Ça lui est tombé dessus comme c'est arrivé à des milliers d'autres: il y a cinq mois, Normand, 55 ans, de la Rive-Sud, a perdu son emploi, après 37 ans de bons et loyaux services pour le même employeur. Pour ce technicien du domaine de l'imprimerie, le choc fut si brutal qu'il a encore bien du mal à l'encaisser. Surtout qu'il avait prévu prendre sa retraite dans sept ans.

Maintenant, sa conjointe et lui se demandent si ce sera encore possible ou s'ils devront changer leurs plans.

«C'est dur de ne plus être certain de pouvoir vivre ses rêves de retraite», dit Normand, un peu désabusé.

Pour ne pas avoir à piger dans ses économies, Normand s'est résigné à trouver un autre emploi. Le plus ironique, c'est qu'il travaille maintenant pour le sous-traitant qui a repris les activités d'imprimerie de son ex-employeur. Il fait donc pratiquement le même boulot... mais pour la moitié du salaire qu'il touchait auparavant.

«Je suis très malheureux dans mon nouvel emploi», admet-il sans détour.

Ce qui le réconforterait serait de savoir s'il pourra quand même se retirer au moment prévu. Mais il l'avoue d'emblée, ni lui ni Diane, sa conjointe, ne savent comment faire pour calculer tout ça. Oh, pour leurs vieux jours, ils ne prévoient rien de compliqué. Des balades aux États-Unis, un ou deux voyages par année en routard en Europe et en Afrique, prendre le temps de vivre à la maison... Dans le fond, ce dont Normand et Diane ont le plus besoin présentement, c'est d'être rassurés.

Un budget avant tout

Dans une telle situation, la première étape est de commencer par faire un budget, c'est-à-dire de dresser un état sommaire des revenus et des dépenses prévisibles à court, moyen et long terme, suggère le planificateur financier et expert-conseil à la Banque Nationale - Gestion privée 1859, Daniel Laverdière. La bonne nouvelle, Normand et Diane ont eu ce réflexe avant même que le spécialiste n'analyse leurs finances.

«Un très bon point pour eux!», dit M. Laverdière.

Alors, que disent les chiffres? Pas si mal, mais un peu serrés. À eux deux, Normand et Diane gagnent environ 100 000$; au net, il leur reste 61 100$. Selon leur estimation, leurs dépenses annuelles s'élèvent à 60 500$. Ils ont donc, en théorie, un léger surplus de 600$ par année. Pas assez les pour sécuriser.

Côté placements, Normand possède 216 000$ en REER; Diane, 85 000$. À sa retraite, dans sept ans, Normand aura droit à une rente annuelle de son ex-employeur de 22 512$, qui tombera à 11 000$ lorsqu'il atteindra 65 ans. Diane, elle, touchera, à partir de 60 ans, 49 000$ par année du RREGOP; rente qui sera abaissée à 38 000$ lorsqu'elle aura 65 ans. Bien sûr, les deux auront droit aux prestations de la Régie des rentes du Québec, lui à 62 ans, elle à 60 ans, et la pension de vieillesse fédérale.

Dans leur esprit, Normand et Diane ont imaginé un scénario qui leur permettrait de dégager davantage de liquidités d'ici quelques années. En effet, deux postes de dépenses accaparent actuellement près de 1400$ par mois, soit 700$ pour le paiement de l'automobile, et un autre 700$ pour les versements hypothécaires sur leur chalet des Laurentides. Le prêt-auto sera remboursé l'an prochain, alors qu'il reste six ou sept ans avant d'avoir fini de payer l'hypothèque. Le couple croit donc pouvoir dégager 8400$ dès l'an prochain, une fois l'auto payée (12 X 700$) et le même montant d'ici quelques années.

Du budget hypothèque à budget voyage

«Pas si vite!», prévient Daniel Laverdière. Le planificateur fait remarquer que Normand est encore jeune, et qu'il devra éventuellement remplacer son auto. Il est donc juste de dire que le budget du couple sera allégé de 700$ mensuellement, mais seulement pour quelques années; après, les paiements reprendront pour l'achat de la nouvelle bagnole.

«À moins qu'ils décident de prendre le métro», dit le spécialiste.

Pour le chalet, en revanche, il est vrai que le remboursement de l'hypothèque viendra dégager des surplus. Et c'est là que réside la clé de leur problème. En fait, dans six ou sept ans, quand Normand sera prêt à accrocher pour de bon, il n'aura qu'à transférer le poste de dépenses «hypothèque» à celui de «voyages».

Dans ses prévisions, Daniel Laverdière a fait comme si le budget du couple demeurait le même à la retraite que durant leur vie active, soit environ 60 000$ par année, ajusté pour l'inflation. Il a pris pour hypothèses un taux d'inflation et d'indexation des revenus de 2,25% par année et un taux de rendement sur les placements de 2,75%.

Une bonne marge de manoeuvre

Avec ces données, le couple s'en tire sans problème, puisqu'il est capable de maintenir son train de vie sans piger dans ses économies avant 2018; à partir de là, le couple commencera à faire des retraits REER. Si tout se déroule comme prévu, leurs placements ne seront épuisés qu'en 2061; Normand aura alors 104 ans!

Daniel Laverdière note qu'ils ont de plus une bonne marge de manoeuvre. D'une part, comme leurs placements sont composés à 35% en actions et 65% en revenus fixes, il est probable que le rendement soit plus de 2,75%, tel que supposé. D'autre part, la valeur combinée de leur maison et de leur chalet est actuellement de 430 000$, montant que le planificateur n'a même pas considéré dans ses prévisions.

«C'est un petit coussin supplémentaire», conclut Daniel Laverdière.