu'ils ne veulent pas dépenser, constate Diana Colby. C'est moitié-moitié dans notre programme.»

La pingrerie est le revers d'une pièce de monnaie qui montre l'achat compulsif sur son envers. Diana Colby utilise une image frappante: l'avarice est à l'achat compulsif ce que l'anorexie est à la boulimie. Deux visages d'un même désarroi. «Ce sont les deux côtés d'une même dépendance», soutient-elle. «Ils peuvent passer d'un côté à l'autre très rapidement. Une journée, ils veulent dépenser n'importe quoi, et l'autre jour, ils ne veulent pas dépenser du tout.»

Tout comme la personne anorexique ne voit pas dans le miroir une juste image d'elle-même, le dépendant monétaire ne trouve pas dans ses états de compte un juste portrait de sa situation financière. «Si nos enfants ont besoin de quelque chose, on ne l'achète pas parce qu'on croit qu'on n'a pas d'argent, décrit Diane Colby. C'est une maladie de la perception.»

Elle trace un autre parallèle avec l'anorexie: «C'est aussi une question de contrôle.» Tout comme l'anorexique contrôle son corps, l'avare contrôle son compte.

Le problème frappe sans discrimination. «Nous avons des hommes, des femmes, des jeunes, des personnes âgées, des professionnels, des étudiants...», informe la psychologue. «Et c'est un vrai problème pendant le temps des Fêtes, parce que les familles sont ensemble, il faut dépenser, il faut boire... Beaucoup de personnes ne savent pas comment vivre le temps des Fêtes avec sérénité.»

L'attrait de l'or électronique

On s'interroge: l'attrait presque fétichiste de l'argent, la manipulation des pièces d'or souvent évoquée en littérature - les doigts crochus qui déplacent des colonnes de monnaie - pouvaient-ils survivre à l'apparition du paiement électronique?

Attachée au Centre de réadaptation Ubald-Villeneuve pour les personnes présentant des problèmes d'alcoolisme, de toxicomanie ou de jeu pathologique, la psychologue Sylvie Royer fait un lien intéressant avec les machines à sous, qui ne donnent plus les lots gagnants en monnaie, mais en crédit sur une carte électronique. Leurs propriétaires ont craint que la disparition des pièces de monnaie en diminue l'attrait, voire la dépendance. «Ils pensaient que le gling gling de la monnaie avait le même effet que la cloche sur le chien de Pavlov, décrit Mme Royer. Finalement, les joueurs sont aussi accros.»

«C'est le même avare qui va jouer et qui va tout ramasser, poursuit-elle. C'est aussi l'avare qui va jouer à la Bourse toute la journée et à tous les jours, qui regarde ses montants fructifier et qui les déplace. Il y en a beaucoup parmi eux. On n'est pas obligés d'avoir des dollars en papier. On s'est adapté. L'avare de Molière est toujours parmi nous.»