Les soubresauts des derniers jours en Bourse avaient de quoi interpeller les investisseurs, qui doutent du sentiment haussier dans les principaux marchés occidentaux depuis plusieurs mois.

Mais de l'avis de professionnels boursiers, accorder trop d'attention à ces mouvements indiciels à court terme ferait fi de l'élan plus fondamental des bénéfices des entreprises.

D'autant que cet élan très favorable depuis quelques trimestres s'est encore renforcé avec les récents résultats de début d'exercice 2011, en particulier parmi les entreprises nord-américaines.

Au sud de la frontière, les trois quarts (76%) des entreprises de l'indice boursier S&P 500 ont annoncé des bénéfices de premier trimestre au-delà des attentes des analystes.

Il s'agit du cinquième trimestre consécutif où ce pourcentage cote au-delà de 70% de «profits meilleurs que prévu».

C'est aussi le cinquième trimestre d'affilée où la croissance des bénéfices des entreprises du S&P 500 dépasse les 10% en taux annualisé.

Quant aux revenus bruts, le «top-line» dans le jargon des analystes, un peu plus des deux tiers (70%) des entreprises du S&P 500 ont fait mieux que les prévisions d'analystes lors du premier trimestre 2011.

Du côté canadien, les entreprises de l'indice boursier S&P\TSX ayant annoncé des résultats meilleurs que prévu au premier trimestre sont moins nombreuses (55%) que chez les voisins américains.

N'empêche, ce taux de 55% pour les «profits meilleurs que prévu» et de 57% pour les «revenus meilleurs que prévu» s'avèrent les plus élevés depuis au moins cinq trimestres parmi les entreprises du S&PTSX.

«L'amélioration continue des résultats des entreprises américaines m'impressionne, considérant le contexte de l'inflation pétrolière autour de 100$US le baril. Au Canada, on constate aussi une bonne accélération de la rentabilité des entreprises, en particulier dans les secteurs de l'énergie et des autres ressources. Ça devrait encore pousser la Bourse canadienne en hausse cyclique au cours des prochains semaines», commente Ed Sollbach, stratège boursier et analyste quantitatif chez Valeurs Mobilières Desjardins, dans la plus récente livraison du bulletin «StrategicPulse» parmi ses clients-investisseurs.

À la Financière Banque Nationale, les économistes Stéfane Marion et Marco Lettieri s'inscrivent dans le même sens dans leur plus récent «Mensuel boursier», publié il y a quelques jours.

«Les données fondamentales du marché soutiennent une nouvelle expansion des marges (bénéficiaires des entreprises) pour la suite de 2011, malgré leurs niveaux déjà élevés», écrivent-ils, avant de citer trois raisons principales.

«Premièrement, les prix de vente (des entreprises) montent plus vite que leurs coûts de production. Deuxièmement, le taux d'utilisation des capacités continue de croître vers sa moyenne à long terme, ce qui devrait limiter la hausse des coûts de production unitaires. Et troisièmement, la politique monétaire reste expansionniste (bas taux d'intérêt). Historiquement, les marges des entreprises tendent à culminer seulement lorsque la Fed commence à relever ses taux.»

Parmi les gestionnaires de portefeuilles, on accueille évidemment d'un oeil favorable l'amélioration continue des bénéfices des entreprises.

Et certains comme Jean-Luc Landry, président de la firme montréalaise Landry Morin, s'attendent même à la continuité d'un «super-cycle» de bénéfices des entreprises, qui pourrait s'allonger sur quelques années.

«Je crois que nous amorçons une très bonne décennie pour les résultats des entreprises, en raison surtout de la tendance baissière des coûts salariaux provoquée par la concurrence internationale et l'essor des technologies, a indiqué M. Landry lors d'un récent entretien avec La Presse Affaires.

«Pour les investisseurs en actions d'entreprises, ce contexte recèle beaucoup de potentiel de majorations de dividendes au cours des prochaines années».

Cela dit, est-ce que les valeurs courantes en Bourse reflètent pleinement ces perspectives favorables pour les résultats d'entreprises?

Oui, pour la plupart des secteurs d'activités, estiment plusieurs observateurs boursiers. Et même à l'excès dans certains secteurs lorsque l'on considère leurs multiples cours-bénéfices rendus élevés, historiquement.

Pour Vincent Delisle, stratège boursier chez Capitaux Scotia, c'est pourquoi les investisseurs devraient limiter leurs attentes d'appréciation en Bourse, plutôt que d'extrapoler sur le bon rendement des derniers mois.

«À 70% et plus, le pourcentage de bonnes surprises parmi les résultats trimestriels d'entreprises demeure positif pour la Bourse à court terme. Néanmoins, des nuages s'accumulent aux États-Unis et en Europe surtout, où la hausse des coûts de matières premières et de l'énergie pourrait nuire à la reprise, selon M. Delisle.

«Au Canada, aussi, les prochains résultats d'entreprises pourraient aussi stagner hors des secteurs de l'énergie et des matières premières. C'est pourquoi je m'attends à une modération des multiples cours-bénéfices en Bourse au cours des prochains 12 à 18 mois.»