Ça fait des années qu'elle y pense mais cette fois-ci, Chantale, de Montréal, est bien décidé à investir en immobilier. À 52 ans, elle se dit que c'est le temps ou jamais de se bâtir un petit coussin supplémentaire pour sa retraire, qu'elle envisage d'ici une dizaine d'années. Elle pourrait investir en Bourse, mais comme elle n'y connait rien et a peu d'intérêt pour la chose, elle préfère l'immobilier.    

Je me sens plus confortable avec ce type d'investissement», dit cette secrétaire déterminée.

Initialement, Chantale songeait investir seule, mais s'est vite rendu-compte à quel point les prix des immeubles avaient augmenté. Elle a donc eu l'idée d'inviter quelques collègues de travail et membres de sa famille pour leur proposer d'investir en groupe, histoire d'acheter un immeuble plus important. Son projet serait d'acquérir à plusieurs un immeuble à revenus - un plex de 5 ou 6 logements. Chacun des membres du groupe serait propriétaire au prorata de leur pourcentage investi; aucun n'habiterait l'immeuble et tous auraient des responsabilités respectives.

L'idée a fait tilt! Si bien qu'elles sont six femmes aujourd'hui prêtes à allonger chacune entre 15 000$ et 30 000$ pour la mise de fond nécessaire à l'acquisition d'un immeuble. En tout, elle ont 120 000$. C'est un bon début, mais avant d'aller plus loin, Chantale aimerait bien être conseillée. Son projet est-il une bonne idée? Si oui, quelles seraient les prochaines étapes? Le groupe devrait-il se constituer en société? Autant de questions auxquelles Chantale souhaiterait avoir des réponses.

Placement vs Investissement immobilier

Yvon Rudolphe, vice-président de NAI Commercial Groupe-Conseil, a rencontré les six femmes. Pour elles, il a analysé leur projet, de même que leur situation financière personnelle. Avant de livrer ses conclusions, il souligne que l'investissement immobilier est peu utilisé comme moyen de diversification, alors qu'il comporte pourtant plusieurs avantages, notamment sur le plan fiscal, et qu'il permet de tirer profit de l'effet de levier - grâce à la dette.

Le spécialiste rappelle également la distinction profonde entre le placement traditionnel - généralement en Bourse - et l'investissement immobilier. En plaçant son argent en Bourse, on diffère le «risque managérial» aux gestionnaires de l'entreprise dans laquelle on investit. On délègue le contrôle, en quelque sorte. En investissant dans un immeuble, on reprend le contrôle. C'est ce risque managérial que l'on accepte de prendre qui fait toute la différence en termes de rendement...s'il est bien géré.

«En cette période trouble et de faible taux d'intérêt, aucun véhicule financier n'offre autant d'effet de levier et de rendement que les valeurs immobilières», affirme Yvon Rudolphe, qui estime qu'un bon projet peut rapporter entre 12% et 20% de rendement sur cinq ans.

Plus d'ambition

Voilà une bonne nouvelle pour Chantale et ses amies. Tellement, en fait, que M. Rudolphe leur suggère d'être un peu plus ambitieuses. Selon lui, elles devraient considérer un immeuble de plus de 6 logements. Pourquoi? Parce qu'elles en ont les moyens! Leur situation financière personnelle est saine - pas trop endettées, donc risque faible -, et qu'avec leur mise de fond de 120 000$, elles pourraient acquérir un immeuble d'environ un million de dollars (il faut 15% minimum de mise de fond - donc 150 000$ dans leur cas -, mais avec une petite balance de vente, le compte est presque bon, estime M. Rudolphe). À ce prix, on trouve sur le marché montréalais des édifices de huit logements.

L'autre raison, évoque le spécialiste, c'est que les petits immeubles (2 à 5 logements) sont nettement plus chers par logement ou par pied carré, la concurrence des acheteurs étant plus féroce. Bref, il y a de meilleurs deals à faire dans les plus grosses bâtisses.

Une fois le type d'immeubles choisi, le groupe devra faire un peu de planification, notamment pour la gestion de la propriété. M. Rudolphe la divise en trois: gestion des frais d'exploitation, de l'entretien et des locataires. Un membre du groupe devrait être désigné pour s'en occuper. Le groupe devra aussi se constituer une banque de fournisseurs fiables: plombier, électricien, spécialistes en chauffage, etc.

Quelle structure juridique?

Le première chose à faire sera toutefois de se créer une société. Oui mais quel type? Par actions, en commandite, en nom collectif? Chacune ont leur avantages et inconvénients. Par exemple, une société par actions serait la plus appropriée pour protéger le patrimoine personnel de chacune; elle l'est moins en revanche sur le plan fiscal. L'autre option, probablement la meilleure, est la société en commandite, intéressante d'un point de vue fiscal et qui limite également la responsabilité des commanditaires à leur apport.

«Peu importe la structure choisie, elles auront besoin d'un contrat de société pour garantir une bonne entente», dit M. Rudolphe, qui leur suggère de rencontrer un avocat ou un notaire.

Quand elles seront prêtes, le plus dur restera à faire: trouver et acquérir le bon immeuble. Il faudra chercher, scruter, visiter, vérifier. Car payer le bon prix pour un bon produit est évidemment primordial dans ce type d'investissement. On l'a souvent entendu, c'est lors de l'achat que les bonnes affaires se font ou non.