Il y a quelques années, Luc s'est expatrié pour travailler dans le nord du Québec et en Alberta. Travailleur spécialisé, il faisait un très bon salaire malgré son jeune âge, et il en a profité pour faire des placements, la majorité dans des REER. Puis, lui et sa conjointe sont revenus s'installer au Québec. Ils ont dû faire face à des dépenses importantes, pour lesquelles ils ont emprunté.

«On nous avait conseillé de prendre une marge de crédit pour acheter une voiture, explique l'homme de 36 ans. Mais par la suite, on a utilisé cette marge de crédit pour plein d'autres choses: un déménagement coûteux pour revenir de l'Ouest, notre mariage, puis pour compenser la baisse du revenu de ma conjointe à l'occasion de deux congés de maternité.»

Aujourd'hui, les dettes du couple totalisent près de 40 000$, sans compter l'hypothèque, et elles commencent à troubler le sommeil de Luc. Il voudrait éliminer le plus vite possible les emprunts qui lui coûtent cher en intérêts. Il est prêt à utiliser ses placements, même ceux accumulés dans des REER, pour les rembourser. Mais est-ce une bonne solution? Il aimerait en mesurer toutes les conséquences avant de passer à l'action. D'autant plus qu'il veut par la suite commencer à mettre de l'argent de côté pour les études de ses enfants de 1 et 5 ans, en cotisant à un régime enregistré d'épargne étude (REEE). Sa conjointe Sarah, qui est retournée au boulot à temps partiel, prévoit augmenter ses heures de travail dans un an ou deux, ce qui devrait augmenter les revenus du couple de 15 000$ par année. Mais ils ne veulent pas attendre tout ce temps avant d'assainir leur situation financière.

Nous avons soumis le problème au planificateur financier Michel Giguère, du Groupe Investors à Granby: Luc doit-il se servir de ses placements pour liquider ses dettes et repartir ensuite avec une ardoise propre? «Oui... et non, répond M. Giguère. Il doit encaisser ses placements hors-REER, mais pas ses REER.» Pour l'expliquer, le planificateur financier compare deux scénarios possibles.

Encaisser ses placements hors-REER

Une chose est sûre: Luc doit encaisser ses placements non-enregistrés de 6060$, puisqu'ils rapportent moins que les frais d'intérêts à payer sur ses dettes. «Luc paie 9,9% d'intérêt sur le solde de sa carte de crédit, note Michel Giguère. Pour que ça vaille la peine de garder ses placements non-enregistrés, il faudrait que ces placements génèrent des rendements d'au moins 16%, étant donné son taux marginal d'imposition de 38,4%. Ce n'est évidemment pas le cas.» Cet argent serait mieux utilisé s'il servait à rembourser la carte de crédit et une partie de la marge de crédit. M. Giguère souligne que Luc pourrait avoir à payer des impôts au moment de retirer ces placements, s'il a réalisé un gain en capital.

Le solde de 3600$ sur la carte de crédit serait donc éliminé grâce à cette somme, et près de 2500$ iraient au remboursement de la marge de crédit. Mais la marge aurait toujours un solde de plus de 20 000$ - inutile de se dépêcher de rembourser le prêt auto, sur lequel il n'y a pas d'intérêts à payer.

Michel Giguère s'est penché sur un premier scénario selon lequel Luc encaisse 25 400$ de REER pour payer ses dettes - le reste de ses REER ne peut être utilisé, puisqu'il s'agit de placements à terme, non rachetables avant leur échéance. Sur cette somme, il aura environ 10 900$ d'impôts à payer, ce qui lui laissera 14 500$ pour le paiement des dettes. Il restera ainsi un solde de 5700$ à la marge de crédit. «Le montant mensuel libéré du paiement de la carte de crédit viendra accélérer le remboursement de la marge de crédit, explique le planificateur financier. Luc aura donc terminé le remboursement de la marge de crédit au mois de juillet 2013.»

Les sommes qui servaient auparavant au remboursement des dettes seront par la suite dirigées vers un REEE, prévoit M. Giguère, qui y ajoute 5000$ par année à partir d'août 2013, en supposant que Sarah commence alors à travailler à temps plein et que le couple peut dégager plus d'économies. «Tout excédent sera déposé dans un REER de conjoint ou un REER ordinaire en faveur de Sarah, puisque contrairement à Luc, elle ne bénéficie pas d'un fonds de pension à son travail, précise le spécialiste. Enfin, les économies d'impôts réalisées à la suite des cotisations REER seront investies dans un CELI de façon à leur bâtir un coussin financier hors-REER et à l'abri de l'impôt.»

En agissant ainsi, le couple aura accumulé de coquettes sommes dans des REEE pour les études de leurs enfants: le premier aura 71 940$ à son 16e anniversaire, et le deuxième, au même âge, 76 450$. Dans leurs REER, Luc et Sarah auront 270 940$, en plus de 9480$ dans un CRI et 86 800$ en CELI, pour un total de 515 630$ - en supposant un rendement annuel de 6%.

Pas touche aux REER

Dans un deuxième scénario, Michel Giguère a refait les calculs pour vérifier ce qui se produit si Luc ne touche pas à ses REER actuels pour payer ses dettes. On a vu qu'après avoir utilisé ses placements non enregistrés, il lui reste encore plus de 20 000$ à payer sur la marge de crédit. «Une fois la carte de crédit payée, ils peuvent accélérer le remboursement du solde de la marge de crédit, indique le planificateur financier. Ils pourront aussi y consacrer 5000$ de plus par année quand Sarah commencera à travailler à temps plein.» À ce rythme, la marge de crédit sera remboursée en janvier 2015. Ensuite, le couple utilisera son épargne de la même façon et dans le même ordre que dans le scénario précédent - REEE pour les enfants, puis REER pour Sarah et CELI. Résultat? À son 16e anniversaire, le premier rejeton aura un REEE de 62 680$ et le deuxième, de 74 580$. Dans 20 ans, les REER du couple totaliseront 317 100$, ils auront un CRI de 9480$ et un CELI valant 72 660$. En additionnant le tout, on obtient un total de 536 500$.

«Avec la deuxième option, le couple obtient 20 870$ de plus qu'avec la première option, souligne Michel Giguère. De plus, ils conservent un montant plus important des REER actuels. S'il leur arrivait de perdre leur emploi, les REER pourraient servir de capital d'appoint pendant un moment, puisqu'on sait qu'il n'est pas facile d'obtenir du crédit quand on est sans emploi.»Donc, avant de toucher aux REER, il faut attendre d'être vraiment mal pris, selon le planificateur financier. Luc et Sarah n'en sont pas encore là. Avec un peu de discipline, ils pourront bientôt dire adieu à leurs dettes, en se préparant à épargner pour l'avenir.