Pascale et Robert ont des économies fort différentes, et des opinions tout aussi divergentes à ce sujet. «J'ai 45 ans et je ne détiens que 5000 $ dans un REER, décrit Pascale. Mon salaire n'est que de 40 000$ annuellement. Mon conjoint a 50 ans et détient 115 000 $ placés dans un REER. Son salaire est de 65 000$.»        

Ils sont propriétaires d'une propriété évaluée à environ 40 0000$. Son solde hypothécaire de 180 000$ sera acquitté en 2024.

«Mon conjoint ne cesse de m'encourager à cotiser davantage dans des REER, indique Pascale. Je réponds non et m'obstine à lui dire que, de toute façon, le peu de sous que je pourrais déposer annuellement dans mes REER n'assurerait certainement pas mes vieux jours.»

Robert, pour sa part, verse chaque année 4000$ dans son REER. Pour y parvenir, il tire 4000$ sur la marge de crédit du couple, rembourse l'emprunt avec le remboursement d'impôt de 1400$, et acquitte le solde à raison de 200$ par mois.

«Je ne cesse de lui rappeler que nous devrions plutôt investir dans un duplex», poursuit Pascale.

Avec les revenus de l'immeuble, elle estime que le couple n'aurait que 200 $ à verser chaque mois pour couvrir les frais et l'hypothèque.

Faudrait-il y consacrer les 200$ que Robert consacre chaque mois à son REER?

Projection dans 15 ans

Comment comparer le rendement d'un investissement immobilier avec celui d'une cotisation au REER? Le planificateur financier Martin Dupras, de ConFor financiers, nous en donne la formule : il s'agit d'estimer combien notre couple sortirait de sa poche chaque année pour son immeuble, une fois tous les revenus et dépenses pris en compte. On évalue ensuite ce que ce montant annuel produirait s'il était plutôt investi en REER.

Suivons le guide.

Première étape: combien peut rapporter un immeuble de 300 000$?

Selon les tendances actuelles, il est raisonnable de croire que le prix d'achat équivaudra à environ 15 fois les revenus de location qu'il procure. Ce ratio équivaut ici à des revenus de 20 000$ par année.

Ces revenus s'opposeront aux dépenses, au premier chef l'hypothèque. Robert et Pascale prévoient produire leur mise de fonds avec une marge de crédit garantie par leur propriété actuelle. Pour simplifier les calculs, Martin Dupras suppose donc un emprunt de 300 000$, amorti sur 25 ans, à un taux de 5,75%.

Les mensualités hypothécaires totaliseraient ainsi 22 900$. En ajoutant 3000$ d'impôts fonciers (1% du prix d'achat), 1500$ d'assurances (0,5%) et 6000 $ d'entretien (2%), les dépenses totaliseraient 33 400$ par année. Pour combler le déficit en regard des revenus de 20 000$, Robert et Pascale devront donc débourser 13 400$ par année.

Notre planificateur fixe le point de contrôle de notre comparaison dans 15 ans, moment où Pascale prévoit revendre ce duplex.

En supposant que la propriété s'apprécie de 4% par année, elle vaudrait alors 540 000$, produisant un gain en capital de 240 000$. La moitié de ce gain serait soumise à la lourde main du fisc, pour une facture de 57 700$ avec un taux marginal d'imposition de 48%.

Dans 15 ans, le solde hypothécaire sera de 155 000$. Soustrayons ces deux montants de la valeur de 540 000$: notre couple détiendrait donc une valeur nette de 327 600$.

Investissement dans un REER

Prédisons maintenant le destin d'un investissement dans un REER auquel serait consacré le même débours annuel de 13 400$. En tenant compte du crédit d'impôt pour un taux d'imposition de 40%, cette dépense nette correspondrait à une cotisation annuelle au REER de 22 333$. Martin Dupras y applique un rendement de 4%, qui procure après 15 ans un capital de 447 000$. Un retrait total du REER, avec un taux marginal d'imposition de 48%, laisserait alors 232 400$ entre les mains de Robert et Pascale.

L'investissement immobilier est donc plus rentable, quoique « cette projection soit très sensible à l'hypothèse d'appréciation de 4%», souligne Martin Dupras.

Autres facteurs

Mais d'autres facteurs entrent en jeu. Avec l'hypothèque actuelle de 180 000$, ce nouvel investissement, entièrement financé par emprunt, porterait la créance hypothécaire du couple à près d'un demi-million de dollars. Le couple pourra-t-il affronter les inévitables hausses de taux d'intérêt? Réussira-t-il même à emprunter de telles sommes? Le budget peut-il soutenir une dépense annuelle de 13 400$, soit 1117$ par mois, alors que Pascale prévoyait y consacrer 200$?

L'efficacité financière de l'investissement immobilier demeure indéniable, observe Martin Dupras. Mais le fait que cet investissement soit totalement financé par emprunt «rend probablement cette approche trop risquée pour notre couple».

Pascale devra reconsidérer son REER.