Les études le disent, après le deuil, la séparation est l'une des épreuves les plus difficiles à vivre. Julie, de la Rive-Sud de Montréal, en sait quelque chose. L'an dernier, elle et son ex ont décidé de tirer un trait sur 28 ans de vie commune. Une séparation à l'amiable, mais tout de même pénible, surtout pour Julie, qui, bien qu'ayant réussi à « passer à autre chose », n'a toujours pas coupé le cordon financier qui la liait à son ancien chum.

« J'aimerais vraiment briser ce lien économique avec mon ex-conjoint », dit la femme qui a eu 50 ans cette semaine.

Son problème est le suivant. Les deux enfants du couple sont adultes (22 et 19 ans), ils sont aux études et habitent encore avec elle. Son ex ne lui paie pas de pension alimentaire ; à la place, comme les enfants demeurent toujours dans la maison, elle lui verse un loyer réduit. Monsieur paie aussi pour un certain nombre de dépenses, comme une partie des réparations de la maison, et le remboursement de la marge de crédit commune. Une bonne entente, mais qui commence à agacer Julie.

Julie a deux questions. D'abord, elle se demande s'il ne serait pas préférable que son ex lui verse directement une pension. Elle paierait ainsi sa part des dépenses et rembourserait ses dettes elle-même. En ce moment, dit-elle, elle ne sait pas trop ce que monsieur paie véritablement comme dépenses, autre que les frais scolaires des enfants.

« Il ne me donne pas de comptes réguliers », dit-elle.

Ensuite, elle aimerait peut-être acheter la part de la maison de son ex. Elle n'aurait aucun problème à obtenir une hypothèque. Sauf qu'elle hésite. Son entourage lui dit que les taux d'intérêt vont finir par augmenter et, comme son contrat d'emploi se termine dans quatre ans et demi, cela lui fait un peu peur.

« Devrais-je acheter la maison maintenant ou attendre que les enfants soient partis ? », demande-t-elle.

La médiation avant tout

Dans l'esprit de Julie, les deux questions sont interalliées. Mais pour le planificateur financier Richard Proulx, du Groupe Investors, ce sont des problèmes différents. Pour la pension, dit-il, il lui suggère d'aller en médiation. Ainsi, selon les tables établies par la loi, elle saura le montant exact de la pension alimentaire auquel elle aura droit. Elle pourra alors avoir un point de comparaison qui lui permettra de choisir entre la pension ou le statu quo.

Pour la maison, l'entente qu'elle a avec son ex lui permet d'habiter la propriété tant que les enfants y sont. Comme le petit dernier vient tout juste de commencer l'université, on peut prévoir qu'il ne partira pas avant trois ans. D'ici là, Julie paie à monsieur un loyer de 670$ par mois, soit la moitié du prix de location réel. Vrai, elle déteste payer un loyer. En même temps, elle est bien consciente que son loyer n'est pas très élevé pour habiter une grande maison.

Alors que faire ?

De prime abord, Richard Proulx trouve hasardeux de se commettre à 50 ans dans une hypothèque de 200 000 $ - la valeur de la maison est estimée à 400 000 $. Lorsque, en plus, on est monoparentale, c'est risqué. Si on ajoute à cela que Julie ne sait pas si son contrat de travail sera renouvelé, ça devient carrément téméraire. Car en cas de non-renouvellement, elle devra se trouver un autre emploi. Combien de temps cela prendra-t-il ?

De plus, si elle perd son emploi à 55 ans, cela aura des conséquences sur son régime de retraite à prestations déterminées ; elle ne recevra pas la pleine pension.

Vrai, admet Richard Proulx, la situation financière de Julie lui permet de se qualifier pour une hypothèque de 200 000 $. Amorti sur 25 ans, le paiement mensuel (taux de 3,8 % sur 5 ans) serait de 1030 $. Elle finirait par contre de payer sa maison à 75 ans !

Pour un amortissement de 15 ans, le paiement serait de 1456 $. Beaucoup plus que son loyer de 670 $ par mois. Elle devra aussi assumer seule les dépenses de la maison. D'un autre côté, si elle attend trois ans pour racheter la maison, elle devra la payer plus cher. Les taux hypothécaires seront eux aussi possiblement plus élevés.

Investir la différence

Pour le spécialiste, Julie a présentement avec son ex une entente très favorable et devrait demeurer dans la maison le plus longtemps possible. Avec la différence entre son loyer actuel et ce que serait son paiement hypothécaire, elle pourrait investir ailleurs, notamment dans un CELI ou des placements non enregistrés fiscalement avantageux. Elle se constituerait ainsi une réserve.

À moyen terme, lorsque les enfants auront quitté la maison, elle et son ex-conjoint pourront vendre la propriété. Julie aurait plus de $200 000. À ce moment-là, si elle tient encore à être propriétaire, elle pourrait s'acheter une plus petite maison, sans s'endetter.

Mais Richard Proulx est têtu : même alors, il lui recommande de demeurer locataire, et d'investir son 200 000 $ et plus. Cette somme lui assurerait la tranquillité d'esprit pour sa retraite si jamais, dans quatre ans et demi, son contrat n'était pas renouvelé, la pénalisant du coup sur son fond de pension.

« Ce qui est important en planification financière c'est d'arriver à la retraite sans aucune dette », conclut M. Proulx.

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LA SITUATION

Julie, 50 ans, s'est séparée de son conjoint de fait en 2010. Elle a 2 enfants qui finiront l'université dans 3 ans. Son ex-conjoint ne lui verse pas directement de pension alimentaire pour les enfants mais paie une partie des dépenses. Elle habite encore la maison familiale et paie un loyer réduit à monsieur. Elle veut briser le lien économique avec son ex et se pose deux questions: 1) Serait-il plus avantageux que son ex lui paie une pension alimentaire plutôt que de payer certaines dépenses? 2) Devrait-elle continuer de lui payer un loyer réduit ou racheter sa part de la maison maintenant ou quand les enfants seront partis de la maison?

LES DONNÉES

Revenu : 75 270$ (salaire)

Actifs

Maison: 400 000$ libre d'hypothèque (copropriétaire avec l'ex)

Réer:  94 300$

Fonds de pension à prestations déterminées depuis 16 ans

Passif

Marge de crédit conjointe: $44 000 (payée par l'ex)

FAITS IMPORTANTS

Julie paye un loyer de 670$/mois à monsieur

Marge de crédit conjointe est payée par monsieur : 700$/mois

Frais de scolarité payés par monsieur : 6000$/année ou 500$/mois

Taxes, entretien et thermopompe payés au 2/3 par monsieur

Chauffage et électricité payés par madame

Réparations (si c'est le cas) payées par monsieur

Le contrat de travail de madame termine dans 4 ans et demi

Monsieur paye des assurances-vie pour madame et les enfants

Retraite à 65 ans

LA RECOMMANDATION

Julie devrait aller en médiation pour savoir le montant exact de la pension alimentaire auquel elle aurait droit. Pour la maison, le planificateur Richard Proulx lui suggère le statu quo, soit de continuer à payer un loyer réduit à son ex.

« En planification financière, le plus important est d'arriver à la retraite sans aucune dette.»

- Richard Proulx, planificateur financier, Groupe Investors