Avec le printemps, les publicités de piscine refont surface: 99$ par mois pour une piscine creusée... Voilà une offre alléchante pour des familles qui ne pensaient pas avoir les moyens de s'offrir ce luxe.

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Mais Option consommateurs le voit d'un autre oeil: ces offres de Club Piscine et de Trévi sont plutôt un plongeon vers l'endettement.

L'organisme a déposé, hier, une plainte à l'Office de la protection du consommateur contre les deux détaillants de piscines. Option consommateurs dénonce leurs pratiques commerciales et publicitaires douteuses qui incitent les consommateurs à l'endettement.

Les publicités mettent en évidence la mensualité de 99$, plutôt que le prix total de la piscine, ce qui est contraire à la Loi sur la protection du consommateur. De plus, les modalités de financement ne sont pas exposées comme le veut la loi, soutient Option consommateurs.

«Effectivement, on a oublié de mettre le prix sur la page couverture. Mais c'est plus un oubli qu'autre chose. Partout ailleurs, on l'a mis. On essaie toujours d'en mettre le plus possible: le prix, les mensualités, le nombre de mois... Tout est là. S'il y a des modifications à faire, on va les faire, c'est certain», promet Alain Gravel, directeur marketing chez Trévi.

Nous n'avons pas pu obtenir la réaction de Club Piscine.

10 000$ d'intérêts

En fait, la piscine coûte 21 000$ pour un modèle de base de 20 pieds. À ce prix, il faut ajouter plus de 10 000$ d'intérêts, car le financement s'étale sur 240 mois, c'est-à-dire 20 ans. Au total, la piscine coûtera donc 31 000$, sans compter le terrassement, l'installation d'une clôture, l'entretien annuel...

Toutefois, le financement n'est pas coulé dans le béton, car il s'agit d'un prêt à taux variable. Le taux s'élève à 6,3% pour les trois premières années. Ensuite, le financement est renouvelé, au taux du marché, tous les trois ans. Il est fort possible que, d'ici 20 ans, les consommateurs écopent d'une hausse des taux d'intérêt qui sont actuellement à un creux historique.

Mais les clients risquent d'avoir une autre surprise, d'ici 20 ans. «Quand on vend sa maison, il faut rembourser le solde immédiatement (p. ex.: 15 000$ après cinq ans) parce que le prêt n'est pas transférable», prévient Dominique Gervais, avocate chez Option consommateurs.

Les propriétaires pensent peut-être récupérer une partie de leur investissement à la revente de leur maison. «Mais ce n'est pas si sûr», dit Me Gervais. La piscine est plutôt une dépense qu'un investissement.

Selon l'Institut canadien des évaluateurs, les propriétaires qui installent une piscine creusée récupèrent entre 0 et 25% du coût des travaux. Par exemple, des propriétaires récupéreraient au mieux 5300$ en revendant une maison à laquelle ils ont ajouté une piscine de 21 000$.

Quant aux piscines hors terre, elles contribuent rarement à la valeur et nuisent souvent à la vente d'une propriété, précise l'Institut.

Endettement à 150%

Dans un contexte où le taux d'endettement des Canadiens atteint 150%, Option consommateurs fait appel à la responsabilité sociale des banques.

«Le patron de la Banque du Canada répète que le taux d'endettement des ménages est inquiétant. Le gouvernement fédéral est même intervenu pour réduire la période d'amortissement des hypothèques. Et là, on se retrouve avec un bien de consommation qu'on étire sur 20 ans. Pour nous, c'est illogique», dit Me Gervais.

De son côté, M. Gravel estime que l'installation d'une piscine à 21 000$ peut être une dépense très justifiable. «Une piscine dure 25, 30 ans. C'est un achat pour la vie... alors qu'une famille peut dépenser 10 000$ dans un seul voyage», dit-il.

Pour les consommateurs qui veulent acheter une piscine à crédit, Mme Gervais conseille d'aller voir directement une institution financière pour le financement. «Il serait plus intelligent d'ajouter le financement d'une piscine creusée à son hypothèque, ou à sa marge hypothécaire, même si ce n'est pas l'idéal de se servir de sa maison pour financer sa consommation», dit-elle.