Comme des centaines de milliers de Canadiens, Paul a profité du Régime d'accession à la propriété (RAP) qui permet de retirer jusqu'à 25 000$ de son REER pour financer l'achat d'une maison.

Paul pensait avoir 15 ans pour remettre le montant emprunté dans son REER, comme le veut la règle. Depuis 2006, il fait son remboursement minimum de 1333$ chaque année, soit un cinquième du montant total retiré.

Mais cette année, Paul (nom fictif) s'est fait jouer un bien mauvais tour. Les 1333$ ont été ajoutés à ses revenus imposables qui ont grimpé de 11 228$ à 12 561$. À ce niveau, il ne paie pratiquement pas d'impôt... sauf que l'homme de 71 ans a perdu une partie de son Supplément de revenu garanti (SRG) depuis juillet dernier.

Ottawa verse le SRG aux retraités à faibles revenus. Mais le montant fond très rapidement dès que leurs revenus augmentent.

Ainsi, un pensionné célibataire verra son paiement mensuel baisser de 212$ à 156$, une perte de 56$, si ses revenus annuels augmentent de 11 228$ à 12 561$. Autrement dit, une hausse des revenus annuels de 1333$ fera perdre 672$ de SRG pour l'année entière. Cela correspond à un taux d'imposition implicite de 50%! Et ce n'est pas tout...

«Quand on touche au revenu net, il y a impact sur une foule de prestations et de crédits d'impôt: la Pension de la sécurité de la vieillesse, le crédit pour la TPS, pour la Solidarité, pour les frais médicaux, pour le maintien à domicile, etc», lance André Boulais, auteur du livre Réduisez vos impôts.

Ainsi, pour certains contribuables à faibles revenus, les retraits du REER coûtent plus cher d'impôt que les déductions d'impôt obtenues au moment de la cotisation.

L'impasse du RAP

Voilà où se retrouve Paul. Mais il ne comprend toujours pas pourquoi son remboursement RAP a été ajouté à ses revenus. Pourtant, il a complété sa déclaration de revenus de la même façon que les années précédentes.

Il a téléphoné à maintes reprises au fisc. «À la demande d'un représentant, je me suis déplacé au bureau de Revenu Canada en septembre», raconte l'homme qui vient d'être opéré pour le cancer. On l'a référé à un autre bureau où il a dû remplir un formulaire. Depuis, il n'a reçu aucune explication.

L'énigme est pourtant assez simple. À 71 ans, fini le REER. Les gens doivent encaisser l'argent et payer l'impôt, s'acheter une rente ou encore transférer l'argent dans un Fonds enregistré de revenus de retraite (FERR) duquel ils devront faire des retraits minimum chaque année

Comme le REER prend fin à 71 ans, il est impossible de rembourser le RAP après cet âge. Avis à tous ceux qui utilisent le RAP après 55 ans: pour rembourser votre RAP en entier, il faudra prendre moins que 15 ans.

«Autrement, pour chaque année de votre période de remboursement qui reste, vous devrez inclure dans vos revenus le remboursement annuel qui aurait été requis pour l'année», indique l'Agence du Revenu du Canada dans un document sur le RAP (4135).

À cause de cette règle, Paul est emmuré dans son RAP. L'homme ne peut concevoir pourquoi le gouvernement ne l'a pas avisé avant qu'il se retrouve dans cette impasse.

Attention: les gens qui quittent pour l'étranger peuvent aussi se faire piéger. Les Canadiens qui deviennent non-résidents ont 60 jours pour rembourser leur RAP. Sinon, Ottawa présume qu'ils ont encaissé leur RAP, ajoute le montant à leurs revenus et leur envoie la facture d'impôt.

«J'ai vu des cas comme cela: les gens ont coupé les ponts avec le Canada, mais ils n'ont pas pensé au RAP... jusqu'à ce qu'il reçoivent un feuillet indiquant l'inclusion du montant du RAP dans leurs revenus. Il n'y a rien à faire. Ils doivent payer l'impôt. L'ARC n'a pas bougé», raconte M. Boulais.

Selon son expérience, au moins le quart des gens qui rappent ne remboursent pas leur REER, surtout les jeunes couples qui n'ont pas la capacité ou la discipline financière. Non seulement ils doivent payer l'impôt chaque année sur le montant minimum non-remboursé, mais en plus, ils perdent cet espace de cotisation REER à jamais.