Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Daniel Dupont, de Fidelity.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Ces dernières semaines, l'élément le plus important pour les marchés canadiens a été le refus du gouvernement canadien d'approuver l'acquisition de Progress Energy Resources par la malaisienne Petronas. Les marchés semblent croire qu'Ottawa va quand même finir par accepter la transaction, de même que l'achat de Nexen par la chinoise CNOOC. Malgré tout, le manque de directives d'Ottawa a créé une l'incertitude qui risque de diminuer l'appétit des étrangers souhaitant investir au Canada.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je vais me concentrer surtout sur l'économie chinoise. Le gouvernement est en transition. L'économie ralentit. Les marchés s'attendent à un programme de stimuli économique. Que les surprises soient bonnes ou mauvaises, cela aura un impact important pour l'économie canadienne qui est un important producteur de matières premières.

L'économie chinoise est appelée à ralentir si elle ne parvient pas à se transformer radicalement, en passant d'une économie de développement et de construction à une économie de consommation. La construction dans le secteur de l'immobilier résidentiel a propulsé la Chine depuis 10 ans. Maintenant, on compte 65 millions d'appartements vides en Chine. Le prix des maisons équivaut à 10 fois le revenu familial brut. C'est un ratio qu'on a vu une seule fois dans l'histoire, soit au Japon au début des années 90.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

La Bourse canadienne a très bien fait ces dernières années, ce qui fait en sorte que les investisseurs sont plus réticents à investir à l'étranger. Mais je pense qu'il est temps de redécouvrir les grandes sociétés internationales, surtout avec la force de notre devise. Ça peut être Danone, Nestlé ou Procter&Gamble.

Au Canada, ma plus importante position est Shoppers Drug Mart. Le réseau de pharmacies profitera du vieillissement de la population et de l'augmentation de la consommation de médicaments. D'autres noms intéressants: Metro, Loblaw, Jean-Coutu et Groupe BMTC (Brault&Martineau).

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Ce n'est vraiment pas le bon moment d'investir dans l'immobilier résidentiel canadien. À Montréal, le prix des maisons est cinq fois plus élevé que le revenu familial brut, ce qui rend le marché très inabordable. Aux États-Unis, ce ratio n'est que de trois.

L'immobilier a bénéficié d'une série de facteurs positifs (ex: baisse des taux d'intérêt, assouplissement des règles de financement hypothécaires) qui sont en train d'être renversés.

Ces derniers mois, on a vu une baisse importante du nombre de transactions. Or, la correction dans l'immobilier commence toujours par une baisse du volume de vente, suivie par une baisse des prix.

J'évite aussi les banques, car l'immobilier résidentiel est le plus gros actif dans leur bilan. Même si une partie du risque est assuré par la SCHL, il demeure un risque secondaire (remboursement des marges de crédit, prêts, cartes, etc.). Il y a un danger. Et quoiqu'il arrive, les banques peuvent difficilement nous surprendre à la hausse.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Tous les investisseurs sous-estiment l'impact d'une hausse de taux. Ça a pris du temps avant de descendre à des taux aussi bas. Les gens étaient sceptiques. Maintenant, ils se sont habitués à l'idée d'avoir des taux très faibles.

Mais je pense qu'on doit réfléchir à l'impact d'une éventuelle hausse de taux. Qui en souffrirait à la Bourse? Les pipelines, les services publics, les fiducies immobilières (REIT) et les banques. Les seules qui pourraient tirer profit d'une hausse des taux, ce sont les compagnies d'assurances, parce que cela réduirait la valeur de leur passif.

Diplômé de McGill, Daniel Dupont est entré chez Fidelity Investissements en 2001. Installé à Montréal, il gère notamment les fonds Fidelity Grande Capitalisation Canada, Fidelity Valeur concentrée et Fidelity Étoile du Nord. La société de Boston est présente depuis 1987 au Canada, où elle gère des actifs de 66 milliards, dont pratiquement le tiers pour des Québécois.