Nadia et Charles ont longtemps dépensé sans compter. Après tout, ils sont jeunes, travaillent fort, gagnent de bons salaires - elle est fonctionnaire, il est cadre dans une grande entreprise. Ils pouvaient bien se payer du luxe pour profiter de la vie, se disaient-ils.

Ainsi, le couple a acheté en 2008 une maison de 332 000$, sans mise de fonds. Même si la maison est récente, ils se sont lancés dans les rénovations : sous-sol, paysagement, salle de bain, cuisine, planchers... De plus, ils ont remeublé à peu près toutes les pièces au fil des ans. «On a toujours des projets pour la maison, explique Nadia. Et puis j'aime les belles choses, et je suis prête à payer plus cher pour avoir de la qualité.»

Charles n'est pas en reste : amateur de voitures, il a succombé pour une auto sport décapotable, payée 30 000$ en 2010. Le couple avait déjà deux autres voitures.

Des dépenses supérieures au revenu

Sans qu'ils n'y prennent garde, ils se sont mis à dépenser plus qu'ils ne gagnent. Tous ces achats étaient payés avec leurs cartes de crédit, dont ils ne pouvaient payer le solde au complet, ou au moyen de prêts consentis par les commerçants. Pour réduire leurs frais d'intérêts, leur banque leur a suggéré, il y a trois ans, de payer le solde des cartes de crédit et les autres dettes à l'aide de leur prêt hypothécaire et d'un prêt personnel.

Mais les dépenses ont continué de plus belle par la suite. Les cartes de crédit se sont remplies à nouveau et la marge de crédit n'a cessé de gonfler. Il y a quelques mois, Nadia a soudain pris conscience de l'ampleur du problème, en puisant dans sa marge de crédit pour payer sa carte de crédit. Elle s'est penché sur les finances familiales et a réalisé que le couple dépensait chaque mois 1000$ de plus qu'il ne gagnait. Les dettes, excluant l'hypothèque, s'élevent à 66 000$ ! Leur remboursement (2340$ par mois) accapare plus du tiers de leur revenu net (6500$ par mois). Les intérêts à eux seuls s'élèvent mensuellement à près de 200$. Le tableau s'est encore assombri lorsque Nadia a appris qu'elle doit rembourser 6000$ au Régime québécois d'assurance parentale (RQAP) en raison de sommes versées en trop lors de son récent congé de maternité, ce qui porte le total des dettes à 72 000$.

Le piège de la surconsommation

«La situation du couple est alarmante», observe Karina Audet, planificatrice financière à la Caisse Desjardins de l'administration et des services publics. Depuis plusieurs années, les gouvernements tirent la sonnette d'alarme au sujet de l'endettement record des particuliers. En août, l'agence d'évaluation de crédit TransUnion évaluait la dette des ménages canadiens - à l'exclusion de l'hypothèque - à 26 221$, un sommet des huit dernières années. Or, celle de Nadia et Charles atteint presque le triple de cette somme!

Le couple est conscient du problème. «Je sais que nous sommes trop dépensiers», reconnaît Nadia, qui commence à s'inquiéter sérieusement. «J'angoisse lorsque j'y pense. S'il nous arrive un imprévu, on est incapables d'y faire face.»

Il est encore temps pour eux de redresser la situation, mais ils devront faire de sérieux efforts pour changer leurs habitudes de consommation, souligne Karina Audet. Ils doivent agir pour arrêter l'hémorragie. Quant aux dettes déjà accumulées, la planificatrice financière leur propose un plan pour s'en débarrasser.

D'abord, Charles doit vendre sa voiture sport. Il espère en tirer 18 000$, ce qui lui permettra de réduire les dettes de consommation à 54 000$.

