Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Chris Kresic, de Jarislowsky Fraser.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

C'est la continuation des problèmes en Europe. Les taux d'intérêt ont grimpé d'environ 100 points de base (1%) sur les obligations gouvernementales espagnoles et d'environ 40 points sur les obligations françaises. Cela démontre que l'instabilité financière en Europe est loin d'être terminée. Les programmes qui ont été dévoilés jusqu'ici n'ont pas permis de rassurer les marchés qui attendent des mesures plus concrètes.

Deux voies s'offrent aux politiciens européens: ou bien ils suivent la route de l'inflation, ou bien ils choisissent celle de la déflation. Les États-Unis ont choisi la route de l'inflation en faisant imprimer de la monnaie par la Réserve fédérale (FED). Pour l'instant, l'Allemagne ne veut pas entendre parler de cette solution. Le pays ne veut pas payer pour les extravagances de ses voisins. Ultimement, l'Europe prendra probablement cette direction... mais il faudra attendre que ça fasse vraiment mal. Et tant et aussi longtemps que la solution ne sera pas claire, la volatilité persistera.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je vais suivre les taux des obligations des pays souverains qui sont le symptôme le plus clair des problèmes actuels. Au départ, on a vu les rendements grimper sur les obligations de l'Irlande, de la Grèce, du Portugal... et ça va continuer, car les marchés cherchent toujours le maillon faible. L'Autriche pourrait être le prochain pays à se retrouver dans l'eau chaude parce que ses banques détiennent beaucoup d'obligations de la Grèce, de l'Italie et des pays d'Europe de l'Est.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je suis spécialisé dans les obligations et les gens me disent: ah, mon Dieu! Les taux sont tellement bas, pourquoi acheter des obligations? Je dirais: pour la stabilité.

Il est très difficile de prédire l'évolution des marchés qui dépendent beaucoup de décisions politiques, en ce moment. Dans ce contexte, il est important de conserver une portion de revenus fixes dans son portefeuille. Quand vous avez un portefeuille équilibré, vous ne souffrez pas autant lorsque la Bourse chute de 50% comme en 2008-09. Vous avez plus de chances de voir la baisse des marchés comme une bonne occasion d'investir, alors que les autres seront tentés de vendre en cédant à la panique.

Ceci dit, les obligations de sociétés peuvent rapporter davantage que les obligations gouvernementales. Par exemple, les obligations 30 ans des fournisseurs de services publics comme TransCanada ou de Fortis versent environ 4,5%. Et les obligations de sociétés de télécommunications comme Cogeco, Rogers Communications ou Shaw Communications offrent un rendement d'environ 3,5% sur 5 ans et 6,75% sur 30 ans. Ces sociétés sont assez stables, car les utilisateurs considèrent de plus en plus la téléphonie mobile et le câble comme une nécessité, et non pas comme une dépense discrétionnaire.

D'autre part, les actions à dividendes élevés n'ont jamais été aussi attrayantes. Évidemment, le dividende peut être réduit et l'action peut tomber. Mais en restant cantonnés dans des titres de qualité, les investisseurs seront récompensés à long terme.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Je pense qu'il faut éviter les sociétés financières européennes, même si leurs titres se sont extrêmement dépréciés. Les actions de certaines banques valent à peine 0,2 fois la valeur comptable. Évidemment, leur titre pourrait tripler ou quadrupler si les nuages se dissipent en Europe. Mais un éventuel plan de sauvetage pourrait inclure la nationalisation de certaines banques. Dans ce cas, les actionnaires ne se feraient pas nécessairement laver, mais la valeur de leurs actions ne rebondirait pas non plus. C'est trop spéculatif.

Qu'est que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les marchés sous-estiment le temps qu'il faut pour digérer des dettes. Les investisseurs sont concentrés sur le court terme et ils veulent des solutions instantanées. Or, les solutions faciles n'existent pas.

Avec plus de 20 ans d'expérience, Chris Kresic est entré en 2010 chez Jarislowsky Fraser comme associé et gestionnaire de titres à revenus fixes. Fondée en 1955, la plus importante firme de gestion de Montréal a ouvert ses portes au grand public, l'an dernier, en lançant une famille de trois fonds communs à frais modiques.