Comme beaucoup de retraités, Louise veut se départir de sa maison pour déménager dans un logement plus petit. La célibataire de 60 ans cherche à consacrer moins de temps et moins d'argent à l'entretien de son foyer. Elle a d'ailleurs eu le coup de foudre pour un condo de 185 000$, dans un complexe en construction non loin de chez elle, sur lequel elle a fait une offre d'achat et donné un acompte de 1000$.

Il y a trois mois, elle a mis sa maison en vente. Elle en demande 215 000$. Mais depuis qu'elle est sur le marché, sa résidence n'a suscité l'intérêt d'aucun acheteur potentiel. Et, de semaine en semaine, l'anxiété de Louise augmente. Si elle veut que le condo qu'elle convoite lui demeure réservé, elle doit verser un acompte supplémentaire de 4000$ dans quelques mois. Les promoteurs du projet lui demandent aussi de retirer de sa promesse d'achat la condition stipulant qu'elle doit avoir vendu sa propre maison avant de concrétiser la transaction.

Louise est embêtée. Elle veut ce condo. Mais que se passerait-il si elle l'achetait avant que sa maison ne soit vendue ? Quelle serait l'ampleur des dépenses occasionnées ? Cette manoeuvre serait-elle néfaste pour ses revenus de retraite ? «J'ai une bonne rente de retraite, mais je ne roule pas sur l'or, dit-elle. Je ne voudrais pas me retrouver coincée financièrement s'il fallait plusieurs mois pour vendre ma maison.»

A-t-elle raison de s'en faire ? Nous avons demandé à la planificatrice financière Isabelle Gauthier, de la Banque de Montréal, de soumettre le projet de Louise à l'épreuve des chiffres. Après avoir examiné la situation, Mme Gauthier prévient la retraitée : «Si elle achète avant que sa maison ne soit vendue, elle pourrait se retrouver avec un budget très serré», dit-elle.

Voyons un peu le portrait. Actuellement, Louise, qui a fait carrière dans le domaine de la santé, reçoit une rente de 41 000$ du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP) et une autre de 8000$ de la Régie des rentes du Québec (RRQ). Elle a terminé le paiement de son hypothèque le printemps dernier, peu après le début de sa retraite. Depuis, elle réussissait à épargner 300$ par mois dans un CELI, mais elle a récemment utilisé les sommes ainsi accumulées pour payer la réfection du toit de sa maison.

Pour le moment, Louise n'a pas besoin de se servir des fonds accumulés dans son REER. Cependant, à partir de 65 ans, sa rente du RREGOP diminuera à 30 000$. Elle commencera à toucher sa pension de la sécurité de la vieillesse fédérale (6500$) en plus de sa rente de la RRQ, mais elle aura un manque à gagner de 4400$, si elle veut maintenir son train de vie actuel. Cette somme devra être puisée dans ses REER. «Les fonds qu'elle possède dans ses REER sont tout juste suffisants pour maintenir son coût de vie jusqu'à 90 ans», souligne Isabelle Gauthier.

Supposons maintenant que Louise achète son condo, et qu'il lui faut ensuite six mois pour parvenir à vendre sa maison. Elle devra donc emprunter la valeur totale du condo, soit 185 000$. Elle peut se servir d'une marge de crédit de 120 000$ déjà approuvée sur la valeur de sa résidence. Elle devra aussi contracter une nouvelle marge de crédit sur la valeur domiciliaire du condo, pour 65 000$. «Le paiement des intérêts sur ces deux marges de crédit jusqu'au moment de la vente de sa résidence actuelle signifierait une dépense de 566$ par mois, en supposant un taux d'intérêt de 3,67%, indique la planificatrice financière. En ajoutant les frais de condo, les taxes municipales et scolaires et les assurances, il faut calculer environ 950$ par mois.»

Louise épargne 300$ par mois. Si elle consacre cette somme aux dépenses reliées à l'achat du condo, il lui reste 650$ par mois à trouver. Sur six mois, on parle donc de 3900$. La retraitée devra puiser cette somme dans ses REER. En comptant les sommes qui doivent être versées à l'impôt au moment du retrait, ça signifie qu'elle doit retirer 5100$ de ses REER. «Mais si elle utilise ses REER pour couvrir les frais supplémentaires pour l'achat du condo, elle ne sera pas en mesure de couvrir son coût de vie durant toute sa retraite», souligne Isabelle Gauthier.

En raison de ce risque, Mme Gauthier recommande fortement à Louise de plutôt envisager la location. Dans la ville où elle habite, elle pourrait facilement trouver un logement répondant à ses exigences pour 800$ par mois. Au moment de la vente de sa maison, les 200 000$ qu'elle empocherait pourraient être investis dans un portefeuille équilibré. «Si on calcule un rendement de 5% par année sur cette somme, les intérêts lui procureraient 835$ par mois, sans qu'elle puise dans son capital», explique la planificatrice financière. Elle n'aurait pas à payer de frais de condo, ni de taxes municipales, ni de travaux éventuels. Peut-être s'agit-il là de la meilleure solution pour donner à Louise la tranquillité d'esprit qu'elle recherche.

> LA QUESTION

Louise peut-elle se permettre d'acheter un condo avant d'avoir vendu sa maison ?

> LES DONNÉES

Louise, 60 ans

Revenu de retraite : 49 000$

Actif

Maison : 215 000$

REER : 61 000$

Compte bancaire : 8000$

Passif

Aucun

«Si Louise achète un condo sans avoir vendu sa maison, elle met en péril son coût de vie, puisqu'elle devrait emprunter la totalité de la somme nécessaire à l'achat pour une période indéterminée. Dans son cas, il serait nettement avantageux de louer un appartement et d'investir le profit réalisé à la vente de sa propriété.»

ISABELLE GAUTHIER, planificatrice financière, Banque de Montréal