Quand les taux d'intérêt sont anémiques, les investisseurs qui vivent de leurs revenus de placement sont assoiffés de rendement. Pour améliorer leur sort, plusieurs sont prêts à mettre de l'eau dans leur vin. Justement, les sociétés s'apprêtent à leur servir un nouveau cru de débentures convertibles.

Ces dernières semaines, plusieurs sociétés comme Anderson Energy et Ivanhoe Energy ont annoncé des émissions de débentures convertibles, un produit hybride qui permet de profiter du potentiel de croissance de la Bourse, sans risquer son capital.

En fait, les débentures convertibles procurent la même sécurité qu'une obligation : l'investisseur touche des intérêts semi-annuels et récupère son argent à l'échéance, c'est garanti. Mais si l'action de la société grimpe au-delà du prix de conversion de la débenture, le détenteur pourra échanger ses titres contre des actions. Il profitera ainsi de la croissance de la Bourse.

Le marché des débentures convertibles est en effervescence. L'année dernière, la cuvée avait été particulièrement abondante, avec des émissions de sociétés comme Transforce, Groupe Aecon, Groupe Colabor et Paladin Energy. BMO marchés des capitaux a dénombré plus de 50 émissions de débentures convertibles totalisant presque 4,5 milliards en 2010, un niveau record pour ce marché qui avait plongé sous la barre des 1,5 milliard en 2008.

« On voit souvent des vagues d'émissions de débentures convertibles quand les marchés boursiers ont été forts et quand les taux d'intérêt sont encore bas. Présentement, on a exactement cet environnement-là. C'est très favorable pour les émetteurs », explique Stephen Gauthier, chef des investissements et gestionnaire principal pour la firme de courtage Fin-XO Valeurs mobilières.

« Mais pour les investisseurs, c'est un environnement où il faut être très prudent », prévient M. Gauthier. Lui-même garde ses distances par rapport aux émissions de débentures convertibles. « Il y a plus de risque à la baisse que de possibilité d'obtenir une plus-value », dit-il.

Selon lui, il vaut mieux en acheter sur le marché secondaire, en favorisant celles qui ont une échéance plus rapprochée, qui offrent un rendement de 6 à 7 % et qui ont une prime de conversion autour de 15 ou 20 %. Mais il y en a peu. Les débentures de Cominar (5,70 % 30 juin 2014) lui semblent parmi les plus intéressantes.

Primes surprenantes

Mais présentement, certaines entreprises profitent de l'enthousiasme sur les marchés financiers pour émettre des débentures assorties d'une prime de conversion de plus de 50 %.

« C'est une tendance qui me surprend », avoue Christine Décarie, vice-présidente principale, gestionnaire de portefeuille et directrice de la recherche au Groupe Investors. « Quand j'étudiais les débentures convertibles, il y a très longtemps, on parlait de prime de 25 %, peut-être 30 %... et non 60 % comme a vu dans les derniers mois. »

La prime de conversion reflète l'écart entre le prix actuel de l'action et le prix de conversion de la débenture. « Quand la prime est trop élevée, il faut que le titre monte beaucoup, beaucoup, beaucoup, pour que cette option-là ait une valeur intéressante », dit Mme Décarie.

Si la prime est très élevée, la débenture se transige comme une obligation traditionnelle. Sur le marché secondaire, son prix sera influencé par la qualité de crédit de la société et par les variations des taux d'intérêt.

Or, les taux d'intérêt sont présentement au plancher. Les débentures convertibles émises récemment ont un taux d'intérêt relativement faible. Elles perdront du lustre advenant une remontée des taux d'intérêt, comme plusieurs le prévoient.

En ce moment, les investisseurs sont heureux de récolter 5 à 7 % avec des débentures convertibles. C'est deux fois plus que le rendement d'une obligation du Canada de 5 ans qui verse à peine 2,4 %.

Mais si les taux remontent de 1,5 % d'ici 18 mois, les obligations du Canada verseront près de 4 % et celles du Québec près de 5 %, estime M. Gauthier. Les débentures convertibles, souvent émises par de petites et moyennes entreprises plus risquées, ne feront pas le poids avec leur taux de 5 %.

Vaccum des fiducies de revenus

Mais pour l'instant, les investisseurs sont friands de débentures convertibles. Souvent, les sociétés doivent même augmenter la taille de leur émission pour satisfaire à la demande.

Par exemple, le 13 mai dernier, la société torontoise Neo Material Technologies a gonflé de 14 % son émission de débentures convertibles qui lui rapportera 200 millions au lieu de 175 millions comme prévu au départ.

Les débentures convertibles viennent combler un vide. Elles permettent d'assouvir l'appétit des investisseurs en quête de rendement courant.

« Il y a quelque temps, les investisseurs achetaient des fiducies de revenus. Mais ça été éliminé », rappelle Mme Décarie. Depuis le 1er janvier dernier, les fiducies ont définitivement perdu leur avantage fiscal, sauf les fiducies immobilières. Les investisseurs cherchent des alternatives pour remplacer ces véhicules financiers qui leur versaient des revenus élevés.