Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Martin Roberge, de Canaccord Genuity.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

C'est la performance des compagnies américaines qui affichent de bons bénéfices jusqu'à maintenant au troisième trimestre, malgré le ralentissement économique mondial. Les surprises s'expliquent principalement par la baisse des coûts unitaires de main-d'oeuvre et par la baisse du prix des matières premières. De plus, il ne faut pas oublier la faiblesse de la monnaie américaine et les rachats d'actions par les compagnies. L'ensemble de ces facteurs nous rappelle que les profits des compagnies inscrites à la Bourse ne suivent pas nécessairement l'économie.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je surveille la courbe de rendement des obligations en Chine, c'est-à-dire l'écart entre le rendement des obligations 10 et deux ans. Malgré les mesures d'assouplissement pour stimuler la croissance de l'économie chinoise, annoncées au cours des dernières semaines, la courbe demeure très aplatie (seulement 0,25% d'écart). Tant que les taux des obligations à long terme en Chine ne montent pas, il est difficile de prétendre à une reprise économique.

Le marché obligataire, qui est un bon jury, nous indique que la Chine n'en a pas encore assez fait. Il faut dire qu'elle a baissé seulement deux fois ses taux d'intérêt, depuis un an, pour contrer l'éclatement de sa bulle immobilière et le ralentissement de l'économie mondiale. Pour comparer, la Réserve fédérale américaine avait procédé à 11 baisses consécutives en 2001 pour lutter contre le ralentissement économique et l'éclatement de la bulle techno.

La Banque centrale de Chine doit abaisser le taux d'emprunt qui, à 4% en terme réel, demeure trop contraignant.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je mettrais un tiers dans les actions canadiennes de petites capitalisations pour tabler sur un retour des attentes inflationnistes en 2013-14. C'est la catégorie d'actifs qui fait le mieux en période de hausse des attentes inflationnistes. De plus, les petites entreprises ont eu la vie dure et leur valeur est extrêmement dépréciée.

J'investirais un tiers en dollars canadiens, en achetant un fonds négocié en Bourse de devises à la Bourse américaine (FXC) qui pourrait profiter d'une faiblesse du dollar américain lié aux négociations du plafond de la dette américaine au printemps prochain.

Enfin, j'achèterais un tiers de banques américaines qui tireront profit d'une reprise plus vigoureuse des prêts immobiliers 2013 et des largesses de la Réserve Fédérale qui est maintenant acheteur des titres adossés aux créances hypothécaires.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

J'éviterais toutes les catégories d'actifs qui ont profité amplement de la baisse des taux d'intérêt au cours des dernières années. L'immobilier récréatif canadien vient probablement en tête de liste. Le nombre de transactions a diminué sur le marché immobilier depuis quatre mois et les prix pourraient flancher si jamais le marché de l'emploi se détériore. Le prix des résidences secondaires est plus sensible, surtout avec le resserrement des conditions de prêts de la SCHL l'été dernier. Les résidences secondaires sont souvent financées à l'aide d'une marge hypothécaire sur la résidence principale. Désormais, le refinancement est plafonné à 80% de la maison, au lieu de 85%.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Je crois que les marchés sous-estiment la capacité des compagnies à générer une croissance des profits dans un environnement de faible croissance économique. Au cours des 20 dernières années, malgré une croissance anémique du PIB de 1% en moyenne, les compagnies japonaises ont été en mesure d'accroître leurs profits d'environ 5%. Aux États-Unis, bien qu'élevées, les marges bénéficiaires pourraient se maintenir grâce à une chute importante du prix de l'énergie qui s'explique par l'arrivée de nouvelles techniques d'extraction des combustibles fossiles. Qui aurait dit un jour que les États-Unis pourraient se passer du pétrole en provenance du Golfe Persique?

Martin Roberge est portefeuilliste et analyste quantitatif chez Canaccord Genuity. Présente dans 12 pays, la société offre des services-conseils sur les marchés des capitaux aux sociétés de croissance.