Comme chaque trimestre, La Presse reprend en 2012 sa consultation avec quatre experts en répartition d'actifs. Nous leur demandons de formuler des recommandations pour faire fructifier ou protéger un REER autogéré de 50 000$. Avant d'expliquer leurs perspectives pour les prochains mois, ils reviennent brièvement sur le premier trimestre, marqué par une forte poussée des grands indices boursiers.

L'audace aura été payante durant l'hiver clément que nous avons connu pendant lequel les actions ont donné un rendement appréciable pour un deuxième trimestre d'affilée.

«On vient de vivre une fenêtre assez exceptionnelle, reconnaît Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux. Il y a six mois, les actions étaient battues et on appréhendait une récession. L'effet-surprise va toutefois s'estomper.»

Voilà pourquoi il prend une partie de ses profits qu'il parque en encaisse.

Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Banque Nationale, va un peu dans le même sens. «On se prend un peu de profits aux États-Unis, explique-t-il. On observe une contraction des marges bénéficiaires à court terme. Et puis, le prix de l'essence est inquiétant.»

Il se démarque cependant de M. Delisle qui a plutôt choisi de prendre ses profits au Canada. «Avec une diminution de l'appétit du risque, le S&P/TSX va moins bien faire que le S&P 500», prédit M. Marion.

Michel Doucet, vice-président, gestion de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins, n'est d'accord ni avec l'un, ni avec l'autre. «Si les marchés américains ont tant donné, où vont aller les investisseurs? demande-t-il. Je vois le S&P500 à 1520 points. Quant au marché canadien, il faut voir que le ralentissement en Chine n'est pas aussi fort, alors les prix des biens de base vont rester fermes.»

Il n'apporte aucune modification à son portefeuille.

Ce n'est pas du tout le cas de François Bourdon, vice-président et chef adjoint des placements chez Fiera Capital, qui avait la répartition la plus prudente au premier trimestre avec la moitié de sa mise en titres à revenus fixes.

«L'aversion du risque a quitté le marché. L'économie a mieux fait qu'anticipé, reconnaît-il. Le risque de défaut de la Grèce s'estompe tandis que la Réserve fédérale semble écarter la possibilité d'une rechute.»

Dans le réaménagement de son portefeuille, deux choses étonnent. Il fait passer de 25% à 35% le poids des actions canadiennes, mais diminue de cinq points à 10% le poids de ses actions américaines. «Le dollar canadien devrait bien faire et c'est bon pour les actions canadiennes», plaide-t-il.

Vincent Delisle, qui a la mise la plus faible dans les actions canadiennes, souligne que les meilleurs rendements ont été apportés par les titres financiers, de dépenses discrétionnaires et les titres technologiques au premier trimestre alors que les biens industriels ont moins bien fait.

Le marché américain a en outre profité de l'envolée d'Apple alors que le canadien a pâti de la déconfiture de Research in Motion.

«En mars, on a reçu quelques signaux d'essoufflement, rappelle-t-il. En juillet, je serai peut-être plus défensif.»

Stéfane Marion l'est déjà avec 51% seulement de ses billes placées dans les actions.

«Nous pensons que les anticipations de bénéfices sont trop fortes pour la zone euro, insiste-t-il. Le consensus voit une contraction de 0,3% de cette économie alors que nous prévoyons qu'elle atteindra 1,5%.»

M. Bourdon, reste aussi assez prudent avec 55% de titres en actions. Comme M. Doucet, il garde son encaisse très faible, mais à la différence du gestionnaire de Desjardins, il porte à 40% sa mise en obligations.

«Les obligations d'échéance 10 ans vont très peu bouger à cause des politiques très accommodantes des banques centrales, insiste-t-il. En plus, beaucoup de caisses de retraite recherchent des titres de longue échéance, ce qui fait pression sur leurs taux.»

Néanmoins, il est d'avis que la Banque du Canada va lentement préparer le terrain à une hausse de 25 centièmes de son taux directeur à sa dernière réunion, le 4 décembre.

Depuis septembre 2010, le taux cible de financement à un jour est fixé à 15. Du côté de la Fed, le taux directeur flotte dans une fourchette de zéro à 0,25% depuis décembre 2008 et devrait y rester jusqu'à vers la fin de 2014.

M. Doucet n'est pas au diapason: «Ce qui a permis que les taux des 10 ans soient si faibles, c'est l'absence de solution à un programme structurel. Il y en a une maintenant.»

Cela va déplacer des capitaux du marché obligataire vers le marché boursier et pousser les taux obligataires à la hausse.

C'est aussi le scénario de M. Delisle. «Je suis positionné pour une hausse de 20 à 30 centièmes des taux obligataires.»