Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Christine Décarie, d'Investors...

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Cette semaine, il y a eu un peu plus d'acheteurs pour les obligations européennes. C'est positif. Par exemple, l'Allemagne a eu deux fois plus de demande que la quantité d'obligations qu'elle voulait émettre. Même chose pour l'Espagne qui a aussi vu son coût d'emprunt diminuer significativement. Elle a émis des obligations de trois ans à un taux d'intérêt de 3,38%, par rapport à 5,2% lors de ses dernières émissions durant la tourmente de décembre dernier. Et l'Italie a réussi à émettre des obligations d'un an à un taux d'intérêt de 2,75%, versus 5,95% lors de la dernière émission.

Il ne faut pas crier victoire trop vite. Mais il semble y avoir un peu plus d'appétit pour les obligations européennes. La confiance des investisseurs revient parce que la Banque centrale européenne est plus encline à racheter des dettes.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Il est clair qu'il y a des incertitudes dans chaque région: la crise de la dette en Europe, l'impasse des finances publiques aux États-Unis, le ralentissement économique en Chine.

Mais à court terme, ce que je surveille le plus, c'est vraiment le marché du travail aux États-Unis. Selon moi, c'est la clé pour assurer la poursuite de la reprise économique qui n'est pas très forte. Il faut de la création d'emplois pour repartir l'immobilier, la consommation, l'automobile...

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je continue de favoriser la Bourse américaine, plutôt que la Bourse canadienne qui est plus risquée. Aux États-Unis, les profits des sociétés continuent d'augmenter, la Bourse est mieux diversifiée et moins cyclique que la Bourse canadienne (composée à moitié de sociétés de ressources naturelles). En 2011, le marché américain a mieux performé (+5,5% pour le Dow Jones, 0% pour le S&P500) que le marché canadien (-11% pour le S&P/TSX). Et je pense que la tendance va se poursuivre.

J'investirais dans des sociétés qui augmentent régulièrement leur dividende. Il ne faut pas nécessairement viser les sociétés qui ont le rendement du dividende le plus élevé (ex: si une entreprise verse 1$ en dividende et que son action vaut 40$, cela équivaut à un rendement de 2,5%). Il faut surtout regarder l'historique d'augmentation du dividende.

En 2008-2009, les sociétés avaient pris une pause. Mais en 2011, 80% des sociétés du S&P500 ont versé un dividende et 340 sociétés l'ont augmenté. C'est une tendance lourde. Quand une entreprise choisit de verser un dividende à ses actionnaires et de l'augmenter constamment, cela force les dirigeants à une grande discipline. C'est une stratégie gagnante pour les investisseurs. Il y a une cinquantaine d'entreprise du S&P500 qui ont haussé leur dividende année après année, depuis 25 ans. On peut citer Procter&Gamble, et Target. En 2011, ce groupe a livré une performance 5% supérieure aux autres.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

J'aime bien les sociétés qui versent un dividende. Mais il faut demeurer sélectif, notamment dans le secteur des pipelines et du transport d'énergie. Les investisseurs veulent tellement du rendement qu'ils sont attirés par ces sociétés qui versent un dividende de 3 ou 4%. Mais leurs actions se négocient à environ 20 fois les bénéfices futurs. C'est chèrement payé pour des sociétés dont les profits n'augmentent que de 5 à 6% par an.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

La Bourse européenne a baissé d'environ 15% l'an dernier. Pourtant, les profits des sociétés européennes devraient augmenter d'environ 3% en 2011 et 7% en 2012. On oublie que plus de la moitié (54%) des revenus des sociétés de l'indice EuroStoxx proviennent de l'extérieur de l'Europe. C'est peut-être ce qui explique pourquoi les profits des entreprises européennes n'ont pas baissé.

Il n'y aura pas de solution miracle à la crise en Europe. Mais si l'incertitude macro-économique se lève un peu, les Bourses européennes pourraient nous surprendre en 2012.

Christine Décarie est vice-présidente principale, gestionnaire de portefeuille et directrice de la recherche au Groupe Investors. Elle gère 2,3 milliards dans le fonds d'actions d'entreprises québécoises Investors et le Fonds mutuel Investors du Canada, le plus ancien de la famille, dont elle est la sixième gestionnaire depuis sa création en 1950.