Voguer sous un ciel étoilé, accoster dans des ports exotiques, se baigner dans des eaux turquoises... Voilà le projet de retraite de Brigitte et René. Tous deux friands de croisières, ils n'attendent cependant pas d'avoir cessé de travailler pour s'adonner à leur activité favorite: ils sillonnent déjà les mers deux ou trois fois par année. À la retraite, ils ont l'intention d'augmenter la cadence: ils veulent se payer pas moins de six croisières annuelles!

Le couple n'est cependant pas millionnaire. Brigitte et René misent sur la revente de leur immeuble résidentiel de six logements, acquis il y a 10 ans, pour financer leur dépendance à l'air salin. C'est pour cette raison qu'ils ont eu des sueurs froides lorsqu'ils ont eu vent du projet du nouveau gouvernement du Parti québécois de taxer 75% du gain en capital, plutôt que 50%, comme c'est le cas actuellement. Le risque est écarté pour le moment - le gouvernement a reculé à ce sujet -, mais le couple aimerait tout de même avoir un meilleur portrait de sa situation, pour s'assurer de pouvoir partir le plus souvent possible en mer.

Brigitte voudrait se retirer dans cinq ans, à 55 ans. Fonctionnaire provinciale, elle aura droit à des prestations du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes para-gouvernementaux (RREGOP). René, camionneur, n'a pas de régime de retraite. Il pense travailler jusqu'à 67 ans, âge auquel il aura droit à la pension de sécurité de la vieillesse (PSV), selon les nouvelles règles fédérales annoncées en début d'année.

Le budget croisière

Dans un tel contexte, leurs rêves de croisières sont-ils réalistes? C'est la question sur laquelle s'est penché le planificateur financier et actuaire Martin Dupras, de ConFor financiers. D'abord, le spécialiste a établi le coût de vie actuel du couple à 5400$ par mois, incluant un budget voyage assez substantiel. Pour être en mesure de s'évader sur les flots encore plus souvent, dans les 15 années qui suivront la retraite de Brigitte (jusqu'à leur 70e anniversaire), M. Dupras a estimé que le couple aura besoin de 6200$ par mois, soit 74 400$ par année.

Bonne nouvelle: le couple devrait avoir les moyens de soutenir un tel niveau de dépenses, en respectant une certaine discipline. S'ils peuvent penser réaliser leurs rêves de voyage, c'est qu'ils ont quelques atouts dans leur manche. «Souvent, les ménages ont soit un régime de retraite de l'employeur, qui leur assure un revenu toute leur vie durant, soit un actif immobilier qui peut être vendu à la retraite, observe Martin Dupras. Brigitte et René, eux, ont la chance d'avoir les deux. En plus, René a l'intention de travailler encore longtemps, ce qui joue aussi en leur faveur.»

Dans les cinq prochaines années, le couple doit s'assurer d'épargner 15 000$ par année -  5000$ chacun dans un CELI et 5000$ dans un REER que Brigitte prendra au nom de son mari (jusqu'à ce qu'elle ait épuisé ses droits de cotisation), puisqu'elle a un revenu plus élevé et pourra bénéficier d'un avantage fiscal plus important. René devra ensuite continuer de déposer 5000$ par année dans un CELI, et la même somme dans son REER, tant qu'il sera au boulot.

Quand Brigitte accrochera ses patins, à 55 ans, elle touchera sa rente de 50 000$ du RREGOP. Pour financer les dépenses de voyage, qui augmenteront alors, elle devra puiser le manque à gagner dans son CELI et dans son REER. Lorsqu'elle aura 60 ans, sa rente de la Régie des rentes du Québec (RRQ) s'ajoutera à ses revenus.

Payer l'impôt sur le gain en capital

C'est aussi l'année de leur 60e anniversaire que Brigitte et René comptent vendre leur immeuble à revenus, dont ils auront alors fini de payer l'hypothèque. «L'entretien de notre bloc nous demande quand même beaucoup de temps, explique René. Je crois que, dans 10 ans, nous n'aurons plus envie de nous en occuper.» Selon les calculs du planificateur financier, ils devraient pouvoir en tirer 793 000$. L'immeuble a été payé 220 000$ en 2002; le gain en capital sera donc de 573 000$, dont 50% sera imposable. L'impôt à payer à la suite de cette transaction sera d'environ 143 000$.

Si Québec était allé de l'avant avec son projet d'imposer 75% du gain en capital, la facture d'impôts de Brigitte et René aurait atteint 180 000$, soit 37 000$ de plus. Comme bien des petits propriétaires, ils sont donc soulagés que cette mesure n'ait pas été adoptée.

Le couple tirera donc 650 000$ de cette vente, un montant suffisant pour payer les dépenses supplémentaires de voyage jusqu'à leur 70 ans. Par la suite, leurs dépenses diminueront. Le capital qu'ils auront accumulé ne s'épuisera pas avant leur 96 ans, assure Martin Dupras.

Le planificateur financier ajoute d'autres recommandations à l'intention de nos voyageurs:

1. ouvrir immédiatement deux CELI pour y placer les 40 000$ qui dorment dans le compte bancaire (ces sommes y sont conservées dans le but de faire face à d'éventuelles dépenses imprévues, notamment des réparations de leur immeuble à logements);

2. quand Brigitte commencera à toucher sa rente du RREGOP, à 55 ans, il sera possible de la partager avec René. Au départ, 10% de la prestation pourra être partagé, et cette proportion pourra augmenter graduellement jusqu'à 50%. Cela permettra d'équilibrer les revenus imposables du couple et donnera à René le droit de réclamer le crédit d'impôt pour revenu de pension (plus de 2000$ par année), même s'il travaille encore.