Depuis cinq ans, les investisseurs n'ont même pas eu 1% de rendement par année avec un portefeuille équilibré. Et voilà que des bonzes de la finance annoncent la mort du rendement! Si votre argent ne travaille plus pour vous, il faudra travailler plus fort pour votre argent. Cotiser plus. Plus longtemps.

Comme un arbre en automne qui tourne du vert au rouge, la Bourse est en train de perdre ses feuilles. Les actions sont mortes, a proclamé Bill Gross dans sa livraison du mois d'août sur ses perspectives d'investissement.

Le patron de Pimco, une firme californienne qui gère 1800 milliards de dollars US principalement en obligations, prévient les investisseurs. Désormais, les rendements seront près de zéro.

Depuis 1912, la Bourse a livré un rendement réel de 6,6% (ajusté pour l'inflation), soit 3% de plus que l'économie réelle qui a augmenté de 3,5% par an. «Comment un groupe (les actionnaires) a-t-il pu profiter de manière aussi persistante aux dépens des autres segments (les prêteurs, les travailleurs, etc)?» demande M. Gross. Et surtout, est-ce que cela peut continuer? Sa réponse est claire: Non!

Dans un environnement de faible croissance économique, les actions devraient livrer environ 4% par année et les obligations 2%, ce qui donne un rendement d'environ 3% pour un portefeuille équilibré. Soustrayez l'inflation, et vous arrivez à un rendement réel tout près de zéro, calcule M. Gross.

Loin des attentes

Dire que les investisseurs misaient sur des rendements boursiers de 10% au début des années 2000!

En 2001, les gestionnaires de caisses de retraite s'attendaient à 8,2% de rendement pour un portefeuille diversifié, rappelle l'actuaire Claude Lockhead, associé principal chez Aon Hewitt.

«Dix ans plus tard, la caisse de retraite médiane a plutôt réalisé un rendement annualisé de 6% au cours de cette période», indique M. Lockhead.

La déception est encore plus vive pour les investisseurs individuels qui n'ont pas fait de miracle avec les fonds communs de placement. Les fonds équilibrés canadiens sont pratiquement restés au point mort depuis cinq ans, avec un rendement médian de 0,6%. Sur 10 ans, leur rendement annuel composé s'élève à 4,3%, selon Morningstar Canada.

Une décennie très décevante! Même les «pro» ont été forcés de dégonfler leurs attentes. Chez les gestionnaires, on parle maintenant d'un rendement annualisé attendu de l'ordre de 5,5% pour les 10 prochaines années, dit M. Lockhead. Après inflation, cela laisse environ 3,25%.

L'Institut québécois de planification financière (IQPF) est encore plus prudent, car il tient compte des frais de gestion élevés dans les fonds communs.

L'IQPF conseille aux individus qui planifient leur retraite d'utiliser les hypothèses suivantes: 3,5% pour un portefeuille prudent, 4% pour un portefeuille équilibré et 4,25% pour un portefeuille dynamique. Après inflation, cela laisse un rendement de 1,25% à 2%.

Épargner plus, plus longtemps

À ce rythme, on ne s'enrichit pas rapidement, concède M. Lockhead. «Et souvent, les gens ne tiennent pas compte de l'espérance de vie qui a augmenté d'une année par décennie au cours des 40 dernières années», ajoute-t-il.

Que faire si votre portefeuille ne livre pas la marchandise? Cotiser plus. Plus longtemps. «Si votre argent ne travaille plus autant pour vous, eh bien, ce sera vous qui devrez travailler plus longtemps pour avoir assez d'argent», résume Bill Gross.

En fait, lorsque les rendements ne sont pas au rendez-vous, trois options s'offrent aux épargnants: a) Épargner davantage; b) Repousser l'âge de la retraite; c) Réduire les dépenses à la retraite ou se trouver un emploi à temps partiel.

«Sans s'en rendre compte, les gens sont en train de choisir la troisième option», constate Denis Preston. Le planificateur financier donnera justement une conférence sur les moyens d'épargner davantage, dans le cadre d'un colloque de Question Retraite qui aura lieu le 27 septembre, à Montréal.

«Pour les travailleurs, la première réaction face à de mauvais rendements devrait être d'épargner davantage. Malheureusement, les gens font le contraire», déplore M. Preston.

Quand les rendements sont moindres, les épargnants doivent redoubler d'efforts. Par exemple, si les rendements sont de 4% au lieu de 6%, il faut pratiquement épargner deux fois plus, comme le démontre notre tableau préparé par l'actuaire Nathalie Bachand.

Prenons un travailleur qui gagne 50 000$. Il commence à épargner à l'âge de 30 ans et souhaite épargner assez d'argent pour avoir l'équivalent de 70% de ses revenus de carrière au moment de sa retraite, à 65 ans. Si son rendement n'est que de 4%, il devra épargner 20% de son salaire chaque année, presque le double de la cotisation requise (11%) si le rendement est de 6%.

La différence est de taille. Voilà pourquoi les épargnants doivent ajuster le tir régulièrement pour ne pas rater leur cible.