Arlette et Marc veulent aider leur fille à acquérir une propriété. Tous deux retraités, ils habitent depuis 38 ans un duplex qui vaut maintenant 480 000$. «Ma fille occupe le logement du haut avec son mari et ses trois enfants, explique Arlette. Leur plus grand désir est de s'acheter une maison.»

Sa fille Chantale est travailleuse autonome à domicile, afin de rester à la maison jusqu'à ce que ses trois enfants aient atteint l'âge scolaire. Elle gagne environ 10 000$ par année. Son conjoint, Sébastien, touche un salaire de 55 000$.

Pour le logement à l'étage, les grands-parents demandent un loyer modique de 600$, qui couvre leurs dépenses.

La petite famille n'a pas les moyens de se procurer une propriété à Montréal. Mais la banlieue présente d'autres inconvénients, dont celui de les éloigner des grands-parents -des gardiens volontaires, aussi fiables qu'attentionnés.

Arlette s'interroge: «Serait-il plus avantageux pour eux d'acheter une partie du duplex, ou de continuer à louer, mais avec option d'achat? Ou d'acheter en banlieue? Ou de tout simplement continuer la location à prix avantageux?»

Elle ajoute une préoccupation essentielle. Les deux retraités veulent que la solution retenue soit équitable envers leur autre fils, Daniel, qui est propriétaire d'une petite maison en région.

Objectif Montréal

Pour résoudre ce dilemme, Pierre Renaud, planificateur financier principal du Groupe Banque Scotia au Québec, a joint ses compétences à celles du notaire Kevork Kevorkian, planificateur testamentaire et successoral principal du Groupe Gestion Privée Scotia.

Me Kevorkian écarte d'emblée la location avec option d'achat. Les parents continueraient à être imposés sur les revenus de location, tandis que les versements mensuels des enfants ne serviraient pas à l'achat.

«Le plus rapidement la transaction sera conclue, le plus tôt le jeune couple pourra lui aussi profiter de la croissance à l'abri de l'impôt de la valeur de leur résidence», indique-t-il.

À l'opposé, la solution d'un achat en banlieue entraîne des coûts non négligeables, notamment pour les déplacements. Et le prix d'achat risque d'être supérieur à celui de l'appartement.

«La solution de l'achat de l'appartement semble donc la meilleure à nos yeux», indique Pierre Renaud. Cette transaction peut se conclure par la vente d'une partie divise ou indivise de l'immeuble. Chaque formule présente ses avantages et inconvénients. «Il serait préférable de consulter un notaire se spécialisant en matière de copropriété, afin d'établir la forme sous laquelle se réalisera la vente du logement», avise Me Kevorkian.

Combien serait vendu cet appartement? Si on retient l'hypothèse qu'il occupe 40% de l'espace, sa valeur s'établirait à 180 000$. La vente du logement entraînera pour les parents une facture fiscale pour le gain en capital réalisé sur cette partie locative. La valeur de référence de l'immeuble a été cristallisée à 150 000$ en 1994, lorsque l'exonération de 100 000$ de gain en capital a pris fin. Considérant la valeur marchande actuelle de 450 000$, le gain en capital s'établirait aujourd'hui à 300 000$.

Une part de 40% est attribuée au logement, soit un gain en capital de 120 000$. La moitié de ce gain est imposable, pour une facture fiscale de 24 000$, en supposant un taux marginal d'imposition de 40%. Une fois l'impôt acquitté, Arlette et Marc encaisseraient donc quelque 156 000$. Pierre Renaud conseille alors de «rembourser le prêt hypothécaire de 115 000$, puisque les intérêts sur celui-ci ne seront plus déductibles s'il n'y a plus de revenus de location».

Pour faciliter l'acquisition du logement, Arlette et Marc ont caressé l'idée d'augmenter leur propre emprunt hypothécaire pour faire un prêt à Chantale.

«C'est très complexe, commente Pierre Renaud. Les intérêts sur ce prêt ne seraient pas déductibles, contrairement à la situation actuelle. Même si un prêt à leur fille est fait à faible taux, comment compenser son frère Daniel pour cet avantage?»

Il faudrait en outre établir les modalités de remboursement du capital, prévoir l'éventualité du décès des parents. Casse-tête...

«Par contre, souligne Me Kevorkian, si les parents souhaitent avantager Chantale en effectuant un don pour faciliter l'achat, l'équité à l'égard de Daniel pourra être conservée par l'entremise d'une planification testamentaire.»

La solution la plus simple demeure encore l'achat du logement en toute indépendance.

Chantale et son conjoint détiennent 50 000$ en REER. Ils pourront profiter du Régime d'accès à la propriété (RAP), qui permet à chacun de retirer jusqu'à 25 000$ de son REER pour l'achat d'une première propriété.

Les 130 000$ restants feront l'objet d'un emprunt hypothécaire, amorti sur 25 ans. Avec un taux fixe de 5% pour les cinq premières années, la mensualité s'établirait à 760$. Il faut bien sûr y ajouter les impôts fonciers. Deux ans plus tard, ils devront aussi inclure au budget le remboursement du RAP, à raison de 1\15e du retrait chaque année.

Mais dès que Chantale retournera au travail à temps plein, le couple se trouvera beaucoup plus à l'aise.

Et tout près des grands-parents...

LA SITUATION

Chantale et Sébastien sont parents de trois jeunes enfants. Ils occupent le logement à l'étage du duplex des parents de Chantale. Ils voudraient acheter une propriété à Montréal mais les prix sont trop élevés. Les grands-parents jonglent avec les scénarios pour les aider.

«Serait-il plus avantageux pour eux d'acheter une partie du duplex, ou de continuer à louer mais avec une option d'achat?»

Arlette

LES DONNÉES

Arlette 61 ans, retraitée

Marc, 63 ans, retraité

Propriété: duplex valant 450 000$

Solde hypothécaire: 115 000$

Chantale, 38 ans

Revenus: 10 000$

REER: 25 000$

Sébastien, 43 ans

Revenus: 55 000$

REER: 25 000$

Coût de logement: 600$ par mois

L'ANALYSE

La location avec option d'achat n'offre aucun avantage. Un emprunt par les grands-parents pour aider les enfants est complexe à gérer. Reste l'emprunt hypothécaire par le jeune couple. Le logement du duplex vaut 180 000$. Avec un RAP de 25 000$ chacun, la mensualité d'une hypothèque de 130 000$ s'élèverait à 760$ par mois. Faisable.

«L'équité entre Chantale et son frère Daniel, un point important pour les parents, est préservée puisque tout est fait selon les règles financières et fiscales en vigueur.»

Pierre Renaud, planificateur financier principal du Groupe Banque Scotia au Québec. Pour cette analyse, il a été assisté par le notaire Kevork Kevorkian, planificateur testamentaire et successoral principal du Groupe Gestion Privée Scotia.