C'est le comble! En sept ans, Micheline Gratton n'a pas fait 1 cent de rendement sur les 1000$ qu'elle avait investis dans un placement garanti Gestion Active de Desjardins. Et quand son placement est arrivé à échéance, en mars dernier, sa caisse populaire lui a proposé de réinvestir son argent dans un autre placement garanti lié aux marchés.

«C'est le meilleur des deux mondes», lui précisait la lettre qu'elle a reçue. D'une part, le client est assuré de ne pas perdre d'argent, car son capital est garanti à 100% à l'échéance. Et d'autre part, son potentiel de rendement est supérieur aux taux d'intérêt, car la performance du produit est liée aux marchés financiers.

Alléchant! Avec cette formule hybride, Desjardins a séduit des milliers de clients durant les années 2000. Ils ont acheté pour environ 6 milliards de dollars de produits Indices Plus Stratégique, Indices Plus Tactique, Épargne à Terme Perspective Plus et Épargne à Terme Gestion Active... qui ont tous été mis K.-O. Le pire des deux mondes.

Ces produits devaient refléter la performance d'un indice boursier. Mais toute possibilité de rendement a été anéantie lors de la crise du crédit, en 2008. Ainsi, les épargnants se sont retrouvés coincés pour plusieurs années avec des placements rapportant zéro rendement, sans possibilité de se retirer sans pénalité. Certains devront patienter jusqu'en 2016 avant de récupérer leur capital.

L'an dernier, deux recours collectifs ont été lancés contre la Fiducie Desjardins et Desjardins Sécurité Financière, par trois cabinets d'avocats, dont Paquette Gadler. On y réclame un total de 1,2 milliard de dollars en rendement perdu, sans compter les 1100$ par client en dommages moraux et punitifs.

Déjà, environ un millier de clients de Desjardins ont rempli un formulaire pour participer au recours. Mais il n'est pas nécessaire de s'inscrire pour être inclus dans le recours qui n'a pas encore franchi l'étape de l'autorisation... et qui pourrait aboutir seulement dans sept ans, avoue Me Mathieu Charest-Beaudry, de Paquette Gadler.

Dans sa requête, il explique que Desjardins a manqué à son devoir de bien informer la clientèle des risques de ces produits, beaucoup plus complexes qu'un simple placement garanti.

Sur un investissement de 100$, environ 80$ servaient à acheter une obligation dont la valeur équivaudrait à 100$ à l'échéance en comptant les intérêts, de manière à garantir le capital de l'épargnant. Les 20$ restants permettaient d'investir dans les marchés boursiers. Or, Desjardins empruntait au-delà de ce montant, avec un effet de levier de 5 pour 1, décuplant ainsi les risques, expose la requête.

Quand la crise financière est survenue, cette stratégie a forcé le désinvestissement complet des placements. Les clients ont alors perdu tout espoir de rendement. Même si la Bourse a pratiquement doublé depuis le creux de 2009, eux n'y ont pas goûté. «Ils ont assisté avec impuissance à la reprise des marchés financiers, sans pouvoir y participer», note la requête.

Des produits modifiés

Depuis, Desjardins a modifié ses placements garantis liés aux marchés. Ainsi, le placement garanti à rendement bonifié (soins de santé) proposé à Mme Gratton procure un rendement minimum, mais impose aussi un plafond.

Pour un terme de trois ans et demi, le rendement est de 2% minimum et 10% maximum. Mais attention! Il s'agit du rendement cumulatif qui équivaut à un rendement annuel composé de seulement 0,57% à 2,76%.

Pour un terme de cinq ans, le rendement annuel composé est de 0,98% à 3,71%. Et pour un terme de six ans, la fourchette est de 1,13% minimum à 4,06% maximum.

Pour comparer, les Caisses Desjardins offrent présentement des dépôts à terme traditionnels qui versent 1,15% sur un an, 1,4% sur trois ans et 2,1% sur cinq ans.

C'est bien peu. Mais les taux sont anémiques dans l'univers des placements garantis. Certaines institutions financières offrent jusqu'à 2% d'intérêt dans leurs comptes à intérêts élevés (ex: ING Direct 1,35%, Banque Manuvie 1,75%, Peoples Trust 2,1%).

Pour les dépôts à terme de trois ans, les épargnants ne trouveront guère mieux (ex: ING Direct 1,65%, 2,1% Banque Manuvie, 2,75% Achieva Financial).

En optant pour un terme de cinq ans, on peut dénicher des taux avoisinant 3% (ex: 2,1% Banque de Montréal et ING Direct, 2,45% Canadian Western Bank, 2,65% Banque Manuvie, 3,25% Achieva Financial).

Vaut-il la peine de courir un risque pour obtenir 4% maximum sur six ans dans un placement lié à la performance des marchés? «Moi, je veux sortir de ça!», dit Mme Gratton. Elle a opté pour le bon vieux placement garanti.

LE PRODUIT

Le placement garanti Gestion Active distribué chez Desjardins.

LE HIC

Les clients n'ont obtenu aucun rendement à cause de la débâcle financière de 2008.

«Sept ans, c'est long à 0% de rendement.» Micheline Gratton

AU BOUT DU COMPTE

Deux demandes de recours collectifs ont été déposées en 2011 au nom des milliers de clients de Desjardins qui ont acheté pour 6 milliards de dollars de ces produits de placement.