Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Christian Langevin, de Gestion de placements GE.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Les soulèvements en Afrique du Nord et dans le golfe Persique créent une incertitude grandissante sur les marchés boursiers mondiaux. Ceci se traduit par une montée importante du cours de l'or qui pourrait se poursuivre en 2011, car il faudra sans doute plusieurs mois avant de revenir à un semblant de stabilité dans cette région.

Comme il s'agit d'une région pétrolière très importante, le cours du pétrole s'est aussi envolé. Plusieurs investisseurs craignent que les violences s'étendent à d'autres pays qui sont de très importants producteurs de pétrole. Cela pourrait occasionner une montée en flèche du prix du brut, pire que ce que l'on a vu jusqu'à maintenant, qui pourrait étouffer la reprise économique mondiale.

De plus, ces événements vont sans doute avoir un impact négatif sur la croissance de cette région, ce qui pourrait nuire à la demande de plusieurs ressources naturelles. À court terme, il pourrait donc y avoir un effet négatif sur les multiples cours/bénéfices que les investisseurs sont prêts à payer pour les titres de marchés émergents et les titres liés aux ressources naturelles (autres que le pétrole et l'or) au profit des marchés boursiers des économies développées. Cela dit, nous demeurons généralement optimistes pour les ressources naturelles à long terme, malgré la hausse importante du prix ces dernières années, car l'offre demeure restreinte.

Que surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

L'inflation et le protectionnisme. Certes, ce sont des craintes à moyen terme, mais elles pourraient avoir des effets néfastes sur les marchés boursiers si elles se matérialisaient. Et les deux pourraient être liées. L'inflation est latente dans les pays développés, mais elle pourrait nous surprendre d'ici à cinq ans, car la montée du prix des ressources naturelles et la forte croissance intérieure des économies émergentes créent de la pression sur les prix et les salaires.

Cette poussée des prix combinée à la rareté grandissante des ressources naturelles et de la nourriture pourrait pousser des gouvernements à adopter des mesures protectionnistes comme des droits de douanes ou des quotas qui sont contre les principes de libre-échange. Normalement, cela est négatif pour le commerce et les marchés boursiers.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Nous investissons avec une perspective à long terme et nous sommes d'avis que la croissance des économies émergentes sera nettement supérieure à celle des pays développés au cours des 10 prochaines années. Bien que des embûches comme celles que nous vivons présentement pourraient faire hésiter les investisseurs, nous croyons que la tendance haussière restera la même et que les marchés émergents pourront regagner leur prime en Bourse, compte tenu de leurs perspectives de croissance supérieure. Évidemment, cela est positif pour les ressources naturelles à long terme et les pays exportateurs comme le Canada.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Sans les éviter à tout prix, nous pensons que les obligations et les marchés immobiliers devraient sous-performer par rapport à d'autres catégories d'actifs comme les actions. La reprise économique mondiale est plus solide, ce qui pourrait entraîner, à moyen terme, une hausse des taux d'intérêt et potentiellement de l'inflation, deux facteurs négatifs pour les obligations et l'immobilier.

Qu'est-ce que les investisseurs sous-estiment le plus en ce moment?

Pour 2011, nous pensons que les investisseurs sous-estiment la reprise économique aux États-Unis. Les marchés pourraient être agréablement surpris. Ce faisant, les Bourses américaines performeraient probablement mieux que les marchés émergents en 2011.

De plus, l'incertitude actuelle due aux turbulences géopolitiques pourrait redonner au marché américain et à sa devise leur statut de valeurs refuges. Mais, à moyen terme, nous croyons que le dollar américain devrait faiblir, surtout face aux devises des économies émergentes, car les États-Unis et plusieurs pays d'Europe devront faire face à la réalité et commencer à rembourser leurs dettes.

Christian Langevin est premier vice-président chez Gestion de placements GE, société qui gère 120 milliards de dollars, dont 1,4 milliard à partir de son bureau de Montréal. Diplômé de l'Université Laval et détenteur du titre de CFA, M. Langevin agit à titre de gestionnaire de portefeuille d'actions canadiennes et d'analyste international des titres pétroliers.