Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, François Dupuis, du Mouvement Desjardins.  

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Dernièrement, nous avons eu des données économiques intéressantes en provenance des États-Unis. Cette semaine, il y a eu une augmentation surprise du crédit à la consommation, ce qui a fait réagir les marchés financiers. Mais quand on fouille un peu plus loin, on réalise que cette hausse plus forte que prévu découlait surtout de prêts accordés aux étudiants.

Mais ce qui est le plus important à retenir, c'est l'amélioration du sentiment du marché qui reprend confiance avec les discussions des politiciens en Europe. C'est ce qui a joué le plus sur les marchés. Même si le contexte politique demeure extrêmement risqué, on sent que les problèmes en Europe ne sont plus un frein à la croissance boursière, comme c'était le cas l'automne dernier.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

On ne peut pas ignorer toutes les variables économiques qui permettront de voir si l'embellie de l'économie américaine va se poursuivre. Mais ce que je vais surveiller le plus, ce sont les taux d'intérêt sur les obligations européennes, plus particulièrement les obligations italiennes.

Les taux des obligations italiennes de 10 ans qui avaient dépassé 7% l'automne dernier, sont redescendus à 5,45%. Cela indique que les marchés ont confiance que les problèmes de la Grèce et du Portugal ne feront pas boule de neige dans les autres pays. Il est très important que les pare-feu soient solides, car le Fonds européen de stabilité financière n'a pas la taille suffisante pour renflouer l'Italie et l'Espagne.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je crois que les marchés boursiers sont très sous-évalués. Si la situation s'améliore à travers le monde, il y aura une occasion intéressante d'investir dans les actions américaines et canadiennes dont les ratios cours/bénéfices sont à un niveau extrêmement déprécié. Je resterais quand même prudent. Je garderais des liquidités et j'investirais graduellement, au fur et à mesure qu'on aura des signes confirmant l'embellie.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Les obligations à long terme, surtout celles du gouvernement américain. Depuis des années, on s'attend à une remontée des taux d'intérêt... et les taux baissent toujours plus bas. Je n'ai rien contre les investisseurs qui gardent une portion d'obligations de court ou moyen terme pour se protéger. Mais ceux qui ont des obligations de 10 ans et plus pourraient s'en mordre les doigts.

Présentement, les taux des obligations américaines sont à 2,05% sur 10 ans et à 3,2% sur 30 ans. L'impact sera brutal si les taux d'intérêt remontent, ne serait-ce qu'au niveau où ils étaient avant la crise européenne de l'été dernier. En avril dernier, les taux s'élevaient à 3,5% sur 10 ans et à 4,5% sur 30 ans. S'ils remontaient à ce niveau d'ici un an, les investisseurs accuseraient un rendement -9% avec les obligations 10 ans, et de -18% avec les 30 ans.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Avec toute l'attention portée sur l'Europe, les investisseurs ont un peu oublié la crise fiscale aux États-Unis qui avait surgi l'été dernier avec la saga entourant le relèvement du plafond de la dette.

Je ne dis pas qu'il y aura une méga-crise. Les États-Unis ont beaucoup plus de marge de manoeuvre que l'Europe. Ils peuvent augmenter les impôts. Mais les Américains sont allergiques aux hausses de taxes. Il faudra voir comment les politiciens vont s'y prendre et quel impact leurs mesures pourraient avoir sur l'économie.

En 2006, François Dupuis est devenu vice-président et économiste en chef des Études économiques du Mouvement Desjardins où il oeuvre depuis près de 25 ans. M. Dupuis assume aussi la présidence du conseil de l'Association des économistes québécois.