L'inflation du prix des aliments affecte un nombre croissant de consommateurs. Et pour cause!

Au Canada, le panier d'épicerie moyen s'est apprécié de 4,4% depuis un an. C'est presque deux fois plus que le taux d'inflation de 2,3% mesuré pour l'ensemble des biens et services de consommation.

Aux États-Unis, l'inflation alimentaire cote à 3,7% depuis un an. Pour 2012, le département de l'Agriculture (USDA) s'attend à 3,5% au minimum, et jusqu'à 5% dans les viandes et les produits marins.

Les consommateurs ne sont pas les seuls interpellés par cette inflation alimentaire. Les entreprises de transformation et de distribution d'aliments doivent aussi composer avec une grande volatilité de leurs coûts d'approvisionnement.

Dans ce contexte, pour les investisseurs boursiers, existe-il des occasions d'investir dans des entreprises canadiennes qui se tirent d'affaires face à cette inflation alimentaire? Ou, mieux, qui peuvent même en profiter?

Certainement, suggère un relevé des recommandations d'analystes qui suivent les principales entreprises du secteur des aliments et boissons.

Elles sont près d'une vingtaine digne d'intérêt sur la Bourse canadienne, avec une capitalisation totalisant quelque 105 milliards$.

Leur rendement moyen depuis un an s'affiche à hauteur de 0,5%. C'est bien mieux que le rendement négatif de 5,9% pour l'indice de marché S & P/TSX à la Bourse de Toronto.

En dividende seulement, le rendement moyen de ces entreprises des aliments et boissons cote autour de 2,5%. C'est presqu'à égalité avec celui de l'indice de marché S & P/TSX.

Quelles sont ces entreprises les plus en vue sur la Bourse canadienne?

Le palmarès des avis d'analystes compilé par La Presse Affaires permet de les regrouper dans quatre secteurs principaux: les fournisseurs d'intrants aux producteurs agricoles, les transformateurs industriels d'aliments, les grands distributeurs et, enfin, les entreprises liées au secteur de la restauration.

En tête de ce palmarès, on retrouve les deux géants canadiens des engrais agricoles, Potash et Agrium, dont la valeur boursière combinée dépasse les 50 milliards.

Cette valeur a toutefois été ébréchée récemment en raison d'un moment de faiblesse des prix et des volumes dans le marché mondial des fertilisants.

La raison? Des inventaires saisonniers plus élevés que prévus dans les engrais et dans les principaux grains récoltés en Amérique du Nord, comme le maïs et le soya.

Par conséquent, les analystes ont réduit un peu leurs prévisions de résultats et de prix-cible en Bourse pour Potash et Agrium.

Ils maintiennent toutefois leurs recommandations d'achat à long terme en raison de la situation stratégique de ces entreprises à la base de la chaîne agro-alimentaire mondiale.

Transformateurs

Parmi les transformateurs d'aliments, la Bourse canadienne recèle des entreprises qui, de l'avis d'analystes, se démarquent dans leur secteur respectif.

Dans les viandes transformées, Aliments Maple Leaf obtient de bonnes notes pour l'amélioration de sa rentabilité en dépit de la volatilité de ses prix d'approvisionnement et de la concurrence des importations dans ce marché au Canada.

En contrepartie, les analystes s'interrogent sur le potentiel de croissance de Maple Leaf, qui n'a pas de projet d'acquisition en vue.

«Sa valeur boursière dépend surtout de ses prochains gains de marge bénéficiaire», indique l'analyste Candice William, de CanaccordGenuity, dans une note récente à ses clients-investisseurs.

Les analystes ont un avis comparable envers Saputo, le géant des produits laitiers dirigé de Montréal.

Dans un marché à faible croissance, Saputo a beaucoup grandi par acquisitions pour devenir l'un des plus gros transformateurs laitiers en Amérique du Nord.

Mais en dépit de sa taille, Saputo demeure très dépendante pour son bénéfice d'exploitation de la volatilité des prix du lait et des fromages aux États-Unis.

