Comme au début de chaque trimestre, La Presse reprend sa consultation avec quatre experts en répartition d'actifs. Nous leur demandons de formuler des recommandations pour faire fructifier ou pour protéger le capital d'un REER autogéré de 50 000$. Tout en expliquant les légères modifications qu'ils apportent à leur pondération, ils reviennent sur le troisième trimestre, marqué par une poussée des grands indices boursiers qui ont plus que récupéré les pertes du printemps.

Le troisième trimestre aura été peu reluisant en matière de croissance économique. À 1,9% seulement en termes annualisés, l'expansion canadienne vient en tête de peloton et à des allures athlétiques, si on la compare au décevant 1,3% de l'économie américaine ou à la décroissance de la zone euro et du Royaume-Uni.

Pourtant, le trimestre aura été très payant pour les placements boursiers, si on se fie du moins aux grands indices.

«Les banques centrales ont dominé la situation, résume François Bourdon, vice-président et chef adjoint des placements chez Fiera Capital. Elles ont posé des gestes d'éclat significatifs avec beaucoup plus de panache que prévu.»

La Banque centrale européenne a abaissé son taux directeur et s'est engagée à acheter sur le marché secondaire des obligations souveraines de manière illimitée afin de faciliter le (re)financement de la dette de quelques pays membres de la zone euro sur les marchés, l'Espagne et l'Italie au premier chef.

Quant à la Réserve fédérale, elle a surpris davantage encore en gelant son taux directeur jusqu'en 2015 au moins tout en s'engageant à acheter 40 milliards par mois en titres d'agences parapubliques de refinancement hypothécaire (Fanny Mae et Freddie Mac) tant qu'elle le jugera à propos pour stimuler la croissance et la création d'emplois.

La Banque populaire de Chine a rouvert les vannes du crédit et abaissé son taux directeur pour stimuler la demande intérieure et ça semble porter des fruits.

La Banque d'Angleterre poursuit de son côté son programme de monétisation d'une partie de la dette britannique, en dépit des pressions inflationnistes présentes dans le royaume de Sa Gracieuse Majesté Élisabeth II, reine du Canada.

Tout cela aura dopé les marchés.

«Le pessimisme était exagéré au deuxième trimestre, ajoute Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux, qui reconnaît d'emblée l'apport des banquiers centraux. Depuis 2009, on passe d'un extrême à l'autre. Durant l'été, c'est comme si on était revenu à la moyenne.»

Il y a eu aussi une autre grande surprise: la poussée du dollar canadien face au billet vert, malgré les difficultés des producteurs de pétrole de l'Ouest à livrer leur brut. «Nous étions surpondérés en actions américaines, mais c'était une bonne stratégie en dépit de l'appréciation du dollar canadien que nous n'avions pas prévue», explique Michel Doucet, vice-président, gestion de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins. Comme l'Europe a tardé à produire son plan de sauvetage, les investisseurs ont cherché refuge en Amérique du Nord.»

Et maintenant...

Si le pessimisme s'est en partie estompé durant l'été, il reste encore à voir dans quelle mesure les initiatives musclées des banquiers centraux se traduiront en croissance et en profits assez élevés pour soutenir la poussée des indices boursiers.

«Les valorisations reflètent déjà ces bonnes nouvelles, estime Stéfane Marion, stratège à la Banque Nationale. Les bénéfices vont souffrir un peu et les ratios cours bénéfices sont trop élevés.»

Des quatre, il est celui qui se montre le plus prudent, avec la moitié de son portefeuille en titres à revenus fixes. «Je m'attends à peu de rendement et à beaucoup de volatilité.»

Il réduit de trois points sa mise dans les actions d'Europe-Asie-Extrême-Orient au profit des pays émergents, à cause de la crise européenne. Elle sera nourrie à nouveau en bonne part par la Grèce qui est en dépression et qui devra faire défaut sur une partie de sa dette. La crise sociale espagnole devient quant à elle de plus en plus inquiétante.

«D'ici cinq ans, il n'y aura pas de croissance réelle en Europe», prédit M. Bourdon, qui croit que l'Amérique du Nord s'en tirera mieux. Il y maintient 45% de sa mise, mais augmente de cinq points sa répartition en actions américaines au détriment de la canadienne.

C'est plutôt l'inverse que privilégie M. Delisle, dont la moitié du portefeuille est placée dans les actions nord-américaines. «On s'attend à ce que l'automne et l'hiver soient meilleurs que l'été, précise-t-il. Les mesures adoptées par la Banque populaire de Chine vont porter des fruits et favoriser les actions canadiennes.»

Il rappelle que la Bourse de Toronto émerge d'une annus horribilis tandis que le maître indice new-yorkais, le S&P 500, a bondi de 32% en un an.

Il s'attend à un retour du pendule.

M. Doucet renchérit: «Le Tea Party peut tout faire dérailler. De plus, le gros désendettement des ménages ralentit la consommation.»

Voilà pourquoi il place surtout ses billes sur le marché canadien, mais y diminue néanmoins de cinq points sa part au profit des obligations. «On aurait aimé faire ça le 1er septembre», insiste-t-il.

Malheureusement, notre petit exercice ne prévoit que des ajustements en début de trimestre.