Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Michel Doucet, de Valeurs mobilières Desjardins...

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

L'Europe est au pied du mur. Elle doit trouver une solution politique à un problème politique. Cette semaine, la Banque centrale européenne (BCE) a baissé son taux directeur de 0,25%. Et elle a travaillé conjointement avec la Réserve fédérale américaine (FED) pour s'assurer de maintenir la liquidité dans le marché. La planète réalise que l'implosion des banques européennes serait néfaste pour tout le monde.

Ceci dit, les plus récents indicateurs économiques en Europe ont laissé voir un ralentissement, mais pas un mur comme certains s'y attendaient. Le marché a peut-être été un peu trop pessimiste, comme l'été dernier aux États-Unis, alors que les investisseurs redoutaient un nouveau plongeon de l'économie en récession. Maintenant, ils réalisent que ça ne va pas si mal

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Au cours des prochains jours, je vais surveiller l'Europe. Est-ce que les politiciens vont trouver une solution aux problèmes? Est-ce que la BCE aura la volonté d'agir comme la FED l'a fait après la faillite de Lehman Brothers, en sortant la planche à billets pour fournir des liquidités aux banques, en aidant les banques à extraire les actifs toxiques de leur bilan?

Dans les prochaines semaines, je vais surveiller si l'euro va se déprécier. Ce serait souhaitable parce que les pays périphériques de l'Europe ont besoin d'une devise plus faible pour s'en sortir.

Et au début de l'année prochaine, je serai curieux de voir si les États-Unis seront la prochaine cible des marchés. Le cirque politique entourant la gestion de leurs finances publiques est vraiment loufoque! J'ai l'impression que le réveil sera brutal pour les Américains.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

À très court terme, je garderais les liquidités en attendant de voir quelle solution émergera en Europe. Si un plan européen se concrétise, la Bourse va en profiter. Je saisirais alors l'occasion pour acheter des actions de grandes sociétés, avec un bilan financier solide, des activités à l'international et surtout des dividendes élevés.

Au Canada, on peut parler de la Banque Scotia, la Banque TD, la Banque de Montréal, BCE, Telus et TransCanada. Aux États-Unis, je dirais Intel, Coca-Cola, McDonald's, Procter&Gamble, Merck et Microsoft.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

J'éviterais l'Europe et les marchés émergents en raison des incertitudes actuelles. J'éviterais aussi le Japon qui est en mode récession\dépression.

J'aurais une certaine prudence face au marché obligataire qui a livré un rendement d'environ 7% depuis le début de l'année. Je ne pense pas qu'on puisse répéter cet exploit une deuxième année consécutive.

J'éviterais aussi les solutions créatives pour compenser un manque d'épargne. Aujourd'hui, avec des taux d'intérêt à 2%, un portefeuille d'un million de dollars rapporte des revenus de seulement 20 000$ par année. Même les gens qui ont épargné beaucoup ont du mal à arriver. Ils sont prêts à aller vers des actions de petites entreprises, vers des obligations de pacotille. Ils sont prêts à mettre plus d'actions dans leur portefeuille pour tenter d'obtenir de meilleurs rendements. Mais c'est risqué.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les finances publiques des Américains ne sont pas roses... et pourtant les États-Unis s'en sortent drôlement bien, pour l'instant. Mais l'absence d'orientation politique me dérange. Je m'attends à ce que les marchés prennent à partie les États-Unis en 2012-13. Même si le Canada a assaini ses finances publiques, il risque d'y goutter par la bande, car les marchés obligataires canadiens et américains sont très reliés.

Je crois aussi qu'il y a une inéquation entre le niveau d'épargne et les besoins futurs pour la retraite. Trop de dettes, pas assez d'épargnes. Ça va nous rattraper.

Bas de vignette: Michel Doucet est vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins, où il est entré en 2004. Avec son équipe de recherche et de stratégie, il épaule les quelque 320 conseillers en placement de la firme de courtage qui gèrent des actifs de 20 milliards pour la clientèle de détail.