Au Canada, où le marché du lait est très contrôlé, les activités de Saputo pourraient être affectées par des changements réglementaires qui se négocient entre le Canada, les États-Unis et en Europe.

Parmi les autres transformateurs alimentaires, les analystes accordent de bonnes notes à des entreprises comme Viterra, un colosse albertain de 11 milliards$ de revenus dans le commerce et la première transformation des grains au Canada et en Australie.

On y retrouve aussi l'entreprise ontarienne Cott qui, avec ses usines en Amérique du Nord, au Mexique et au Royaume-Uni, est l'un des plus gros producteurs mondiaux de breuvages pour les marques privées des détaillants en alimentation.

Ce marché profite ces temps-ci du regain d'intérêt des consommateurs vers des breuvages moins coûteux que ceux des grandes marques.

Toutefois, avertissent les analystes, Cott doit composer avec une inflation plus marquée dans ses principaux intrants: sucre, jus de fruits, résine de plastique pour les bouteilles.

Détaillants

Dans tout le secteur alimentaire, ce sont les principales entreprises de supermarchés qui ont le plus de notoriété parmi les investisseurs. Toutefois, leur appréciation varie considérablement parmi les recommandations des analystes.

Les actions du groupe québécois Metro demeurent les mieux cotées en dépit de leur fort gain de 24% depuis un an. De l'avis d'analystes, ses résultats trimestriels publiés il y a quelques jours ont confirmé sa bonne tenue d'affaires et sa rentabilité avantageuse malgré la chasse aux rabais qui s'est accentuée parmi les consommateurs.

Un bémol toutefois: des analystes questionnent le potentiel de croissance de Metro sans acquisition d'envergure, en alimentation ou en pharmacie par sa filiale Brunet.

Par ailleurs, les analystes ont des avis partagés envers Loblaw, dont la valeur boursière de 10 milliards fait le double de ses concurrents directs, Metro et Empire (Sobeys/IGA)

Deux facteurs titillent les analystes. D'une part, ils doutent de la bonne conclusion prochaine de l'énorme réorganisation de la distribution et des approvisionnements chez Loblaw. Ce projet a été prolongé à maintes reprises ces dernières années.

D'autre part, les analystes constatent dans les récents résultats de Loblaw qu'ils demeurent affectés par l'expansion de Wal-Mart en alimentation. Cette expansion est survenue en Ontario et dans l'Ouest canadien, alors qu'elle débute à peine au Québec.

Restauration

Pour les investisseurs qui cherchent des entreprises alimentaires à plus forte croissance que les supermarchés, les analystes dirigent leurs recommandations vers des sociétés en restauration.

Ils apprécient particulièrement la chaîne de restos-minute Tim Hortons, dont la croissance se poursuit à bonne allure. Tant pour le nombre d'établissement - bientôt 4000 au Canada et aux États-Unis - que l'élargissement de sa gamme de boissons et de mets rapides.

Ce dernier facteur suscite une bonne croissance des ventes de «magasins comparables» chez Tim Hortons, c'est-à-dire ouverts depuis plus d'un an.

«Cette croissance des «comparables» est impressionnante: 4,7% au Canada et 6,3% aux États-Unis. C'est la plus élevée parmi les chaînes de restaurants en Amérique du Nord», souligne Keith Howlett, analyste du commerce de détail chez Valeurs mobilières Desjardins, dans une note récente.

Ailleurs en restauration, les analystes accordent de bonnes notes au groupe montréalais MTY et son portefeuille de 27 chaînes de restauration rapide, comme Valentine, La Crémière, Mr Sub, Cultures, Vieux Duluth, Croissant Plus et de plusieurs autres.

Au fil d'acquisitions et de croissance interne, MTY compte maintenant 2250 établissements en franchise ou en propriété directe. Les analystes s'attendent à ce que MTY franchisse les 100 millions de revenus cette année, avec une marge bénéficiaire d'exploitation de l'ordre de 36%.

En Bourse, MTY est évaluée à 300 millions, avec un multiple cours-bénéfice plutôt élevé. N'empêche, les analystes sont unanimes avec leurs recommandations d'achat.