«Je dois me séparer, confie Jacqueline. Je vis en union de fait et j'aurai 60 ans cette année. En tout premier lieu, je dois vous dire que je suis très dépensière... Mais toute ma vie, j'ai économisé aussi...»

Retraitée et habitant en région, Jacqueline touche une rente annuelle de 42 000$ du régime de retraite de son employeur. Elle commencera dans quelques mois à encaisser la rente de la RRQ, à hauteur de 7500$ par année.

Elle détient 50 000$ en REER, et est propriétaire d'un lot boisé de 75 acres d'une valeur marchande d'environ 60 000$.

Elle s'attend à recevoir 125 000$ provenant de la vente de la maison qu'elle détient avec son ex-conjoint.

Mais ses dettes assombrissent ce bilan.

Dans le cadre d'une consolidation de dettes, elle doit rembourser pendant encore deux ans un solde de 11 000$, à raison de 470$ par mois. Elle verse en outre 250$ chaque mois afin d'acquitter une marge de crédit de 7500$.

«Puis-je considérer m'acheter une maison, demande-t-elle. Dois-je louer?»

Elle ajoute: «Inutile de vous préciser que je veux profiter de la vie.»

Une question de coût de vie

Cette vie, pourra-t-elle en profiter dans sa propre maison? Pour le savoir, la planificatrice financière Zeina Abou Raad, de RBC Gestion de patrimoine, a d'abord évalué le train de vie de Jacqueline. Elle l'estime à 26 900$ par année, une fois soustraits les remboursements de dettes et les 450$ que Jacqueline verse chaque mois pour la maison commune.

Avec la RRQ, Jacqueline devrait toucher à 60 ans un revenu brut d'environ 49 500$. La rente de son employeur sera coordonnée à la RRQ à partir de 65 ans et diminuera de 8430$, mais l'arrivée de la pension de la Sécurité de la vieillesse compensera plus ou moins cette perte.

«En somme, elle devrait maintenir son train de vie actuel même s'il y a une séparation», indique Zeina Abou Raad.

Elle a d'abord exploré le scénario de la location.

Notre conseillère recommande d'abord que Jacqueline rembourse ses 18 500$ de dettes avec les 125 000$ qui proviendront de la vente de la maison actuelle.

Les 106 500$ restants s'ajouteront aux 50 000$ en REER pour compléter ses revenus de retraite. Zeina Abou Raad applique à ces placements un rendement annuel de 5%, en accord avec le caractère prudent de Jacqueline.

La planificatrice pose l'hypothèse d'un loyer de 900$ par mois, «qui permettrait à Jacqueline un déménagement dans un quartier similaire à son niveau de vie actuel», observe-t-elle. Elle y ajoute des frais de chauffage et d'assurance de 200$, pour un total de 1100$ par mois. Son coût de vie avoisinerait ainsi 40 000$.

Or, si on suppose que ses 156 500$ d'épargne s'épuisent à 90 ans, les projections montrent que Jacqueline pourrait soutenir des dépenses annuelles de 39 960$, avec un ajustement de 2,25% au coût de la vie. À son décès, Jacqueline léguerait ainsi à son fils unique son lot boisé, lequel vaudrait environ 105 000$, avec une appréciation de 2% par année.

Comparons maintenant avec le scénario de l'achat. Dans un quartier similaire à celui où elle habite présentement, Jacqueline pourrait acheter une maison jumelée pour 220 000$.

Après le paiement de ses dettes, et en conservant une petite réserve pour les frais afférents, Jacqueline pourrait appliquer 100 000$ à la mise de fonds. Elle contracterait donc un prêt hypothécaire de 120 000$. Zeina Abou Raad utilise un amortissement de 30 ans, «qui permettra un paiement complet au moment de son décès», explique-t-elle. Avec un taux d'intérêt de 5,75%, la mensualité hypothécaire s'élèverait à 700$ par mois. La planificatrice ajoute 400$ pour les impôts fonciers, l'assurance habitation, l'entretien. Bref, les dépenses de logement totalisent 1100$, tout comme dans le scénario de la location.

La projection montre qu'avec 106 000$ de moins en épargne, Jacqueline peut tout de même s'autoriser un coût de vie indexé de 38 780$. C'est à peine 1180$ par année de moins qu'avec la location. Pourquoi une si mince différence? Parce que, dans le premier scénario, le loyer de 900$ est indexé à raison de 2,25% par année, alors qu'avec l'achat, la mensualité hypothécaire de 700$ demeure fixe pendant 30 ans (en supposant bien sûr un taux hypothécaire stable à 5,75%).

Cette fois, à 90 ans, Jacqueline lèguerait sa maison en sus de son lot boisé, soit une valeur d'environ 536 000$.

Si elle ne voulait pas réduire son train de vie de 1180$ par année, Jacqueline pourrait tirer un revenu supplémentaire en exploitant son lot boisé, suggère Mme Abou Raad.

«L'achat d'une propriété permettrait d'augmenter la valeur nette et présente l'avantage d'être maître chez soi», conclut-elle.

----------------

LA SITUATION

Jacqueline, récemment retraitée, se sépare et doit déménager. Elle a quelques économies et va récupérer 125 000 $ sur la maison détenue avec son ex-conjoint. Malheureusement, elle a plusieurs dettes. Peut-elle acheter une maison ou doit-elle louer ?

Citation

«Je ne sais pas quoi faire et je n'ai personne autour de moi pour me conseiller.» - Jacqueline

LES DONNÉES

Jacqueline, 59 ans

Rente de retraite de son employeur : 42 000 $

Rente de la RRQ à venir dans l'année : 7500 $

Actifs

REER : 50 000 $

À toucher : 125 000 $ en provenance de la vente de la maison

Lot boisé : valeur de 60 000 $

Passif

Dettes consolidées : 11 000 $ (470 $ par mois)

Marge de crédit : 7500 $ (250 $ par mois)

LES RECOMMANDATIONS

Si elle choisit la location, Jacqueline ajoute 106 500 $ à ses épargnes et peut soutenir un coût de vie de 39 960 $ jusqu'à 90 ans. Avec l'achat, elle peut verser 100 000 $ en mise de fonds. Elle doit réduire son train de vie de 1180 $ par année, mais elle détiendrait 430 000 $ de plus à la fin de sa vie.

«Connaissant ses valeurs et ses besoins et après discussion, nous lui recommandons l'achat d'une maison qui lui procurera plus de satisfaction, de qualité, de confort et de stabilité.» - Zeina Abou Raad, planificatrice financière, RBC Gestion de patrimoine