Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Neil Matheson, de Standard Life.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

C'est évidemment les nouvelles économiques aux États-Unis, notamment la chute de l'indice ISM, un sondage très suivi par les marchés financiers parce qu'il donne vraiment une idée de ce qui se passe dans le secteur manufacturier.

C'est drôle parce d'autres sondages semblables, aux États-Unis et ailleurs dans le monde, disaient exactement la même chose, depuis deux ou trois semaines. Mais personne ne s'en était préoccupé.

Personnellement, je m'attendais à ça. On prévoyait que la croissance économique allait décélérer de manière assez importante, ce printemps. C'est arrivé. Et probablement que cela va se poursuivre encore quelques mois

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

Premièrement, on surveille les indicateurs avancés aux États-Unis. Les ventes de maisons sont toujours en déclin, ce qui n'est pas encourageant. Ensuite, les refinancements hypothécaires, un élément déclencheur pour les ménages, ne donnent pas d'indication d'un rebond. Aussi, le prix de l'essence à la pompe: à près de 4$US le gallon, c'est comme un impôt pour les ménages. Pour avoir un rebond de l'économie, il faudrait un repli autour de 3$US.

Deuxièmement, on surveille la politique monétaire en Chine. C'est très important pour notre propre marché. On croit que le resserrement va se poursuivre durant encore quelques mois. Et il y aura un impact, une décélération de la croissance.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

On a eu un mouvement de rotation important à la Bourse depuis un mois ou deux. Les investisseurs ont vendu les pétrolières, les minières et les industrielles, pour acheter les pipelines, les télécommunications et quelques assureurs plus défensifs. Il y a eu un grand changement sectoriel. On croit que ce n'est pas encore complètement terminé. Mais d'ici deux ou trois mois, on s'attend à un retour de balancier.

Il y a des titres cycliques qui sont devenus beaucoup plus attrayants, comme par exemple, Teck Resources, une grande minière dont les activités vont très bien. Son titre a dégringolé de 10% depuis la mi-avril. C'est à surveiller.

Dans les chemins de fer, le titre du Canadien Pacifique a sous-performé de manière importante (environ 20% à la traîne) par rapport au titre du Canadien National. Il y a eu trop de neige cet hiver, trop de pluie ce printemps, ce qui a nuit à ses résultats. Mais à notre avis, le titre a reculé un peu trop. On peut penser à l'acheter, dès aujourd'hui.

Troisième suggestion: le Groupe SNC-Lavalin. Son action a baissé à cause de la guerre en Libye. Mais SNC a des contrats partout à travers le monde. Son action est une façon de jouer le thème des matières premières, sans prendre autant de risque.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Il y a trois mois, on privilégiait les obligations de long terme aux États-Unis. Mais depuis, nous avons réduit considérablement la durée de nos portefeuilles d'obligations, à environ 2 ans. Pour nous, c'est rare. Mais avec des taux de 3% sur les obligations de 10 ans du gouvernement américain, on trouve qu'on a atteint le niveau le plus bas. On évite les obligations à long terme.

Qu'est-ce que les marchés sous-estimentle plus présentement?

Il y a un mois, j'aurais répondu qu'une bonne partie du ralentissement économique n'était pas escomptée dans le marché. Maintenant, le ralentissement est tout à fait reflété dans le prix des obligations. Du côté des actions, il ne l'est pas encore complètement. Ça dépend des secteurs. On ne voit pas encore de rebond. Mais ça commence à être le temps de prendre une approche plus pro-cyclique, en favorisant les sociétés industrielles ou les ressources naturelles.

Neil Matheson a accédé en 2007 au poste de premier vice-président, stratégie d'investissement, aux Investissements Standard Life où il oeuvre depuis plus de 20 ans. Installée à Montréal, la filiale canadienne du géant écossais Standard Life gère des actifs de plus de 30 milliards de dollars.