C'est peut-être un peu par défaut, mais la Bourse américaine sera en 2013, et probablement pour les quelques années suivantes, un des endroits les plus propices pour les investisseurs à la recherche d'un rendement intéressant. En fait, parmi les classes d'actifs traditionnelles, la Bourse américaine offre la solution la plus intéressante, croit Richard Guay, professeur de finances à l'UQAM, et ex-dirigeant de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

D'entrée de jeu, il ne faut pas s'attendre à des rendements très élevés. «Ils seront sûrement inférieurs à ceux auxquels nous avions été habitués lors des décennies précédentes», dit M. Guay.

Le problème de l'endettement des gouvernements n'épargne plus personne, même les Américains. En conséquence, les perspectives de croissance économique sont maintenant beaucoup plus modestes pour les quelques prochaines années.

Peu importe comment se résoudra l'impasse du «mur budgétaire», des hausses d'impôts et une diminution des dépenses gouvernementales feront inévitablement partie du paysage économique, financier et social aux États-Unis au cours des prochaines années. L'impact négatif sur la croissance économique sera non négligeable.

Malgré ce contexte de croissance économique plus faible, c'est quand même le marché boursier qui offre la meilleure solution en raison de son évaluation actuelle, et aussi parce que les taux d'intérêt sont prêts de zéro, et risquent de le demeurer encore quelques années.

Pierre Trottier, gestionnaire de portefeuilles à l'Industrielle Alliance voit 10 bonnes raisons pour lesquelles les investisseurs devraient privilégier le marché boursier américain. Voici les trois premières. Les sept autres seront publiées demain.

1) Des tendances démographiques favorables

Le phénomène est déjà bien en place et va se poursuivre. Au cours des 40 prochaines années, on prévoit que la population américaine augmentera de 27%, pendant que la population européenne stagnera, et que celle du Japon diminuera de façon significative.

Mais aussi, les États-Unis seront moins touchés par le vieillissement de la population. «Une population plus jeune se traduit par plus de consommation et assure une économie plus dynamique», dit Pierre Trottier. Actuellement, les personnes âgées de 65 ans et plus représentent 13% de la population aux États-Unis, comparativement à 17% en France, 21% en Allemagne et 23% au Japon. Et ces écarts continueront de se creuser au cours des prochaines décennies.

2) La révolution énergétique

Grâce au phénomène des gaz de schiste, les États-Unis profitent d'un prix du gaz naturel très faible comparativement au reste du monde. Le prix varie de 2,50$ à 3$ par million de BTU (British Thermal Unit) dans la plupart des régions américaines alors qu'il s'approche de 9$ au Royaume-Uni, de 10$ en Espagne, de 11$ en Inde, et qu'il grimpe au-dessus de 13$ en Chine, en Corée et au Japon.

Et la proportion des gaz de schiste dans la production gazière aux États-Unis continuera d'augmenter au cours des prochaines années. «Comme le prix du gaz vient aussi dicter le prix de l'électricité, les compagnies américaines jouiront d'un net avantage quant à leurs coûts énergétiques», dit Pierre Trottier.

3) La reprise du secteur immobilier

Pour satisfaire la demande de nouvelles maisons des ménages américains, il a fallu 1,5 million de mises en chantier en moyenne par année depuis 1960. Elles sont actuellement inférieures à 1 million. Il y a eu trop de construction de 2000 à 2007, si bien que lorsque la crise financière a frappé en 2008, le marché immobilier s'est écroulé. Mais la reprise semble être amorcée. Les prix ont commencé à monter, et les taux hypothécaires très bas ont un effet d'entraînement important sur la demande.

Même phénomène quant aux maisons existantes. Les ventes sont en hausse depuis l'été 2010, et les inventaires de maisons non vendues sont en baisse. La reprise de ce secteur favorise à la fois les constructeurs et le secteur financier, mais aussi les consommateurs dont la confiance augmente lorsque le prix des maisons monte.

