Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Gerry Connor, de Cumberland...

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

Les problèmes en Europe font les manchettes depuis quelques temps. Mais bientôt, ce pourrait être les matières premières. Tant que l'Europe s'en tire bien, l'euro monte, le dollar américain descend et le prix des matières premières grimpe. Si la situation se détériore en Europe, les investisseurs effrayés pourraient revenir vers le dollar américain, ce qui pourrait porter ombrage aux prix des matières. Tous ceux qui spéculent sur les matières premières pourraient prendre peur et vendre, ce qui entraînerait une baisse encore plus importante.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment ?

La Bourse va continuer de bien se porter tant qu'il y aura assez de liquidités pour pousser les actions. Quand il y a une récession, comme on vient d'en vivre une, les banques centrales injectent beaucoup d'argent afin de redémarrer l'économie. Ces liquidités se retrouvent dans les marchés financiers, ce qui fait monter la Bourse.

Puis l'inflation remonte. Tôt ou tard, la Réserve Fédérale n'aura pas le choix de hausser les taux d'intérêt. C'est ce qui mettra un terme à la remontée boursière. L'inflation est la clé. C'est ce qu'il faut surveiller.

Mais présentement, l'inflation est alimentée par la hausse du prix des matières premières. Si on assiste a une correction dans les matières première, l'inflation ralentira. Nous aurons seulement une rotation sectorielle à la Bourse.

Que feriez-vous avec 10 000 $ à investir ?

Pour réduire le risque de nos portefeuilles, nous avons éliminé certains titres du secteur de l'énergie qui avaient très bien fait l'année dernière, et nous avons ajouté des titres grandes entreprises, peu volatils, plus défensifs, qui versent un dividende élevé. Par exemple, la Banque de Montréal (TSX, BMO), Telefonica (NY, TEF) ou encore Roger Communication (TSX, RCI.B). Son action a peu participé à la récente envolée boursière, car la guerre du sans-fil a suscité des craintes exagérées. Dans un marché baissier, c'est un titre qui glissera beaucoup moins et qui continuera de verser un bon dividende.

Quel placement évitez-vous à tout prix ?

Les obligations à long terme. Si vous regardez un graphique sur 30 ans, les taux sont partis d'un sommet et ils ont tellement descendu qu'ils ne peuvent plus aller beaucoup plus bas ! On ne sait pas quand les taux vont remonter, mais le risque est très réel. À ce moment-là, les obligations vont souffrir.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement ?

Les gens sous-estiment le niveau de spéculation dans les matières premières. Les gens pensent que c'est la croissance de pays comme la Chine qui stimule la demande. Et c'est vrai. Mais ils ne réalisent pas que les investisseurs financiers ont accumulé des stocks de matières premières qui atteignent des niveaux que je n'ai jamais vu de toute ma carrière.

Pour le cuivre, on a appris en décembre qu'un seul et unique négociateur contrôlait 80 à 90 % de tous les stocks de cuivre de la Bourse des métaux de Londres. Il s'agit probablement de JP Morgan qui se préparait à lancer un fonds négocié en Bourse (FNB).

Pour l'or, 40 % de la demande dépend d'investisseurs financiers, par rapport à 10 % en 2003, selon la firme de recherche Veritas. Cela est dû en bonne partie à la création de FNB. Ces fonds permettent d'acheter rapidement des matières premières... mais si le prix baisse, les investisseurs pourront vendre aussi vite.

Sur le pétrole, les spéculateurs représentaient 90 % de la demande durant une période de cinq semaines, lors des révoltes au Moyen-Orient. Du jamais vu. Si la situation rentre dans l'ordre, que se passera-t-il ?

Je n'ai pas de prévision sur le prix des matières premières. Peut-être que ça va monter encore. Mais la vraie question est : combien de risque est-on prêt à prendre pour jouer ce jeu ? C'est une question de gestion de risque.

Co-fondateur de Connor & Clark et des fonds 20/20, Gerry Connor est aujourd'hui président du conseil de Cumberland Private Wealth Management qu'il a lancé en 1997. La société torontoise, qui gère 1,5 milliard d'actifs pour une clientèle fortunée, a ouvert un bureau à Montréal cette semaine.