Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Pierre Lapointe, de Brockhouse Cooper.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Comme à chaque mois, les données sur l'emploi aux États-Unis ont capté toute l'attention des investisseurs. Et ces derniers n'ont pas été déçus. Au sud de la frontière, il s'est créé 243 000 emplois au total et 257 000 dans le secteur privé seulement. Le taux de chômage a reculé de 8,5% à 8,3%. Au Canada par contre, la création d'emploi plafonne et le taux de chômage a recommencé à grimper. Il était de 7,6% en janvier.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

Le gouvernement américain est maintenant en phase d'austérité et les entreprises américaines, échaudées lors de la dernière crise, sont encore très frileuses à l'idée d'investir. La reprise américaine repose donc sur les épaules du consommateur. La chute de 35% des prix des maisons a miné la confiance de ce dernier. Toutefois, les Américains continuent de consommer. Les ventes au détail demeurent robustes dans les circonstances.

Nous nous questionnons toutefois sur la viabilité de cette croissance de la consommation. En effet, le revenu personnel disponible croit moins vite que la consommation depuis six trimestres au sud de la frontière. En d'autres termes, le consommateur n'hésite pas à piger dans son épargne pour maintenir son niveau de vie.

La consommation ne pourra demeurer au niveau actuel si les revenus des Américains ne commencent pas à grimper. Au cours de la dernière année, le salaire moyen a grimpé de 1,9%, moins que l'inflation. Pour soutenir la consommation, il faudra donc voir une accélération des salaires.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Nous prévoyons un essoufflement de l'économie mondiale au cours de la prochaine année. Dans un tel contexte, les actions risquent d'être sous pression. Les obligations des pays développés présentant un faible risque de crédit comme le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la Norvège offrent un certain attrait.

Toutefois, les investisseurs audacieux devraient aussi considérer les obligations gouvernementales des pays émergents libellées en dollars américains. En général, les pays émergents ont beaucoup moins de dette souveraine en pourcentage de leur PIB que les pays développés. Par ailleurs, les taux obligataires sont environ deux fois plus élevés dans ces pays.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Les marchés boursiers européens ont rebondi depuis que la Banque centrale européenne a annoncé qu'elle offrirait du financement aux banques européennes. Or, ces mêmes banques n'ont pas choisi d'utiliser cette nouvelle liquidité pour offrir plus de prêts. Les banques blâment entre autres le ralentissement économique pour justifier le pire recul des prêts bancaires en plus de 10 ans. En d'autres termes, la décision de la BCE a permis d'éviter une crise de liquidité bancaire, mais l'Europe demeure en récession.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Le mouvement de désendettement mondial n'est pas terminé. Les ratios d'endettement des gouvernements, des financières et des consommateurs sont encore bien plus élevés qu'ils ne l'étaient avant que la bulle immobilière commence il y a 10 ans. Ce désendettement continuera de peser sur la croissance mondiale pour quelques années encore.

À titre de stratège Macro Global, Pierre Lapointe est responsable du département de recherche sur la stratégie mondiale chez Brockhouse Cooper. Fondée en 1968, le courtier institutionnel montréalais se spécialise dans les actions internationales et transige dans plus de 50 pays, pour des clients des quatre coins du monde.