Triste retraite. «Je désire me séparer, si la situation actuelle ne change pas», lance Francine.

Retraitée depuis bientôt trois ans, la femme de 67 ans habite avec son conjoint de fait depuis 18 ans.

Elle a travaillé toute sa vie à petit salaire, mais elle épargne depuis l'âge de 15 ans. Elle détient 142 700$ en REER, 16 300$ en CELI et 94 600$ en placements divers.

L'homme a lui aussi pris sa retraite récemment, et leur relation en a souffert. «Rien ne va plus depuis deux ans», dit-elle.

Il est directif, tout en vivant de son côté sa retraite avec une grande liberté. «J'ai l'impression que je ne fais pas partie de son couple», confie-t-elle.

Elle songe à le quitter, mais se demande si elle en a les moyens.

La maison et les meubles appartiennent à son conjoint et elle ne lui verse aucun loyer.

«Je suis ambivalente. Ça me fait peur financièrement de prendre mon envol.»

En a-t-elle les moyens?

Le coût de la vie en solo

La planificatrice Hélène Bronsard, vice-présidente chez Raymond Chabot Gestion privée, a d'abord précisé avec Francine comment elle voyait cet avenir en solo. Elle se dit prête à renoncer à tout luxe - ou ce qui à ses yeux aurait pu paraître tel - pour habiter un logement raisonnable.

«Mais elle veut garder sa voiture, souligne la planificatrice. La perdre équivaudrait à perdre sa liberté.» Cette liberté qu'elle cherche justement à retrouver...

Francine consacre actuellement 7370$ par année à la location de sa voiture, son entretien, l'assurance auto et l'essence. Ses dépenses personnelles - vêtements, sports et loisirs, soins personnels - totalisent 2360$. Bref, son coût de vie actuel avoisine 9730$.

Il lui faudra ajouter les dépenses de logement et la nourriture, que son conjoint assume pour l'instant.

Calculons au plus serré. Nous supposons des dépenses de logement de 850$ par mois, tout compris. Ajoutons 100$ par semaine en nourriture, pour un coût de vie total de 25 130$.

Il faudra meubler ce logement, puisque Francine ne possède aucun meuble en propre. Nous estimons qu'elle y consacrera 10 000$. Cette somme serait puisée dans les épargnes non enregistrées, de manière à éviter la ponction fiscale qui aurait accompagné un retrait des placements REER.

Ses placements non enregistrés passeraient ainsi de 94 600$ à 84 600$.

Francine n'a aucun régime de retraite. Elle touche 7360$ de la RRQ et 6290$ de la PSV, pour un total de 13 650$.

Elle devra donc puiser chaque année dans ses épargnes une somme de 11 480$, que notre planificatrice ajuste à l'inflation à raison de 2% par année.

Pour les besoins de ses projections, elle applique un rendement de 5% sur le portefeuille REER, et de 4% sur les autres placements.

Dans ces conditions, l'épuisement des épargnes de Francine survient durant sa 86e année. Ensuite, elle ne peut plus compter que sur les rentes publiques, soit la RRQ et la PSV, à laquelle s'ajoutera le Supplément de revenu garanti (SRG).

Mais ce SRG, Francine y aurait-elle droit dès maintenant? Les revenus considérés pour son calcul excluent la PSV mais incluent notamment la RRQ, les revenus d'intérêts et les retraits du REER. Francine ne fera aucun retrait de ses REER avant 72 ans. Sur les 84 600$ de placements non enregistrés de notre scénario, un rendement de 4% procure 3384$ en revenus d'intérêt, auxquels s'ajoutent les 7360$ de la RRQ.

Selon les taux actuels, ces 10 744$ lui donneraient droit à un supplément de revenu non imposable de 218$ par mois.

À partir de ses 72 ans, la transformation du REER en FERR et les retraits minimaux obligatoires élèveraient ses revenus annuels au-dessus du plafond donnant droit au SRG.

Néanmoins, ces cinq ans de supplément de revenu allongent de deux ans la survie de ses épargnes, l'amenant à 89 ans.

Cet horizon est encore trop rapproché, étant donné l'excellent état de santé de Francine et de la longévité familiale - sa mère est encore vivante à 89 ans.

Que faire? «Réduire davantage son coût de vie m'apparaît difficile pour l'instant», constate Hélène Bronsard. Mais elle observe que les dépenses automobiles occupent près de 30% du budget prévisionnel de Francine. Dès lors que ces 7370$ disparaissent - ce qui surviendra vraisemblablement avant ses 89 ans -, les dépenses de Francine chutent à 17 760$ en dollars actuels. Or, une fois ses épargnes épuisées, le supplément de revenu garanti auquel elle aurait droit serait calculé sur la seule RRQ. Avec la RRQ, la PSV et le SRG de 359$ par mois (toujours en dollars actuels et selon les taux actuels pour fins de comparaison), ses revenus atteindraient ainsi environ 17 900$, avec un taux d'imposition négligeable.

Ouvrant une autre porte, Hélène Bronsard a demandé l'opinion de l'avocate et médiatrice Louise Benoît. Ainsi que le rappelle la médiatrice, le conjoint de Francine n'a aucune obligation de lui verser une pension, mais rien n'empêche non plus une telle entente, s'il a à coeur de ne pas la voir vivre trop chichement. «Cette pension serait imposable entre les mains de Francine et déductible pour lui», précise Hélène Bronsard.

Qui sait?

LA SITUATION

Retraitée de 67 ans, Francine veut quitter son conjoint de fait, avec lequel elle vit depuis 18 ans. Mais la maison et les meubles appartiennent à ce dernier. Sans régime de retraite, avec ses seules épargnes et les rentes publiques, elle s'inquiète...

«Quelle possibilité ai-je de survivre à ce nouvel avenir qui m'attend?»

- Francine

LES DONNÉES

Francine, 67 ans

Sécurité de la vieillesse: 6290$

RRQ: 7360$

Aucun régime de pension complémentaire

REER : 142 700 $

CELI: 16 300$

Placements non enregistrés: 94 640$

Aucun actif, aucune dette

L'ANALYSE

Son budget totaliserait 25 300 $. Elle toucherait le supplément de revenu garanti jusqu'aux premiers retraits de ses REER, à 72 ans. Ses épargnes s'épuisent ainsi à 89 ans. Mais le retour du SRG et la suppression des 7300$ des dépenses de voiture lui permettraient alors de soutenir son mince coût de vie.

«Il est difficile de réduire davantage son coût de vie et la durée de capital est moindre que l'historique de longévité familiale.»

- Hélène Bronsard, planificatrice financière agréée et vice-présidente chez Raymond Chabot Gestion privée