Prêt hypothécaire fractionné

Ensuite, ils doivent consolider leurs dettes pour payer moins d'intérêts. Comme la valeur de leur maison a augmenté - elle atteint maintenant 450 000$ -, ils pourraient se servir de l'équité accumulée pour obtenir un nouveau prêt hypothécaire. Ils peuvent emprunter jusqu'à 80% de la valeur de la propriété. Étant donné leur solde hypothécaire, Nadia et Charles pourraient donc obtenir un montant supplémentaire de 15 200$. «Nous ne recommandons pas d'ajouter le solde des dettes à l'hypothèque et de refinancer le tout sur 25 ans, parce qu'ils se retrouveraient ainsi à payer pendant une trop longue période pour des biens de consommation courante», note Katherine Yau, conseillère en finances personnelles, qui s'est aussi penché sur la situation du couple. La solution se trouve dans un prêt fractionné, c'est-à-dire une deuxième hypothèque, qui serait amortie sur 5 ans.

Ces 15 200$ serviront à rembourser une partie des dettes restantes. Le prêt personnel de 33 000$ ne pourrait cependant pas être inclus dans le refinancement ; il continuera d'être remboursé par une mensualité de 985$. Pour s'acquitter de sa dette de 6000$ envers le RQAP, Nadia devrait pouvoir négocier une entente de remboursement sur deux ans, à raison de 250$ par mois.

Nadia et Charles faisaient des remboursements hebdomadaires accélérés sur leur hypothèque, ce qui se traduisait par des paiements de 540$ par semaine (2330$ par mois), incluant les taxes municipales et scolaires. «Les paiements accélérés auraient plutôt dû être appliqués sur les autres dettes, dont les taux d'intérêts étaient beaucoup plus élevés», souligne Karina Audet. En raison du rythme de leurs remboursements, l'amortissement restant sur l'hypothèque est de 19 ans. Mme Audet recommande de repartir à zéro avec une période d'amortissement de 25 ans, pour réduire les mensualités à 1950$, incluant les taxes. En comptant le deuxième prêt hypothécaire, dont les mensualités s'élèveraient à 274$, le couple paierait 3459$ par mois pour le paiement de l'hypothèque et des autres dettes, comparativement à 4670$ actuellement.

La planificatrice financière recommande de profiter de cette marge de manoeuvre pour continuer de faire des cotisations mensuelles de 120$ par mois dans le REER de Charles, qui a le taux d'imposition le plus élevé dans le couple. «Sur sa contribution REER de 1300$ par année, il peut s'attendre à un retour d'impôt de 600$. S'il s'en sert pour payer les dettes et réduire les frais d'intérêts, ça ne lui coûte presque rien», dit Karina Audet.

Avec les liquidités dégagées, le couple devrait penser à se constituer un fonds d'urgence pour pouvoir faire face aux imprévus. Mme Audet estime qu'ils devraient pouvoir y consacrer 325$ par mois.

Nadia et Charles ne sont pas encore sortis du bois. Leurs dépenses vont les hanter pendant quelques années, et leur occasionner encore des frais d'intérêts. Mais au moins, ils peuvent voir la lumière au bout du tunnel.

LA QUESTION

«Comment peut-on retrouver l'équilibre budgétaire et se débarrasser de nos dettes?»

LES DONNÉES

Nadia, 33 ans

Salaire : 54 000$

Charles, 35 ans

Salaire : 95 000$

Actif

Maison : 450 000$

REER Nadia : 26 000$

REER Charles : 47 000$

REEE : 2500$

Passif

Hypothèque : 345 000$, à 2,99% d'intérêts

Prêt personnel : 33 000$, à 6,75% d'intérêts

Marge de crédit: 12 000$, à 6,25% d'intérêts

Prêt auto : 11 000$, à 7,15 % d'intérêts

Carte de crédit : 3000$, à 19,99% d'intérêts

Prêt pour meubles : 7000$, à 0% d'intérêts

RQAP : 6000$

Total : 417 000$

«Ils doivent consolider leurs dettes en contractant un nouveau prêt hypothécaire fractionné, pour réduire les sommes payées en intérêts. Ils doivent aussi réduire leurs dépenses, qui dépassent leurs revenus. »

KARINA AUDET, planificatrice financière

KATHERINE YAU, conseillère en finances personnelles

Caisse Desjardins de l'administration et des services publics.