Réveil brutal pour Mme Brunelle. Au téléphone, l'émetteur de sa carte de crédit lui apprend qu'elle s'est fait voler 2000$ durant la nuit.

Les fraudeurs ont forcé la portière de sa voiture. Ils ont pris son sac qui était resté caché sous la banquette, alors qu'elle croyait l'avoir repris. Puis, ils ont retiré quatre fois 500$ à un guichet automatique. À un autre guichet, ils ont ensuite déposé un faux montant de 1000$ dans son compte bancaire, à l'aide de sa carte de guichet, pour ensuite retirer le même montant.

La journée commence mal! En plus, l'émetteur de la carte au bout du fil lui rejette le blâme. «La banque m'accusait. La fille me disait: c'est sûr que vous avez laissé votre numéro dans votre sacoche parce qu'ils ne peuvent pas vous voler sans avoir le NIP», raconte Mme Brunelle.

La cliente est formelle: elle n'a jamais écrit son numéro d'identification personnel nulle part. Le NIP était différent sur les deux cartes. Et les numéros n'étaient pas faciles à deviner. En tenant son bout, la cliente a réussi à se faire rembourser.

Mais tous n'ont pas cette chance. Depuis l'arrivée de la carte à puce, les banques refusent souvent de dédommager les clients qui ont été victimes de fraude, dans la mesure où les fraudeurs ont entré leur NIP.

«Les institutions financières disent avoir beaucoup investi pour améliorer la sécurité avec les nouvelles technologies. Maintenant, quand il y a un problème, c'est comme si elles présumaient que ce n'est plus dans leur cour», dit Charles Tanguay, porte-parole de l'Union des consommateurs.

Avec la carte à puce, le fardeau de la preuve retombe sur le consommateur. Les banques considèrent que le client a été négligent, car il n'a pas protégé convenablement son NIP, ou pire encore, qu'il est de connivence avec les fraudeurs.

«C'est vraiment leur ligne de conduite. On le voit de plus en plus», confirme Brigitte Boutin, ombudsman adjointe au Québec, pour l'Ombudsman des services bancaires et d'investissement (OSBI) qui se penche sur les litiges entre les institutions financières et leurs clients.

«Tout le monde nous dit que la puce est très, très, très fiable. Jusqu'à maintenant, nous n'avons aucune indication qui nous permet de croire que la puce n'est pas sécuritaire», ajoute Mme Boutin.

Ainsi, lorsqu'une transaction a été réalisée avec une carte à puce, dans un terminal qui lit la puce, et que le fraudeur a entré le NIP du premier coup, l'OSBI est forcé de conclure que le client a bel et bien été négligent.

Pourtant, des chercheurs du laboratoire informatique de l'Université Cambridge, en Angleterre, remettent en question la sécurité des cartes à puce, depuis au moins cinq ans (www.cl.cam.ac.uk/research/security/banking).

En 2010, ils ont découvert une nouvelle faille qui permettrait à des fraudeurs d'utiliser des cartes à puces volées sans connaître leur NIP.

Voilà qui ébranle les certitudes. Mais les consommateurs doivent quand même se débattre: c'est leur parole contre la technologie.

Toutefois, la troisième phase de la réforme de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) pourrait changer la donne. Le projet de loi 24, déposé en juin dernier par le ministre de la Justice du Québec Jean-Marc Fournier, s'attaque au problème.

En cas de fraude avec une carte de débit ou de crédit, les consommateurs ne pourront plus être tenus responsables des pertes, au-delà de 50$. L'institution financière aura deux jours pour rembourser les sommes prélevées sans autorisation.

Et si l'institution considère que le consommateur est responsable des pertes (parce que son NIP était écrit en arrière de sa carte, par exemple), elle devra d'abord le rembourser, puis établir la preuve de la négligence de son client devant les tribunaux.

Des trucs pour protéger ses cartes contre la fraude:

› Choisissez un NIP impossible à deviner (pas votre date de naissance ou votre adresse!)

› Ne dévoilez votre NIP à personne. Ne l'écrivez nulle part (surtout pas dans votre portefeuille!)

› Choisissez des NIP différents pour chaque carte.

› Protégez-vous des regards, avec votre corps ou votre main, quand vous composez votre NIP sur le terminal d'un commerçant, ou au guichet automatique. N'ayez pas peur d'avoir l'air trop prudent.

› Protégez-vous aussi des regards de votre entourage (parents, amis, collègues de travail).

› Ne laissez jamais votre carte sans surveillance: ni au restaurant (suivez le serveur, s'il le faut), ni à l'hôtel, ni ailleurs.

› Ne trimballez pas 10 cartes dans votre portefeuille. Cela décuple les risques et les montants qu'un fraudeur pourrait retirer.

› Utilisez une autre carte avec une petite limite de crédit, pour les achats plus à risque (à l'hôtel, au resto, sur l'internet...)

› Surveillez souvent et attentivement votre état de compte. Avertissez immédiatement votre institution financière de toute irrégularité.