Perdre son emploi est déjà une catastrophe financière. Les employés licenciés vivent dans l'angoisse de manquer d'argent pour boucler leur budget. Ils craignent d'épuiser leur indemnité de départ avant de se retrouver du boulot. Mais ce n'est pas le pire. Perdre son emploi, surtout dans la cinquantaine, a souvent de lourdes conséquences au moment de la retraite... Comment faire les meilleurs choix pour limiter les dégâts?

Perdre son emploi n'est facile pour personne. Mais pour les employés dans la cinquantaine, le coup est encore plus dur.

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«Pour les travailleurs de 52 à 58 ans, la perte d'emploi est particulièrement catastrophique. Ils sont trop jeunes pour prendre leur retraite, mais leur âge leur nuira dans la recherche d'un nouvel emploi», dit Martin Dupras, président du CA de l'Institut québécois de la planification financière (IQPF) et planificateur chez ConFor financiers.

Et plusieurs devront se résigner à vivre plus maigrement à la retraite...

C'est que beaucoup de travailleurs ont un optimiste débordant quant à leur capacité d'épargner durant la cinquantaine. «Ils ont pris du retard dans la préparation de la retraite, et ils auront encore plus de mal à rattraper le temps perdu avec la perte de leur emploi», explique M. Dupras.

Ceux qui avaient un régime de retraite à prestations déterminées, avec une rente blindée à la retraite, risquent de déchanter encore plus. «Quand on se fait mettre à la porte ou que l'on quitte son emploi à 54 ans, par exemple, il y a un énorme impact sur la rente», dit Nathalie Bachand, actuaire et planificatrice financière chez Bachand Lafleur Groupe conseil.

«Du jour au lendemain, on perd les immenses avantages de la retraite anticipée», enchaîne M. Dupras. Dans bien des régimes, les employés peuvent commencer à recevoir leur rente dès 55 ans. Leur rente est alors réduite de 3 à 5% par année précédent 60 ans. Mais les employés sont partiellement «subventionnés» pour quitter, car le coût réel de cette retraite hâtive s'établit plutôt autour de 7,2% par année jusqu'à 65 ans, comme on le voit avec les nouvelles règles de la Régie des rentes du Québec (RRQ), souligne M. Dupras.

L'employé licencié est aussi perdant parce la rente est souvent calculée en fonction du nombre d'années de service et du salaire final, normalement plus élevé en fin de carrière. En fait, cette formule procure une forme d'indexation de la promesse de rente accumulée durant toute la carrière.

Quand on quitte avant la retraite, la plupart des régimes n'indexent pas la rente accumulée par les employés. Le pouvoir d'achat est alors grugé par l'inflation. Mais depuis 2001, la loi impose une indexation minimale: 50% du taux d'inflation, jusqu'à l'âge de 55 ans.

La question à 100 000$

Le travailleur qui perd (ou quitte) son emploi a des choix cruciaux à faire. Dans un régime à prestations déterminées, il aura souvent le choix de laisser son argent dans le régime de retraite de son employeur qui lui versera une rente à la retraite, ou encore de transférer le magot dans un compte de retraite immobilisé (CRI).

D'un point de vue strictement actuariel, c'est bonnet blanc, blanc bonnet. Les deux options ont la même valeur.

Mais il y a beaucoup de questions à se poser, dit Natalie Hotte, planificatrice financière et fiscaliste chez Banque Nationale, Gestion privée 1859. «Y a-t-il une partie de la valeur de transfert qui est imposable tout de suite? Est-ce qu'on peut obtenir un meilleur rendement en gérant les actifs soi-même? Est-ce qu'on veut protéger son conjoint, ses enfants majeurs?» énumère-t-elle.

«Personnellement, si j'ai le choix de laisser mes billes dans un régime de retraite qui me garantit une rente à vie, je penche beaucoup plus pour cette option-là, car je crois que le plus grand risque qui guette les travailleurs est celui de survivre à leur capital», dit Mme Bachand.

M. Dupras est du même avis: «Quand on a une promesse de rente jusqu'à la fin de nos jours, on se dégage du risque de survivre à son capital et du risque d'investissement. Sinon, on prend les deux risques sur ses épaules», dit-il.

Reste à savoir si la rente est vraiment garantie...

Rente en danger

Dans le secteur privé, plusieurs retraités ont eu de mauvaises surprises après la faillite de leur employeur. Par exemple, les retraités de Nortel Networks ont perdu 43% de leur rente, en 2011.

Presque tous les régimes de retraite sont dans le rouge, présentement. Le ratio de solvabilité médian est de 69%, selon Aon Hewitt. En cas de faillite de l'entreprise, c'est à ce pourcentage de leur rente que les retraités auront droit. Un pensez-y-bien.

Mais si le régime est solvable à 69%, le travailleur aura droit de transférer dans son CRI seulement 69% du montant auquel il a droit. Le reste sera versé sur cinq ans, si la santé financière du régime s'améliore. «Quand le bateau coule, on ne peut pas partir avec la caisse», dit M. Dupras.

Le CRI mangé le fiscLe transfert du régime de retraite devient très désavantageux quand le travailleur ne peut pas tout mettre à l'abri de l'impôt, comme on le voit souvent en ce moment.

C'est que la loi de l'impôt impose des limites, dit Mme Bachand. La règle a été instaurée alors que les taux d'intérêt étaient plus élevés, et elle ne tient pas compte du contexte financier. En fait, le maximum qu'on peut transférer correspond au montant de la rente (ex: 40 000$) multiplié par un facteur établi en fonction de l'âge du travailleur (disons 10). Dans ce cas, le maximum serait établi à 400 000$.

Si le régime contient 600 000$, il y aura donc un montant imposable de 200 000$. Sur ce montant, le travailleur perd l'accumulation à l'abri de l'impôt jusqu'à sa retraite. Si l'employé reçoit aussi une indemnité de départ, il se retrouvera avec des revenus très élevés l'année de son licenciement. Le fisc prendra une grosse bouchée dans sa retraite. À éviter.

En faveur du CRI

Mais dans certains cas, le transfert au CRI est une solution avantageuse.

Parfois, le participant a besoin d'argent tout de suite (parce qu'il veut prendre sa retraite à 53 ans, par exemple) mais il est trop jeune pour demander le versement immédiat de sa rente.

Le dossier médical est un autre facteur à considérer. Quel est l'historique de longévité dans la famille? Quel est votre état de santé? Si votre espérance de vie semble plus courte, il peut être avantageux de demander le transfert dans un CRI, dit Mme Hotte.

Il faut aussi analyser la situation familiale. Si vous avez des enfants majeurs, mais pas de conjoint, le transfert dans le CRI peut les avantager: à votre décès, ils ne recevront pas de rente au-delà d'une courte période garantie, alors qu'ils peuvent hériter du CRI en entier (après impôt). Par contre, si vous avez un conjoint 20 ans plus jeune que vous, la rente peut être un bon choix, car à votre décès il continuera de recevoir une partie de la rente jusqu'à sa mort.