Le travail c'est la santé, dit le dicton, mais quand la santé n'est pas là, doit-on arrêter le travail? Cette question, Julien et Nathalie, un couple d'Ottawa, se la posent depuis qu'un de leurs bambins a des problèmes de santé. Tellement, en fait, qu'un des deux pourrait à tout moment être obligé de prendre une retraite anticipée beaucoup plus tôt que prévu.

«Nous avons une belle vie, c'est la seule ombre au tableau», dit Julien, 39 ans, inquiet des répercussions qu'un tel scénario pourrait entraîner sur les projets de retraite de lui et sa conjointe, elle aussi âgée de 39 ans.

Idéalement, ils souhaiteraient chacun prendre leur retraite à 55 ans, mais avec cette épée de Damoclès qui leur pend au-dessus de la tête, ils aimeraient être éclairés sur les conséquences probables d'une retraite hâtive de Nathalie. En ce moment, ils estiment que c'est elle qui arrêterait pour s'occuper du petit, vu que son salaire est le moins élevé des deux.

«Pourrions-nous nous le permettre tout en maintenant le même niveau de vie?» demande Julien.

Jusqu'à présent, il est vrai, ils ont été gâtés par la vie, en tout cas financièrement parlant. Les deux sont fonctionnaires depuis de nombreuses années, lui dans la fonction publique fédérale, elle dans le secteur parapublic.

Une situation financière saine

Par année, il touche 155 000$, elle 80 000$. Tous les deux ont droit à un régime de retraite de leur employeur. Celui de Julien lui fournira une prestation annuelle de 65% du salaire de ses cinq dernières années de travail, s'il range ses crayons à 55 ans, ou de 70% s'il se retire à 57 ans. Celui de Julie est moins généreux, d'une part parce qu'elle n'y cotise que depuis cinq ans, d'autre part parce qu'il est à cotisations déterminées.

Côté placements, Julien possède pour 25 000$ de REER, 15 000$ dans un CELI, ainsi qu'environ 300 000$ en actifs hors REER. Nathalie, elle, a pour 100 000$ de REER et 15 000$ en CELI. Le couple est propriétaire d'une maison évaluée à 300 000$, libre d'hypothèque.

Bon an mal an, la petite famille réussit à épargner entre 25 000$ et 30 000$, en plus de leurs REER et de leurs REEE pour leurs enfants (environ 70 000$). Ils ont donc un bon contrôle sur leurs dépenses, même s'ils se paient un voyage de 6000$ à 10 000$ tous les ans. Prochainement, ils ont toutefois pour projet de rénover la maison pour un coût d'environ 25 000$.

Parce qu'ils n'ont pas une grande tolérance au risque, leurs actifs financiers sont placés dans des portefeuilles équilibrés, principalement des actions canadiennes et américaines avec une emphase sur les titres à dividendes et du secteur de l'énergie. Pour diversifier son risque, Julien songe à investir dans l'immobilier. Mais il l'avoue lui-même, il n'aurait pas la patience de répondre aux appels des locataires.

«En plus, les prix sont très élevés, je me demande si la rentabilité serait au rendez-vous», dit-il.

Deux scénarios

À première vue, la situation financière de Julien et Nathalie semble très bonne. Et elle l'est! a constaté Danielle Dozois, planificatrice financière au Groupe Mathieu Turgeon, à Montréal.

Pour eux, Mme Dozois a sorti sa calculette pour vérifier le tout. Elle a concocté deux scénarios, un selon lequel ils prendraient chacun leur retraite à 55 ans, l'autre où Nathalie arrêterait de travailler immédiatement.

Comme hypothèses, la planificatrice a pris un taux de rendement sur les placements de 5% par année, un taux d'inflation et d'indexation sur les salaires de 2,25%, ainsi qu'un taux d'indexation de 1,75%/an pour la Régie des rentes du Québec et la Pension de vieillesse du Canada.

Dans le premier cas, c'est-à-dire s'ils prennent leur retraite à 55 ans, et en continuant à faire exactement ce qu'ils font, sans rien changer du tout à leur train de vie et habitudes d'épargne, ils auront à eux deux, en dollars d'aujourd'hui, un revenu annuel de 112 000$ par année. Comme leur coût de vie est actuellement de 73 000$/an, ils en ont largement assez.

Vrai, il y a toujours moyen d'améliorer une situation. Ils pourraient être légèrement plus téméraires avec leurs investissements; ils sont encore jeunes, ce serait un bon moment pour le faire. Vrai aussi que l'investissement immobilier est un bon moyen de diversifier son risque, mais dans un cas comme dans l'autre, Danielle Dozois le leur déconseille.

«Dans leur situation, il n'ont pas besoin de changer quoi que ce soit, dit-elle. Leur portefeuille est équilibré et cela leur convient parfaitement. Quant à l'immobilier, c'est une bonne idée, mais il faut être un peu bricoleur. Or monsieur ne l'est pas du tout.»

Dans le deuxième cas, si Nathalie arrêtait immédiatement de travailler pour s'occuper du petit malade, là aussi, ils s'en sortent bien, moins confortablement que si les deux continuaient à travailler, mais, avec un revenu net d'environ 80 000$ jusqu'à la retraite de Julien, ce n'est pas si mal. D'autant que dès qu'il prend sa retraite, à 55 ans, les revenus rebondissent à 115 000$/an, grâce au régime de l'employeur et aux retraits de leurs placements.

«Dans le fond, ils s'inquiétaient pour rien, ils avaient juste besoin d'être rassurés», dit la spécialiste.