Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Stéphane Rochon chez BMO Nesbitt Burns...

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

L'écart de crédit sur les obligations des pays européens a continué de se resserrer. Jeudi, le taux des obligations italiennes de cinq ans était 4,47% au-dessus du taux des obligations allemandes (considérées comme les plus sures). Il s'agit d'une baisse importante par rapport à la semaine précédente, alors que l'écart était de 4,89%. L'écart maximal avait été atteint le 9 novembre dernier, à 6,68%. On voit que la tendance est vraiment à la baisse.

Cela nous indique que le stress redescend dans le système financier européen. C'est ironique, car la semaine dernière, l'agence de crédit Standard & Poor's avait décoté plusieurs pays européens. Mais cela n'a eu aucun effet sur les marchés financiers, car les agences agissent toujours en retard. Il faut suivre le marché obligataire, pas les agences de crédit.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je suis l'indice des nouvelles commandes de l'association des directeurs d'achat américains ISM (Institute for Supply Management). Cet indicateur a une très forte corrélation (80%) avec les rendements mensuels de la Bourse canadienne. Quand l'ISM est au-dessus de 50 et qu'il est en hausse, la Bourse connaît généralement une forte performance... mais ce n'est pas le cas depuis juillet, à cause de la crise européenne.

On regarde aussi les indicateurs de l'économie réelle, comme le prix du cuivre ou le transport de marchandises par train. Présentement, l'économie réelle est en meilleur état qu'elle ne l'a été depuis un bon bout de temps. Pourtant, les investisseurs restent très pessimistes. En octobre dernier, le niveau de panique a été encore plus fort qu'en 2008, et il reste extrêmement élevé. Pour cette raison, nous voyons une bonne occasion d'investir à la Bourse.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

On aime beaucoup tout ce qui se rattache aux grandes sociétés de technologie américaine, notamment Cisco et Google. On recherche des investissements qui peuvent bénéficier du thème de la mobilité internet. Les travailleurs vont se détacher de l'univers des ordinateurs de bureau. Il y aura de la croissance pour tous les outils qui permettent aux travailleurs d'avoir accès à l'internet sur la route.

On voit aussi une occasion dans l'immobilier américain qui commence à s'améliorer. On peut investir dans le géant de la rénovation Lowe's, dans un fonds négocié en Bourse du secteur de la construction comme le SPDR S & P Homebuilders, ou même dans l'automobile avec une société comme Magna. Les études démontrent que le meilleur indicateur pour la remontée des ventes d'automobiles, c'est justement le prix des maisons. Quand un ménage voit que sa maison reprend de la valeur, cela crée un effet de richesse qui l'encourage à reprendre ses dépenses de consommation.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Il est trop tôt pour réinvestir dans l'ensemble du secteur financier européen (même si certains titres précis peuvent être intéressants). On pense que les banques européennes devront aller chercher de nouveaux capitaux, ce qui fera chuter leur titre encore plus.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Je pense que les marchés ne voient pas venir une amélioration soutenue de la situation en Europe. Les investisseurs ont sous-estimé l'impact de l'intervention de la Banque centrale européenne (BCE) qui a injecté 500 milliards d'euros dans le secteur financier. Comme la Réserve fédérale américaine (Fed) l'avait fait en 2008, la BCE a envoyé un message très clair, à savoir qu'elle ne laissera pas le système financier chavirer. Mais le niveau de pessimisme est très élevé.

Stéphane Rochon vient de se joindre à la firme de courtage BMO Nesbitt Burns où il agit à titre de vice-président principal et chef de la recherche pour les investisseurs particuliers. Détenteur d'un MBA de l'Université McGill, M. Rochon travaillait précédemment chez Crédit Suisse, à New York.