Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Ian Scullion, de CIBC.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Cette semaine, il y a eu un ensemble de grandes sociétés internationales qui ont dévoilé leurs résultats trimestriels. Nous avons eu la confirmation que toutes nos craintes inflationnistes commencent à se refléter dans leurs résultats. Les sociétés commencent à souffrir beaucoup de l'augmentation du coût des matières premières, tant du côté alimentaire que dans l'industriel. Le lait, les céréales, les dérivés pétroliers... tout a augmenté. Il y a un impact majeur sur les marges bénéficiaires, tant pour les groupes américains qu'européens. C'est généralisé. On l'a vu chez PepsiCo, chez Reckitt Benckiser qui fabrique le détergent Lysol, jusqu'à dans une société chinoise comme Hengan International Group. Pour ce fabricant de couches et de papier hygiénique, les produits dérivés du pétrole représentent jusqu'à 50% de sa matière première. L'inflation s'introduit dans tous les produits de consommation.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Nous allons écouter le message des dirigeants d'entreprises pour avoir une idée de leurs revenus d'ici six à 12 mois. Les sociétés ont déjà modéré les attentes. Elles voient un ralentissement de la consommation à peu près à tous les niveaux. On nous dit que le consommateur est serré. Il y six mois, on sortait de la crise, le message était plus nuancé. Mais la réalité nous rattrape.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Il y a eu beaucoup de folie boursière depuis deux ans, du côté des financières et des ressources naturelles. Il y a beaucoup de spéculation derrière tout ça. Malgré le fort rebond, il y a de grandes multinationales qui ont été laissées de côté.

Dans les technologies médicales, Baxter International (BAX) affiche une croissance soutenue. Elle a capacité de générer beaucoup de flux excédentaires, ce qui permet de verser un dividende en croissance depuis plus de 30 ans. En plus, le titre se négocie à un prix très attrayant.

On peut penser à Microsoft (MSFT), le mal-aimé des technologies depuis un certain temps. La croissance n'est plus aussi forte, mais elle reste de 8-10% par an. Ils dominent encore largement leur industrie, avec 80% des parts de marché. Ils ont plus de 40 milliards d'encaisse. On peut s'attendre à des rachats d'actions ou à de bonnes augmentations du dividende.

Il y a aussi Tesco (TSCDY). La société anglaise est un des plus grands distributeurs alimentaires au monde. Depuis 30 ans, trimestre après trimestre, ils livrent plus de 8% de croissance des bénéfices. Les dividendes sont en hausse constante. Ils sont présents partout en Asie. Mais le titre se négocie à un niveau jamais vu, parce que les investisseurs ont délaissé le secteur pour aller vers les cycliques.

Un dernier: Pepsico (PEP) qui a rarement été si bon marché. Le dernier trimestre a été plus difficile, mais ils continuent de croître à plus de 8% par an. Et le dividende est de 3%.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

J'évite tous les actifs qui ont été en forte demande depuis deux ans: les matières premières, les métaux précieux, l'immobilier à Hong Kong. Moi, j'achète des actifs financiers qui procurent des revenus d'exploitation. La spéculation, je ne touche pas à ça. Acheter des matières premières qui viennent de tripler? Acheter de l'or quand le prix vient d'être multiplié par quatre? Il n'y a rien de rationnel derrière ça. Je n'investirais pas là-dedans.

Quel est l'élément (positif ou négatif) que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Je pense que les gens sous-estiment les problèmes qu'on va avoir à cause de l'endettement massif de plusieurs pays occidentaux. Les gouvernements ne peuvent pas continuer d'imprimer de l'argent pour stimuler l'économie. Sinon, on va hypothéquer les générations futures. À un moment donné, il faut qu'il y ait de la demande réelle, de la croissance de l'emploi, de la création de richesse.

À titre de vice-président actions globales, Ian Scullion gère des actifs de 1,2 milliard de dollars au sein de l'équipe montréalaise de Gestion d'actifs CIBC. M. Scullion privilégie les multinationales solides dans des secteurs d'activités stables. Ses rendements lui ont récemment a attiré les éloges de la firme d'évaluation de fonds Fundata.