Un projet d'étudiant en design vient d'apparaître sur le marché.

Dans un marché de fruits et légumes, en fait. Le Marché solidaire Frontenac, plus précisément.

Dès aujourd'hui, le triporteur Fruixi promènera son étal de produits maraîchers dans divers parcs des arrondissements de Ville-Marie et du Plateau-Mont-Royal: un marchand des quatre saisons sur trois roues et à deux pédales, en quelque sorte.

Le petit véhicule est le descendant direct du projet de fin d'études en design industriel que Guillaume Darnajou avait présenté à l'Université de Montréal, en avril 2010. Cette chronique en avait fait état, parmi quelques projets de finissants.

L'urbaniste Ikram Malki, mandatée par le Marché Frontenac pour repérer des moyens de favoriser la distribution de fruits et légumes frais, est tombé sur l'article lors d'une recherche sur le web. Elle a joint le jeune designer et l'a rencontré pour la première fois le 20 janvier dernier.

Quel mandat Guillaume Darnajou a-t-il reçu? «Il n'y avait pas vraiment de mandat, narre-t-il. Ils ont cherché à recréer mon projet de fin d'études et à l'adapter aux réalités du terrain.»

Mais ce projet de fin d'études était ambitieux. La structure du triporteur était recouverte de panneaux de fibres de verre, qui formaient une carrosserie galbée s'ouvrant sur deux côtés. Des rails basculants permettaient d'incliner les cageots d'un côté ou de l'autre. Le pimpant véhicule était muni d'un long pare-brise en polycarbonate, dont la courbe venait mourir en tangente au petit toit de la cabine. Le designer avait prévu une assistance électrique au pédalage et un système de repérage par GPS.

«C'était un projet idéal, sans contrainte, sans plafond budgétaire», explique-t-il.

Mais l'hiver dernier, c'était la vraie vie, avec de vrais délais, et de vrais (quoique minces) budgets.

Pas une seconde à perdre. Il fallait obtenir les dérogations aux règlements municipaux interdisant l'alimentation ambulante, ce que les partenaires du projet ont réussi dans le temps record - non homologué - de deux mois.

Le délai pour la conception était tout aussi étriqué: les triporteurs devaient être en fonction à la mi-juin. «J'ai travaillé un mois sur le design du triporteur et pour trouver qui pouvait le fabriquer à moindre coût», indique le jeune designer.

Ils ont fait appel à un fabricant spécialisé en tricycles industriels, l'entreprise Au coin du pédaleur, à Repentigny.

Celui-ci a proposé de construire le triporteur sur la base de son modèle Voiturier, un solide tricycle muni d'une petite benne. Guillaume y a adapté une cage en tubes d'acier, boulonnée sur le tricycle, et amovible pour l'entretien et le rangement hivernal.

Ses premières propositions prévoyaient une caisse à trois tablettes inclinées, similaire à son projet d'origine. Les spécialistes d'Au coin du pédaleur lui ont fait valoir que sa hauteur compromettrait l'équilibre du triporteur sous vent latéral et en virage. Le designer a retiré une tablette, dont la perte a été compensée par une caisse plus longue.

Pour simplifier la construction, la caisse ne s'ouvre plus que d'un seul côté, ce qui permettait de fixer l'inclinaison des tablettes en ce seul sens. Le panneau latéral, une fois relevé, fait office d'auvent festonné.

Délaissant les coûteux panneaux de fibres de verre, la structure tubulaire est tendue de solides toiles de vinyle vivement colorées, récupérées de panneaux publicitaires du 400e anniversaire de Québec. «C'est simple, léger, et ça se remplace facilement», indique le concepteur.

Le pare-brise a lui aussi disparu, mais le cycliste demeure protégé par un petit pare-soleil.

Guillaume Darnajou prévoit déjà les prochaines améliorations. L'été prochain, chaque triporteur Fruixi sera muni d'un système de repérage GPS, auquel sera associée une application internet/cellulaire. Les clients pourront ainsi repérer le plus proche Fruixi, et même connaître la teneur de sa cargaison.

«Tout a changé, conclut le jeune designer, mais au final, c'était quand même un projet assez juste dans son idée d'alimentation.»