Mais gare à l'emballement, prévient Richard Guay. «Bien que le pire soit probablement derrière nous, la reprise du secteur immobilier ne se fera pas sans heurts», dit-il.

4) Exposition à la croissance des pays émergents

Comme les économies émergentes vont offrir les meilleurs taux de croissance au cours des prochaines années, il est invitant d'y investir. «Ce but peut être atteint en sélectionnant des compagnies américaines en fonction de leur exposition aux pays émergents, c'est-à-dire celles dont une proportion significative de leurs revenus proviennent de ces pays», dit Pierre Trottier. Ainsi l'investisseur jouira de la sécurité qu'offrent le marché et le dollar américain, tout en profitant de la croissance des pays émergents.

5) Faible coût de financement pour les entreprises

Les mesures d'assouplissement quantitatif des banques centrales ont fait chuter les taux d'intérêt pour tous les emprunteurs, même pour les sociétés dont le bilan financier est plus faible. Certaines grandes entreprises américaines, telles Exxon Mobil, Johnson&Johnson, et Microsoft, profitent actuellement d'une cote de crédit meilleure que celle du gouvernement américain. «De plus, les sociétés américaines ont moins de dettes et ont beaucoup de liquidités, ce qui diminue sensiblement le risque», explique Richard Guay.

6) Entrée/sortie dans les fonds communs d'actions

Depuis 2008, les investisseurs se sont départis de 500 milliards de fonds communs d'actions aux États-Unis. Et ces sorties se sont accélérées en 2011 et 2012. «Ce phénomène constitue généralement un bon indicateur contraire», explique Pierre Trottier. Les individus ont tendance à vendre lorsque les marchés sont bas et à acheter lorsqu'ils approchent du sommet.

7) La déprime de Wall Street

Le sentiment des investisseurs institutionnels est aussi un bon indicateur contraire. Il se mesure par la pondération en actions dans les portefeuilles que les stratèges de Wall Street recommandent à leurs clients de maintenir. La moyenne depuis 1985 est de 60%. Lorsque la bourse américaine toucha un sommet en l'an 2000 au moment de l'euphorie des technos, ces stratèges recommandaient une pondération de 70% en actions. En 2007, juste avant que n'éclate la crise financière, ils recommandaient encore de détenir plus de 65% en actions. Aujourd'hui, ils recommandent 45%. «Sur la base de la théorie de l'opinion contraire, un tel pessimisme augure bien pour une hausse des marchés boursiers», croit Pierre Trottier.

8) Actions versus obligations

Le rendement en bénéfices des actions est l'inverse du ratio cours/bénéfices. Comme le S&P 500 se négocie actuellement à 14 fois les bénéfices, le rendement est donc de 7%. Pour sa part, le rendement des obligations de 10 ans du Trésor américain n'est que de 1,6%. Un écart de plus de 5% en faveur des actions. Cet écart s'était maintenu entre 1% et 2% de 2002 à 2007. L'écart s'est retrouvé à un extrême, soit près de 7% en mars 2009, et la Bourse a alors entamé une gigantesque reprise. L'écart actuel augure bien aussi pour le marché boursier. «Il est clair que la performance des obligations sera faible au cours des prochaines années comparativement à celle des actions», dit Richard Guay.

9) La rotation vers les actions est amorcée

Plusieurs raisons poussent maintenant les investisseurs à délaisser les obligations et à se tourner vers les actions, explique Pierre Trottier. D'abord, les taux d'intérêt vont demeurer très bas pour encore quelques années et les obligations ne protégeront pas les investisseurs contre l'inflation. De plus, les caisses de retraite n'ont pas d'autres choix que de se tourner vers les actifs plus risqués pour rencontrer leurs obligations envers leurs déposants. Enfin, la Réserve fédérale américaine fait tout pour inciter les investisseurs à prendre plus de risque.

10) Perspectives favorables pour le dollar américain

Il demeure la seule valeur refuge. Pour tout investisseur canadien ou européen, détenir des actions américaines constitue un élément de diversification en cas de crise financière ou géopolitique.